COHEN Marie-Élisa [née NORDMANN Marie-Élisa, épouse RUMPF, puis épouse COHEN]

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Née le 4 novembre 1910 à Paris (VIIIe arr.), morte le 5 août 1993 à Paris (XIIIe arr.) ; ingénieure chimiste, puis docteure ès sciences et maître de conférence à l’Université de Paris XI (Orsay) ; militante communiste, résistante, puis secrétaire de l’Union nationale des Intellectuels et présidente des anciens déportés d’Auschwitz.

A Auschwitz le 3 février 1943. Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau

Marie-Élisa Nordmann était la fille d’ Emmanuel Nordmann, fondé de pouvoir dans une banque, et d’Athénaïse Nattan. Après avoir eu une belle situation dans une banque russe, mise en déconfiture en 1917, le père dut accepter un poste d’employé dans un autre banque, entraînant une baisse du train de vie de la famille.

Marie-Elisa Nordmann commença ses études au cours privé Dieterlen à Paris (XVIIe arr.) et les poursuivit à Cannes où son père avait trouvé un nouvel emploi. La famille étant revenue à Paris, elle termina ses études secondaires au lycée Victor Duruy où elle obtint en 1927 le baccalauréat latin-sciences. Elle s’orienta ensuite vers des études de chimie, obtint la licence en 1930, devint ingénieure chimiste puis docteur ès sciences en 1937.

Elle effectua au début de la décennie 1930 deux séjours estivaux en Allemagne pour perfectionner sa connaissance de la langue allemande, et constata la dégradation du climat social d’une année sur l’autre et l’accroissement de la popularité d’Adolf Hitler chez les jeunes.

Le 28 juillet 1932, elle se maria avec un jeune chimiste, Paul Rumpf, avec lequel elle eut un fils, Francis, né le 30 juillet 1936, mais ils se séparèrent assez vite et divorcèrent en janvier 1938.

La famille Nordmann n’était pas politiquement engagée. En octobre 1934, Marie-Elisa commença à nouer une grande amitié avec France Bloch, venue travailler dans le même laboratoire qu’elle, qui lui fit rencontrer toute sa famille et l’initia au communisme. Elle adhéra au Comité de vigilance des intellectuels antifasciste, dont elle fut trésorière du comité du Ve arrondissement. En 1936, elle militait au Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme. Assurant les réunions en banlieue, elle s’y lia d’amitié avec Maria Rabaté. Elle s’engagea aussi dans le soutien aux ouvriers occupant leurs usines et dans les collectes pour l’Espagne républicaine.

En 1937, Marie-Elisa Nordmann travaillait au laboratoire de géologie du professeur Michel Lévy et était trésorière de la section du Syndicat national de l’enseignement supérieur. Après le décès de son père au mois de septembre, elle vécut avec sa mère et son fils à Paris, tout en étant boursière de recherche à la Caisse des Sciences (futur CNRS) puis chercheure au laboratoire du professeur Job.

Pendant la drôle de guerre, elle obtint un poste de "requis civil" à l’inspection médico-physiologique de l’Armée de l’Air à Bordeaux-Mérignac (Gironde), emmenant avec elle sa mère et son fils. De retour à Paris, elle adhéra au Parti communiste en 1940, participa à la rédaction et à la diffusion de L’Université libre, animée par Jacques Solomon, Georges Politzer et Daniel Decourdemanche dit Jacques Decour. Elle hébergea à son domicile Jacques Solomon et diffusa la revue La Pensée libre, ainsi que des tracts du Front national universitaire. Elle était chargée du recrutement dans l’enseignement supérieur.

Arrêtée le 16 mai 1942 en même temps que France Bloch (qui était filée), elle fut transférée à La Santé le 24 août, puis à Romainville le 29 septembre. Elle apprit que sa mère avait été arrêtée par la Gestapo le 7 août, comme "otage civil", tandis que son fils était recueilli par son frère cadet, Philippe Nordmann, professeur agrégé des lettres, et sa femme Paule*, tous deux engagés dans la Résistance. Sa mère, en raison de sa judéité, partit de Drancy le 18 septembre et mourut gazée à Auschwitz.
Quant à elle, de Compiègne, elle fut déportée le 24 janvier 1943 à Auschwitz où elle travailla à la station expérimentale pour la production du caoutchouc, puis à Ravensbrück à partir du 14 août 1944 et enfin à Mauthausen, d’où elle fut libérée le 22 avril 1945. Elle revint le 1er mai 1945. Son frère, Philippe Nordmann, également déporté en 1944 à Bergen-Belsen, n’en revint pas et mourut le 1er mai 1945.

Marie-Élisa Nordmann recommença à travailler comme assistante aux travaux pratiques de chimie générale de la faculté des sciences de Paris le 1er octobre 1945. Un an plus tard, elle fut détachée au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), comme secrétaire du comité scientifique, puis chef du service de documentation jusqu’en 1952, après la révocation du haut-commissaire Frédéric Joliot-Curie.
En octobre, elle devint assistante au laboratoire d’électrochimie de la faculté des sciences de Paris. Six ans plus tard, en octobre 1958, elle fut nommée chef de travaux de chimie à la faculté (puis Université) de Paris-Sud Orsay et prit sa retraite le 1er octobre 1976, comme maître de conférence.

Elle avait épousé Francis Cohen en 1948 et eut trois enfants de ce second mariage.

Dès juin 1945, elle participa à la création de l’Amicale des anciens déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie, entrant dans son conseil d’administration. En 1950, après le décès du professeur Waitz, elle présida l’Amicale et en devint présidente d’honneur en 1991. Le 26 juin 1976, elle entra au conseil d’administration de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), et fut élue à la vice-présidence deux ans plus tard. Elle présida également sa commission historique et rédigea des articles pour Le Patriote Résistant.

Elle fut aussi secrétaire de l’Union nationale des intellectuels à son retour de déportation, et militante communiste dans le XIIIe arrondissement.

Marie-Élisa Cohen était titulaire de la Croix du Combattant volontaire de la Résistance et officier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20277, notice COHEN Marie-Élisa [née NORDMANN Marie-Élisa, épouse RUMPF, puis épouse COHEN] par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 10 janvier 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

A Auschwitz le 3 février 1943. Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau

SOURCES : Site memoire vive des convois des 45000 et 31000 d’Auschwitz-Birkenau_marie-elisa-nordmann-epouse-cohen-31687. — L’Université libre, 25 juillet 1945 (récit de sa déportation). — Paul Delanoue, Les Enseignants. — Interview de Francis Cohen, décembre 1978. — Notes d’Alain Dalançon.

ICONOGRAPHIE : Le XIIIe arrondissement de Paris du Front populaire à la Libération, Paris, 1977.

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