FRENKIEL Gitla alias MARTOV Olga

Par Daniel Grason

Née le 4 août 1905 à Czestochowa (Pologne), morte en mars 1943 à Sobibor (Pologne) ; mécanicienne confectionneuse ; communiste ; militante juive de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) ; résistante.

Fille de Mayer Ajzner et de Ruchla Szvarchord, elle était titulaire d’une carte d’identité d’étranger valable jusqu’en novembre 1942. Gitla Frenkiel demeurait 16 rue du Petit-Thouars à Paris (IIIe arr.), depuis juillet 1942 elle vivait 2 square des Peupliers dans le XIIIe arrondissement de Paris, le logement appartenait à Juda Rabinowicz.
Des gardiens de la paix de la Police municipale en uniforme interpellèrent Gitla Frenkiel sous le nom d’Olga Martov, née Kerichov à Varna en Bulgarie le 4 août 1905, demeurant au 40 rue Bobillot dans le XIIIe arrondissement. Ce contrôle eut le vers 10 heures 30 dans un couloir de la station de métro Plaisance dans le XIVe arrondissement.
Lors de la perquisition du logement du square des Peupliers, les policiers saisissaient des lettres en français et en langues étrangères, l’Humanité du 25 août 1939, une feuille de cotisation de la chambre syndicale ouvrière des tapissiers, et parties similaires en faveur de l’Espagne républicaine, un tube de verre contenant du mercure.
Le commissaire de la voie publique écrivit après un « premier examen, il se révèle que cette femme transportait des cartes d’étrangers, cartes authentiques concernant des juifs ou juives de nationalité polonaise ou tchèques, c’est-à-dire de nationalités tombant sous le coup des récentes arrestations. » L’examen des cartes faisait apparaître qu’elles « devaient être falsifiées […] Elle-même est titulaire d’un faux récépissé d’étrangère, sans cachet juif, alors qu’elle-même est juive. » L’adresse du 40 rue Bobillot était fausse, il n’y avait aucun immeuble à ce numéro. Le commissaire en déduisit « cette femme […] ment sans cesse ou bien se refuse à toute déclaration. »
Il était découvert dans son sac à main six cartes d’identité d’étrangers portant les noms de Majir Capkiewicz ; Estera Capkiewicz née Czaplievicz ; Sura, Estera Erlich ; Ruchla Zelmanowicz, née Vagener ; Srul, Mayer Krystal et Louis Handschuh. Chaque nom était suivi de recommandations, par exemple concernant Zelmanowicz « valider la carte, sinon faire un récépissé. » Deux récépissés étaient établis au nom de Bronislawa Warszawski et Ruchla Laks.
Six cartes l’alimentation portaient les noms de Lipora Schapira, Szabana Fogel, Frajda Figlarz, Joseph Goldfard, Isaac Kotlarz, Rachel Odwak. Quatre photographies d’identité au verso desquelles étaient les noms, prénoms et signalements de Fernande Joly, Raymonde Gervais, Tauba Petit née Lerner.
Deux lettres en yiddish, des rapports, des recommandations avec des noms ne laissaient guère de doute au commissaire, il s’agissait d’une organisation. Il écrivit « De l’examen de cette documentation, il apparaît que l’on se trouve en présence d’un membre d’une officine de fabrication de fausses cartes d’identité et de fausses cartes d’alimentation et de falsification de pièces d’identité doublée d’une organisation communiste ou de propagande en faveur de la IIIe Internationale. »
L’examen qualifié de « minutieux » de la correspondance saisie rue des Peupliers, il apparut que Gilta Frenkiel était arrivée en France le 7 octobre 1933 venant de Tel-Aviv. Elle était alors porteuse d’un passeport polonais délivré à Tel-Aviv le 8 septembre 1933, le passeport avait été visé par le consul Français à Jaffa. La Palestine était alors sous mandat britannique. Gitla Frenkiel était inconnue de la Police judiciaire.
De nouveau interrogée le 1er janvier 1943, elle déclara que son mari vivait en Palestine, elle savait lire et écrire le français. Le commissaire lui demanda des explications sur les pièces qui avaient été saisies. Elle affirma qu’elle rencontra par hasard un homme prénommé « Philippe » rue Lafayette dans le Xe arrondissement six semaines auparavant, qu’elle eut deux autres rendez-vous avec lui. À la troisième rencontre tous deux parlèrent « de la question juive », il lui proposa de lui remettre différents faux-papiers, un faux récépissé de demande de carte d’identité et une fausse carte d’alimentation. Quelques jours plus tard, il lui remettait des papiers au nom d’Olga Martov. Elle affirma avoir détruit ses véritables papiers d’identités.
Probablement frappée Gitla Frenkiel décrivit « Philippe » qu’elle rencontra au métro Plaisance, et qui lui remit l’enveloppe contenant les cartes d’identités, les cartes d’alimentation, et les photos d’identité. Elle affirma « j’ignorais ce que contenait l’enveloppe que m’avait confiée le nommé « Philippe ». J’affirme également que je n’appartiens à aucun parti politique et que je n’ai jamais fait de politique. » Le port de l’étoile jaune était obligatoire, elle déclara ne plus la porter « depuis trois ou quatre mois. »
Le 2 janvier 1943, le commissaire du quartier Plaisance inculpa Gitla Frenkiel d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 pour « menées communistes », d’infraction au décret-loi du 30 octobre 1935 qui réprimait l’utilisation de faux-papiers, et d’infraction à l’ordonnance des autorités allemandes qui rendait obligatoire le port de l’étoile jaune depuis le 7 juin 1942.
Elle fut emmenée et internée au camp de Drancy, le 25 mars 1943 elle était dans le convoi n° 53 à destination du camp d’extermination de Sobibor (Pologne). Centres de mise à mort Sobibor, Treblinka et Belzec ne furent pas libérés. Les déportés femmes et hommes étaient assassinés dès l’arrivée. Dès 1943 les lieux furent démantelés par les SS, les installations détruites, les corps des victimes enterrés dans des fosses communes, puis déterrés et brûlés sur des bûchers à ciel ouvert. Quand l’armée Soviétique arriva, une forêt de jeunes pins dissimulait les lieux des crimes.
Le nom de Gitla Frenkiel a été inscrit sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah rue Geoffroy-l’Asnier à Paris (IVe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article203797, notice FRENKIEL Gitla alias MARTOV Olga par Daniel Grason, version mise en ligne le 25 mai 2018, dernière modification le 24 janvier 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. 77 W 498-194048, PCF carton 13 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 11 janvier 1943. – Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Éd. Romillat, 1992. – Site internet CDJC, documentation du Mémorial de la Shoah. – Sila Cehrelli, Témoignage du Khurbn. La résistance juive dans les centres de mise à mort Chelmo, Belzec, Sobibor, Treblinka, Éd. Kimé, 2013.

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