GAUDEFROY Renée, Céline, Marie, Pauline [pseudonyme Pauline]

Par Michel Thébault

Née le 4 mai 1916 à Paris XVIIe arr. (Seine), exécutée sommairement fin juin 1944 par des maquisards FTPF à Dournazac (Haute-Vienne) ; assistante sociale OSE ; résistante réseau Garel.

Renée Gaudefroy dite Pauline
Renée Gaudefroy dite Pauline

Renée Gaudefroy était la fille d’Octave, Jules, Charles, Auguste Gaudefroy (né le 27 octobre 1881 à Saint-Quentin, Aisne) cuisinier à Paris et de Marie Thiault (née le 25 juin 1888 à Ménétréol-sous-Sancerre, Cher) couturière, tous deux domiciliés 52 bis, rue Gauthey. Ses parents s’étaient mariés à Paris à la mairie du XVIème arrondissement le 4 février 1909.
Elle vécut toute son enfance et sa jeunesse à Paris, adhérente dans les années 30 du mouvement des auberges de jeunesse, et de religion catholique. Renée Gaudefroy fut au début des années 1940 infirmière de l’hôpital militaire d’Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales). Par l’intermédiaire d’une amie d’enfance, Isabelle Vichniac, cousine de Lili Garel (Élise Tager, femme de Georges Garel), elle se mit au service du réseau Garel, branche clandestine de l’organisation juive OSE, qui se consacrait au sauvetage des enfants juifs.
En septembre 1943, quand les Allemands occupèrent la Côte d’Azur suite au changement de camp de l’Italie, les réfugiés juifs de cette région se trouvèrent dans une situation critique. Renée Gaudefroy fut volontaire pour conduire des enfants juifs menacés vers le centre de la France afin de les y cacher. Georges Garel lui confia alors le secteur de la Haute-Vienne, de la Corrèze et de la Creuse dont elle devint responsable. Limoges fut pendant la guerre, après Lyon, le deuxième plus grand centre de l’OSE, regroupant plusieurs services du réseau. Renée Gaudefroy, dite Pauline, sous la couverture d’un poste d’assistante sociale auprès du Secours National, eut à gérer le démantèlement, suite aux menaces de plus en plus fortes qui pesaient sur elles, des maisons d’enfants de l’OSE du Limousin. Elle se chargea de la recherche de lieux sûrs, du convoyage, et du placement des enfants menacés dans des familles d’accueil et des établissements d’enseignement possédant un internat (pour la Creuse à La Souterraine, Bourganeuf, Guéret). Il lui fallait changer l’identité des enfants en leur attribuant un nom et un prénom "aryens", procurer des cartes d’alimentation et fournir une aide financière aux personnes ou aux institutions qui les prenaient en charge et leur rendre régulièrement visite ("Le jeudi après-midi, à La Souterraine, elle était notre correspondante et nous emmenait en promenade", témoignèrent pour Yad Vashem Pierre Vormus et Harry Kujarsky, alors pensionnaires au lycée), ce qui l’amenait à s’absenter souvent de Limoges parfois pour des périodes assez longues.
Elle assura également, en les accompagnant jusqu’à la frontière, le passage vers la Suisse pour les enfants pour lesquels un placement clandestin était impossible du fait de leur non-maîtrise de la langue française ou de leur jeune âge.

Ayant peut-être attiré l’attention des services de répression par ses absences répétées peu compatibles avec l’action d’une assistante sociale du Secours national, elle fut arrêtée dans la rue, à Limoges le 11 juin 1944 alors qu’elle déplaçait un enfant en danger, par des membres du PPF (Parti Fasciste Français), collaborateurs français de la Gestapo. Elle parvint à faire s’échapper l’enfant, un jeune de l’école Maïmonide auquel elle eut juste le temps de souffler l’adresse et le nom d’une amie qui pourrait le recueillir et le cacher. Conduite au local du PPF, 11, rue Jean-Baptiste Blanc elle fut torturée toute la nuit. Profitant d’un moment où ses tortionnaires l’avaient laissé seule, et s’étaient assoupis, elle parvint à s’enfuir par le jardin et demanda à un camionneur qui venait livrer du lait de l’amener à l’hôpital, dont la surveillante faisait partie de la Résistance. Elle fut recueillie par une religieuse de l’ordre de Saint-Vincent-de-Paul, infirmière à l’hôpital de Limoges qui la fit soigner et la cacha dans ses appartements. Quinze jours plus tard, le 27 juin 1944, craignant qu’elle soit découverte, son transfert en ambulance fut organisé vers un maquis FTPF, installé à Dournazac (Haute-Vienne), au sud-ouest de Limoges, à proximité de la Dordogne. Elle fut à une date inconnue, exécutée par les maquisards FTPF qui l’avaient accueillie. L’hypothèse la plus probable est que les chefs FTP aient vu en Renée Gaudefroy une espionne retournée après torture et envoyée pour infiltrer le maquis.

Face à cette « monstrueuse erreur » (Georges Garel op. cit.) qu’ils ne voulurent pas reconnaître, les responsables du maquis FTPF ne consentirent jamais à révéler les causes ni les circonstances de l’exécution pas plus que la date du décès ni le lieu de la sépulture. Les recherches faites après-guerre se heurtèrent à un mur de silence visiblement concerté.

Elle obtint en 1947 la mention Morte pour la France (comme victime civile !). Pour autant son nom ne fut jamais inscrit sur le monument commémoratif de la résistance 1939 – 1945 du jardin d’Orsay à Limoges. Son nom et son action sont rappelés à Yad Vashem à Jérusalem où elle a été reconnue en 1976 Juste parmi les nations (la médaille lui a été remise à titre posthume le 30 mai 1976). Son nom est inscrit sur le mur de l’allée des Justes parmi les Nations, située dans le quartier du Marais à Paris, en bordure du Mémorial de la Shoah. L’Organisation de Secours aux Enfants (OSE) fonda au Vésinet, près de Paris, après la guerre, un orphelinat portant son nom afin de commémorer son souvenir.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article203910, notice GAUDEFROY Renée, Céline, Marie, Pauline [pseudonyme Pauline] par Michel Thébault, version mise en ligne le 28 mai 2018, dernière modification le 20 novembre 2021.

Par Michel Thébault

Renée Gaudefroy dite Pauline
Renée Gaudefroy dite Pauline

SOURCES : Arch. Dép. Seine (état civil) — SHD Caen AVCC Cote AC 21 P 346665
(nc) — Dossier Yad Vashem 1038 et Mémorial de la Shoah — Georges Garel Le sauvetage des enfants juifs par l’OSE Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Ed. Le manuscrit. 2012 — Xavier Laroudie, Un seul châtiment pour les traîtres, Haute-Vienne 1944 Geste Editions 2016 — Site internet ajpn — Dossier réalisé par le lycée Raymond Loewy de La Souterraine (Creuse), Témoignages. — Mémoire des Hommes.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable