COLLINET Michel, Paul. Pseudonyme : SIZOFF Paul

Par Jean-Michel Brabant

Né le 11 février 1904 à Lorient (Morbihan), mort le 27 mai 1977 à Paris (XIIIe arr.) ; professeur agrégé de mathématiques (1927) ; responsable de la Fédération de l’enseignement de la CGTU ; militant communiste puis oppositionnel ; membre du Parti SFIO puis du Parti socialiste ouvrier et paysan ; résistant.

Fils de Charles Arnold Collinet, chef de bataillon de l’Infanterie coloniale à la naissance, puis colonel, et d’une mère « sans profession », frère d’officier de marine, Michel Collinet ne choisit pas la carrière militaire. Agrégé de mathématiques, il se préoccupa toujours de recherches sociologiques, étudia le marxisme et, partout où il fut appelé à enseigner, notamment à Rouen, il prenait d’étroits contacts avec les militants ouvriers. Parallèlement à ses études, il avait adhéré à l’âge de vingt et un ans à la Jeunesse communiste. Lié à la revue Clarté dirigée par Pierre Naville, M. Collinet évolua peu à peu dans le sens de l’opposition de gauche et participa quelque temps au Cercle Marx-Lénine de Boris Souvarine. En 1928, il collabora sous le nom de Sizoff à la revue La Lutte de classes qui reprenait les thèmes de l’opposition russe. Michel Collinet participa à la fondation du journal La Vérité, en août 1929, et à l’organisation de la Ligue communiste qui regroupa les partisans de Trotsky à partir d’avril 1930.

Enseignant dans l’Allier, Michel Collinet, en tant que membre de la Fédération de l’Enseignement, participa à la constitution d’une tendance syndicale oppositionnelle à l’intérieur de la CGTU. Il y gagna Antoine Touraud secrétaire de l’Union locale unitaire de Moulins. En décembre 1930, il assista à la conférence nationale de l’Opposition unitaire et fut élu à sa commission exécutive. Défendant le point de vue d’une tendance syndicale large, il s’opposa à la majorité de la Ligue, regroupée derrière Pierre Frank et Raymond Molinier*, qui avançait la perspective d’un prolongement syndical de la Ligue. En même temps que l’Opposition unitaire se désintégrait sur cette question, M. Collinet quitta la Ligue communiste pour fonder, en avril 1931, le journal Le Communiste. Après une tentative de rapprochement lors de la conférence nationale de la Ligue en octobre 1931, le groupe de M. Collinet publia le Bulletin de la gauche communiste.

Le domaine privilégié de son action militante restait, durant cette période, la Fédération unitaire de l’Enseignement. Jusqu’en 1935, il assista à tous les congrès fédéraux et y défendit les positions de la majorité fédérale contre la Minorité ouvrière révolutionnaire animée par le Parti communiste. En août 1932, au congrès de Bordeaux, il présenta, au nom de la majorité, l’analyse de la situation économique. Au congrès d’août 1934, réuni à Montpellier, il rapporta, toujours au nom du bureau fédéral, sur la question de la lutte contre le fascisme. À cette époque, il s’était rapproché de Jacques Doriot* sur la base du front unique des organisations ouvrières. Jusqu’alors, M. Collinet avait été membre d’organisations très minoritaires, même quand celles-ci tentèrent des rapprochements unitaires comme ce fut le cas, en avril 1933, à une conférence réunissait les divers groupes oppositionnels et à laquelle il représenta la Gauche communiste. Il adhéra aux Amis de l’unité et collabora à L’Émancipateur, organe du rayon de Saint-Denis. En mai 1934, il organisa un meeting à Rouen avec Jacques Doriot, mais la réunion se termina en bagarre générale avec les militants communistes. Rompant avec J. Doriot lors des élections municipales de mai 1935, M. Collinet collaborait déjà avec le groupe dirigé par René Lefeuvre qui publiait Spartacus, « hebdomadaire de la culture révolutionnaire et de l’action de masse ».

Pendant cette année 1935, M. Collinet était également secrétaire de l’Union locale unitaire de Rouen et, à ce titre, il dirigeait le Cartel des services publics de la ville, poste qu’il avait déjà occupé pour la région parisienne. En août, il eut l’occasion de développer, devant le congrès de la Fédération unitaire de l’Enseignement, ses conceptions sur le Front populaire. Son opinion était nuancée et consistait en un soutien critique. En octobre, M. Collinet adhéra au Parti SFIO et participa à la constitution de la Gauche révolutionnaire (GR) aux côtés de Marceau Pivert, René Lefeuvre, etc. Dès lors, son action militante, profondément marquée par la guerre d’Espagne, s’identifia à l’évolution de cette tendance.

Les liens de Michel Collinet avec l’Espagne étaient anciens. En mars 1932, il avait assisté au congrès de la Gauche communiste d’Espagne d’Andres Nin. Il devait conserver, avec celui qui devint dirigeant du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste), des relations solides jusqu’à son assassinat par les services secrets soviétiques. En août 1932, en 1934, à nouveau en 1935, M. Collinet se rendit en Espagne. Membre du POUM, il fonda son journal en France La Révolution espagnole. Après le soulèvement de juillet 1936, M. Collinet retourna de nouveau à Barcelone et soutint, en septembre, l’entrée du POUM dans le gouvernement de la généralité de Catalogne. En tant que socialiste, M. Collinet ne pouvait pas ne pas s’insurger contre la politique de non-intervention. Il participa activement, en 1936, à la fondation du Comité d’action socialiste pour la levée de l’embargo, transformé en Comité d’action socialiste pour l’Espagne, (CASPE), et collabora à son organe L’Espagne socialiste créé en avril 1937. Au congrès socialiste de Marseille (juillet 1937), il soutint avec Jean Zyromski, et contrairement à l’opinion d’une partie de la GR, qu’il fallait, quel que fût le risque, réviser la politique de neutralité en Espagne.

Michel Collinet assista du 31 octobre au 2 novembre 1936 au congrès socialiste révolutionnaire de Bruxelles, organisé par le Bureau international d’unité socialiste révolutionnaire et auquel assistaient trente-quatre organisations de treize pays. Il présida la commission Espagne.

Dans le même temps, M. Collinet participait à l’action de la gauche révolutionnaire. Au lendemain de la dissolution de la GR, après la fusillade de Clichy, en mai 1937, il défendit une position ferme proposant, si nécessaire, la rupture. Après la publication du journal Juin 36, dont il était chargé de la rédaction, M. Collinet fut au centre de l’affrontement des pivertistes et de la direction socialiste, celle-ci prenant prétexte d’une lettre signée par lui pour engager la procédure d’exclusion qui déboucha au congrès de Royan, le 7 juin 1938. Le lendemain, un manifeste que M. Collinet contribua à rédiger, proclamait la naissance du Parti socialiste ouvrier et paysan.

Membre de la commission administrative permanente du nouveau Parti, tout en organisant activement, mais avec des moyens réduits, la solidarité concrète avec l’Espagne, il contribua au débat d’orientation sur la situation internationale. Sensible d’abord à la politique de Munich, M. Collinet défendit une position à la fois marquée par la lutte antifasciste et l’ambiguïté d’une position pacifiste. Il s’opposa notamment à ce que le PSOP se prononçât sur le principe de la défense inconditionnelle de l’URSS. Lors du congrès national tenu à Saint-Omer du 27 au 29 mai 1939, il présenta une motion qui recueillit le même nombre de voix que celle de Jean Rous* et Lucien Weitz* défendant le défaitisme révolutionnaire.

Durant toute cette période, Michel Collinet milita au Cercle syndicaliste « Lutte de classe » qu’il contribua à fonder en signant, en janvier 1937, son manifeste. Il appuya également la Fédération internationale de l’art indépendant animée par Maurice Nadeau*.

Au début de l’Occupation, M. Collinet refusa de rejoindre le Mouvement national révolutionnaire fondé par Jean Rous. Il appartint au groupe « Ceux de la Résistance » puis, à la Libération, fut rédacteur en chef de l’hebdomadaire Volontés du CDLR (Ceux de la Résistance).

Au lendemain de la guerre, il se consacra à la rédaction d’un certain nombre d’ouvrages sur le mouvement ouvrier, écrivit quelques articles dans La Révolution prolétarienne, et appartint à la CGT - Force ouvrière. Directeur-gérant en 1952 de La Lettre aux militants, il participa en 1961 à la commission pour la vérité sur les crimes de Staline.

Victime d’un accident, Michel Collinet dut interrompre toute activité politique. Il se consacra à des études de lettres, de sociologie et d’histoire. Il était marié avec Simone Kahn et père d’une fille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20375, notice COLLINET Michel, Paul. Pseudonyme : SIZOFF Paul par Jean-Michel Brabant, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 10 octobre 2021.

Par Jean-Michel Brabant

Michel Collinet
Michel Collinet

ŒUVRE : La Tragédie du marxisme, 1848-1948, 1948. — Essai sur la condition ouvrière (1900-1950), 1950. — Esprit du syndicalisme, 1952. — Du Bolchévisme, 1957. — Collaboration à de nombreuses revues dont : Masses, La Révolution Prolétarienne, Juin 36, Preuves, Diogène, Le Contrat social.

SOURCES : La Vérité, 1929-1931. — J. Rabaut, Tout est possible !, 1974 ; réédition 2018. — G. Rosenthal, Avocat de Trotsky, 1975. — Y. Craipeau, Le Mouvement trotskyste en France, 1972. — Ch. Gras, Alfred Rosmer et le mouvement communiste international, 1971. — L. Trotsky, La Révolution espagnole, notes de Pierre Broué, 1975. — F. Bernard (et coll.), Le syndicalisme dans l’Enseignement, Avignon, 1969. — J.-P. Joubert, À contre-courant : le pivertisme, thèse pour le doctorat de sciences politiques, Grenoble, 1972. — C. Mélinand, Trotskystes et pivertistes, mémoire de maîtrise, Paris I, 1970. — R. Hirsch, Le Mouvement trotskyste en France de 1929 à 1933, mémoire de maîtrise, Paris I, 1974. — Le Monde, 2 juin 1977. — Témoignage autobiographique recueilli en 1976.

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