FRANÇOIS Louis, Henri

Par Stéphane Weiss

Né le 14 janvier 1903 à Saint-Nicolas-de-Port (Meurthe-et-Moselle), exécuté sommairement le 22 octobre 1944 à Moyenmoutier (Vosges) ; inspecteur des Eaux et Forêts ; résistant au sein de l’administration des Eaux et Forêts et des FFI.

Louis François fils de Louis, notaire à Saint-Nicolas-de-Port et de Marie Bope est né au sein d’une famille comptant plusieurs cadres des Eaux et Forêts (son grand-père, Lucien Boppe, a dirigé l’École nationale des Eaux et Forêts de Nancy de 1893 à 1898). A onze ans, en septembre 1914, il vécut les bombardements de sa ville natale durant la bataille du Grand Couronné. Allant vers les études, il ne pouvait être que forestier « de famille », comme l’énoncera en juin 1945 la nécrologie que lui a consacré la Revue des Eaux et Forêts. Reçu à l’Institut agronomique de Paris, il entra ensuite en 1927 à l’École nationale des Eaux et Forêts à Nancy. A sa sortie de l’école, en 1930, il effectua son service militaire à Coblence, comme sous-lieutenant, parmi les dernières garnisons françaises occupant la rive gauche du Rhin.
Il débuta sa carrière forestière comme garde général à Colmar, en charge des forêts de la vallée de Munster, où il pilota notamment la création de la route forestière parcourant le vallon de la Wormsa. Il rejoignit la Lorraine suite au décès de son père, obtenant en 1937 le poste de gestion des aménagements forestiers de la conservation forestière d’Épinal. Ce poste étant sans titulaire depuis 1914, Louis François se consacra durant deux années à la révision et au renouvellement des documents d’aménagement des forêts publiques du secteur d’Épinal.
Lors de la mobilisation de 1939, il fut affecté comme adjoint du responsable du service forestier de la 4e Armée en Lorraine, avec la mission d’organiser les coupes dans la zone de stationnement de l’armée, prenant notamment en charge les scieries implantées le long de la ligne Maginot. En juin 1940, il suivit la 4e Armée dans sa retraite sur la Marne puis jusqu’en Corrèze. Démobilisé à Clermont-Ferrand puis transitant par Agen, il résolut avec quelques personnels forestiers également repliés de rentrer dans les Vosges dès l’automne 1940.
François fut le premier officier forestier de la conservation d’Épinal à reprendre son poste, dans un contexte de désorganisation du service forestier. Il remit de l’ordre dans le service forestier, ouvrit des chantiers forestiers pour résorber le chômage frappant les vallées vosgiennes et fournir du bois de chauffage aux populations. Partant de zéro, il réussit à monter et à réglementer des exploitations en régie, employant jusqu’à 2500 hommes, dont 500 à 600 logés dans des camps forestiers. Dans les mêmes temps, il se maria le octobre 1941 à Anould avec Annette Schmitt, devenu inspecteur des Eaux et Forêts, prit la direction de l’Inspection des Eaux et Forêt de Saint-Dié Sud. Poursuivant l’ouverture de chantiers forestiers, il mena aussi des travaux d’études jusqu’à l’été 1944, livrant encore peu avant son décès une étude sur le pin sylvestre.
Parallèlement, Louis François s’impliqua dans une activité clandestine. Dès 1941, il entreprit de structurer un réseau en grande partie constitué d’agents des Eaux et Forêts, sélectionnés puis recrutés parmi les membres des inspections forestières de Saint-Dié Sud et Saint-Dié nord. Épaulé à partir de la fin de l’année fin 1941 par l’inspecteur adjoint des Eaux et Forêts Jean-François Pelet, il anima ce réseau initialement axé sur le renseignement, la récupération d’armes et l’aide aux évadés d’Allemagne ayant transité par le massif des Vosges. L’organisation forestière s’intégra en juillet 1943 dans le cadre régional de la Résistance (Région C). La multiplication des chantiers forestiers permettait par ailleurs d’éviter le départ vers l’Allemagne des jeunes gens dans le cadre Service du travail obligatoire (STO), tout en camouflant des réfractaires au STO ainsi que des Alsaciens et des Mosellans en fuite. Ces chantiers ont également constitué un terreau pour le recrutement des maquis vosgiens de 1944.
En 1944, Louis François fait partie des responsables vosgiens des Forces françaises de l’Intérieur (FFI). François et Pelet* assurèrent en particulier l’organisation du maquis du Haut Jacques, aux portes de Saint-Dié, qui sera mobilisé le 3 septembre 1944 dans l’attente vaine d’un parachutage d’armes. Durant l’été 1944, lors de la préparation de la mobilisation du Groupement mobile d’Alsace – Vosges (le GMA-Vosges), Louis François est décrit par le colonel Henri Bourgeois, parachuté de Londres, comme une personnalité de référence « dont le dévouement et le désintéressement sont certains ». Le colonel Bourgeois s’est notamment appuyé sur François pour tenter de réguler les conflits entre les responsables résistants locaux.
Après l’échec de la mobilisation du maquis du Haut Jacques et du GMA-Vosges (combat de la ferme de Viombois le 4 septembre 1944), une vague de répression s’abattit sur la vallée de la Meurthe. Arrestations et déportations de masse se succédèrent en septembre et octobre 1944, impliquant forces allemandes et miliciens français. Malgré la menace, Louis François est resté à son poste à Saint-Dié. Il fut arrêté à son bureau le 17 octobre, en compagnie du garde général René Kobloth (qui sera déporté à Dachau). Jean-François Pelet fut arrêté le lendemain. Détenus et torturés avec douze autres résistants (dont six autres personnels forestiers et un parachutiste anglais) dans les caves de l’école du Vivier à Étival-Clairefontaine, François et Pelet* furent emmenés le 22 octobre dans la vallée de Ravines, près de Moyenmoutier, et abattus en forêt. Leurs compagnons d’infortune y furent également exécutés puis leurs corps brûlés dans une scierie. Quant aux corps de François et Pelet*, ils furent jetés dans une même fosse au bord du ruisseau des Devis. Leurs dépouilles furent retrouvées le 8 décembre 1944. Un office solennel fut célébré le 23 décembre à Moyenmoutier puis Louis François fut inhumé à Nancy le 26 décembre, au cimetière de Préville, en présence du colonel Bourgeois.
Trois stèles commémoratives ont été inaugurées le 27 octobre 1946 sur les lieux d’exécution de la vallée de Ravines, dont l’une spécialement dédiée à la mémoire de François et Pelet.
Son nom figure également sur un monument commémoratif à sa mémoire, à Anould (Vosges).
La nécrologie dédiée à Louis François au sein de la Revue des Eaux et Forêt en juin 1945 se clôt par le souhait de voir ériger un monument en mémoire des forestiers des Vosges morts du fait des combats et de la répression allemande de 1944. Une implantation au Col du Bonhomme est alors suggérée. Dans les faits, un monument consacré à la Résistance forestière vosgienne sera bien érigé puis inauguré le 19 septembre 1948 mais au Col du Haut Jacques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article203246, notice FRANÇOIS Louis, Henri par Stéphane Weiss, version mise en ligne le 18 mai 2018, dernière modification le 1er juillet 2022.

Par Stéphane Weiss

SOURCES : Service historique de la Défense, département terre, cote GR 13P23 : Rapport du colonel Bourgeois (Maximum) sur son activité dans les Vosges, 1944. — Nécrologie parue dans la Revue des Eaux et Forêts, Tome LXXXIII, juin 1945, p. 358-361. — Kobloth René, lettre du 15 mai 1979, reproduite sur le site www.resistance-deportation.org « Résistance et déportation dans la vallée du Rabodeau » (consulté le 18 mai 2018). — Aurélien Bansept, Les forestiers dans la Résistance : illustration avec l’organisation des Eaux et Forêts dans le secteur de Saint-Dié (Vosges), Revue Forestière Française, vol. LXVI, n° 5, 2014, pp. 715-723. — Stéphane Weiss, Sur les traces des cadres forestiers français tombés durant la Seconde Guerre mondiale, Revue forestière française, vol. LXII, n° 5, 2010, pp. 575-584.

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