LAMY Pierre

Par Dominique Tantin, Michel Germain

Né le 23 mars 1909 à Angoulême (Charente), exécuté sommairement le 18 juillet 1944 à Saint-Jorioz (Haute-Savoie) ; instituteur puis inspecteur du travail ; résistant de Libération-Sud et de l’Armée secrète (AS).

Fils de Pierre Lamy, conducteur de travaux aux Postes Télégraphes et Téléphones et de Louise Saingareau, institutrice Pierre Lamy naquit à Angoulême. À la sortie de l’école normale d’instituteur d’Angoulême, il fut nommé à Bassac, non loin de Jarnac, le 1er octobre 1929. Il effectua son service militaire à Metz, puis un stage à Saint-Cyr dont il sortit sous-lieutenant de réserve.
Il épousa Marthe Poitou, institutrice. À la rentrée de 1931, le couple fut nommé à l’école de Cherves-de-Cognac (auj. Cherves-Richemont) en Charente où il enseigna jusqu’en 1937. Cette année-là, Pierre Lamy réussit le concours d’inspecteur du travail, et son classement lui permit de choisir son affection et d’être nommé à Annecy (Haute-Savoie) en 1938.
En août 1939, il fut mobilisé dans le 179e bataillon alpin de forteresse à Gex (Ain) où il commanda la section des transmissions jusqu’à l’armistice le 25 juin 1940. Il regagna ensuite son bureau d’inspecteur du travail à la préfecture d’Annecy.
Il fut d’emblée opposé à Vichy. En contact avec Paul Rivet, syndicaliste CFTC, Pierre Lamy se mit à sa disposition lorsque Rivet devint le responsable de Libération-Sud. Il lui fournissait des informations et transportait armes, tracts et journaux. Dans ses fonctions d’inspecteur du travail, il s’attacha à saboter le recrutement de main d’œuvre par l’Allemagne dans le cadre de la Relève puis du STO. Grâce à son courage et à celui de Paul Viret, devenu son ami, ce ne sont pas plus de 2,3% des jeunes requis qui partirent réellement en Allemagne. En 1943, il devint responsable de l’Armée secrète pour le secteur d’Annecy et membre du comité départemental de la Résistance en septembre. Au printemps 1944, Pierre Lamy, alias Larousse, était pressenti pour devenir le Préfet de la Libération en Haute-Savoie.
Il fut livré aux Allemands par un ancien résistant retourné. Arrêté le 28 juin 1944 rue Sommeiller à Annecy, il fut incarcéré dans les locaux de l’école Saint-François à Annecy où bientôt il fut rejoint par sa femme. Yeux crevés, ongles arrachés, brûlures multiples, la torture est sans limites. Très affaibli, il est incarcéré à l’école prison de Saint-François. Son calvaire dure encore trois semaines de tortures. Il garda le silence sous la torture, lui qui savait tout de la résistance départementale. Le 18 juillet 1944, ce Jean Moulin savoyard fut conduit en voiture en direction du col de Leschaux et exécuté dans un bois.
Sa femme, Marie Marthe, institutrice, arrêtée le 26 juin 1944 au soir, est incarcérée dans les cellules aménagées dans les caves de Saint-François. Elle retrouve la liberté le 19 août 1944. Après son arrestation, Pierre Lamy est remplacé à la tête du secteur A.S. d’Annecy par Robert Poirson, dit Roby.
Plus tard, en janvier 1945, on en saura un peu plus sur la fin tragique de ce patriote. L’interrogatoire de l’adjudant Muller, membre de la Gestapo d’Annecy nous apprend : « Le 18 juillet, Jeewe (SS responsable du Greko d’Annecy) m’avait ordonné d’emmener M. Pierre Lamy vers le col de Leschaux et de l’abattre. Ayant expliqué à Jeewe que je ne voulais pas le faire, plutôt que je ne pouvais pas le faire, c’est alors qu’il m’a dit Schoenheiter, agent de la Gestapo, vous accompagnera et l’exécutera… Vers 14 heures, le même jour, nous nous sommes rendus en voiture, pilotée par Luetgens, chauffeur de la Gestapo, à l’école Saint-François. M Lamy nous a été remis par deux Schuppos qui nous ont accompagnés, porteur de pelles. Suivis d’une voiture de la Feldgendarmerie et de quatre gendarmes dont Keilpflug, nous nous sommes rendus vers Leschaux. Vers la borne kilométrique 11, au lieu dit « Le Bourneau », nous sommes descendus des voitures. M. Lamy marchait à côté de moi. Il s’engagea sur nos indications dans le bois situé à gauche de la route à environ 25 mètres. Schoneheiter lui a tiré deux coups de mitraillettes, non je rectifie, deux coups de pistolets dans le dos, l’achevant ensuite d’une balle dans la tempe droite. La victime a été enterrée par les deux Schuppos qui nous accompagnaient. L’opération terminée, nous sommes rentrés à Annecy ». C’est grâce aux indications de cet adjudant que le corps de Pierre Lamy fut retrouvé le 30 août 1944.
Le caporal Schonheiter confirme ces dires : « Le jour de l’exécution de M. Lamy, le Sturmscharführer Muller vint me trouver en disant que Jeewe avait donné l’ordre que je devais fusiller Lamy. Je me suis rendu auprès de Jeewe pour protester. Il me répondit que je n’avais qu’à exécuter l’ordre… Je suis donc parti en compagnie de Muller, Luetgens et deux Schuppos ainsi que quelques Feldgendarmes dont Keilpflug. Nous prîmes la direction de Saint-Jorioz. Avant d’arriver à cette localité, Muller descendit de voiture ; il revint peu de temps après et me dit que c’était ici qu’on allait exécuter Lamy. Nous nous engageâmes dans la forêt. Muller et Lamy marchaient devant. Je suivais derrière. A un moment donné Muller donna l’ordre à Lamy de s’arrêter. Je me trouvais à ce moment là à environ 1 mètre 50 de Lamy. C’est à ce moment là que j’ai tiré sur Lamy. Je l’ai touché de trois coups de revolver sous l’omoplate gauche. Il s’est écroulé. Les deux Schuppos ont alors creusé un trou et ont enterré Lamy. Je l’avais d’abord touché de 2 coups de revolver seulement. Mais au bout de cinq à six minutes, un Schuppo m’avisa qu’il respirait encore. Je lui ai alors donné le coup de grâce. Je lui ai alors tiré un troisième coup de revolver dans la tempe gauche. Nous sommes alors retournés à Annecy. Personnellement je n’ai pas rendu compte à Jeewe ; je crois que c’est Muller. » Documents tirés du dossier Lamy, (archives du cabinet du Préfet, Archives départementales de Haute-Savoie).
Le 30 août, après la libération d’Annecy, son corps fut retrouvé et il fut inhumé le 1er septembre au cimetière d’Annecy, accompagné par une foule considérable. Il repose aujourd’hui dans le carré militaire de Loverchy.
Il obtint la mention Mort pour la France et fut nommé, à titre posthume, Chevalier de la Légion d’Honneur, avec Croix de Guerre et médaille de la Résistance. Pierre Lamy est cité à l’ordre de la Nation, avec attribution de la Croix de guerre avec palme, le 16 décembre 1944. « Animateur de l’A.S. d’Annecy depuis 1942, s’est dévoué intégralement pour la lutte clandestine contre l’occupant. Dénoncé par un traître, et arrêté par la Gestapo au mois de juin 1944, a subi toutes les tortures sans fournir aucun renseignement sur l’organisation de l’A.S. Fusillé le 18 juillet 1944, est mort héroïquement pour la France ».
De multiples hommages lui ont été rendus. En Haute-Savoie, un monument fut édifié à proximité du lieu de son exécution. Depuis 1949, la salle de la Bourse du Travail d’Annecy, devenue salle polyvalente rénovée en 2007, porte son nom. Depuis 2007, une plaque lui rend hommage dans le hall de la Préfecture de Haute-Savoie. En Charente, une stèle fut érigée à Cherves-de-Cognac où il fit ses débuts d’instituteur, et le 20 novembre 2014, à Angoulême, le lycée professionnel du bâtiment de Sillac, installé dans les anciens locaux de l’école normale d’instituteur, inaugura une salle Pierre-Lamy.
La salle des professeurs du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier s’appelle la salle Pierre Lamy. On lira le travail de Robert Vuillerme (Association pour l’étude de l’Histoire de l’inspection du travail 1994) ainsi que le Mémorial de l’oppression 3808 W 1100 n.81, 1337 (interrogatoire), 1349 (déposition) et 1374 divers procès-verbaux).
La promotion 1995 d’inspecteurs du travail prit le nom de Pierre Lamy. Un prix Pierre Lamy est décerné chaque année par l’Association pour l’Étude de l’Histoire de l’Inspection du Travail. Et le 14 mars 2012, une salle Pierre-Lamy fut inaugurée dans les locaux du ministère du Travail rue de Grenelle à Paris.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article204524, notice LAMY Pierre par Dominique Tantin, Michel Germain, version mise en ligne le 21 juin 2018, dernière modification le 3 mars 2020.

Par Dominique Tantin, Michel Germain

SOURCES : SHD-AVCC Caen, AC 21 P 68700 (à consulter). — MémorialGenWeb. — Paul Viret, Jean Clerc et Robert Lacoste, Un héros de la résistance savoyarde, Pierre Lamy, inspecteur du travail, chef de l’armée secrète de l’arrondissement d’Annecy, 1909-1944, Paris, Éditions Port-Royal, 1948. — Robert Vuillerme, Pierre Lamy, inspecteur du travail et martyr de la résistance, Paris, Association pour l’étude de l’histoire de l’Inspection du travail, 1994, 51 p. — Biographie et photographie en ligne sur Wikipedia. — Michel Germain, Haute-Savoie Rebelle et martyre, Mémorial de la Seconde guerre mondiale en Haute-Savoie, La Fontaine de Siloé, 2009.

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