Par Gilles Morin, Justinien Raymond, Nadia Ténine-Michel
Né à le 3 janvier 1907 à Saint-Martial (Haute-Vienne), mort le 24 juin 1958 à Paris (XVIIIe arr.) ; ingénieur-conseil ; militant socialiste, secrétaire général adjoint du Parti socialiste SFIO ; conseiller général (1945-1949), député (1945-1946), puis sénateur (1952-1958) de Seine-et-Oise.
Né de François Commin - un métayer obligé de quitter la terre pour aller travailler en usine - et de Victorine née Germanaud, Pierre Commin, élève au lycée de Bellac, fut initié au socialisme par un de ses enseignants, le professeur Marnet. Après avoir suivi des études supérieures et techniques, sans doute comme boursier, il obtint un diplôme d’ingénieur et exerça la profession d’ingénieur-conseil.
Pierre Commin adhéra en 1930 au Parti socialiste SFIO, à la section de Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis). Dans le courant de l’année, il en était secrétaire. Lorsqu’il s’installa en Seine-et-Oise, il sut rapidement devenir un militant important du département. Aux législatives de 1936, il fut candidat SFIO dans le premier canton de Pontoise, contre le député sortant, le radical Franklin-Bouillon, et obtint 3 247 voix sur 20 108 inscrits et 17 612 exprimés. Il se retira et le communiste Prachay, qui avait obtenu 4 444 voix au premier tour, battit Franklin-Bouillon au second. Il fut encore candidat au conseil général en octobre 1937 dans le canton de Pontoise.
Ce fut surtout comme collaborateur régulier de Jean Zyromski, leader de la tendance « la Bataille socialiste » (BS), que Pierre Commin s’imposa. Le 26 octobre 1937, il prit la parole dans une « Grande réunion d’information » organisée par la BS, avant le conseil national du 7 novembre. Par ailleurs, membre de la commission exécutive fédérale socialiste de la Seine-et-Oise, il intervint au meeting public du 5 février 1938 pour protester « contre le massacre des populations paisibles des villes espagnoles ».
Au congrès de Royan en juin 1938, Pierre Commin fut élu délégué titulaire à la CAP, représentant de la Bataille socialiste. Il était désigné à ce titre pour siéger au comité national mixte des Jeunesses socialistes, au Comité d’entente national, à la commission d’unification et à l’Union des techniciens socialistes. Il fit le compte rendu des débats du congrès à une réunion d’information de la tendance à la Mutualité, le 15 juin 1938. À la même date, il fut chargé de la rédaction de la Bataille socialiste. Il écrivait par ailleurs dans ce journal, signant notamment des papiers dans les numéros 102, 109 et 110. Il démissionna de la CAP en septembre 1938 sans qu’on connaisse la raison précise de ce choix.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Pierre Commin, sous le pseudonyme de Darbois, fut chef départemental (Seine-et-Oise) du réseau Ceux de la Résistance (CDLR) et membre de son comité exécutif. Il occupa à ce titre la mairie de Versailles lors des combats de la Libération. Il siégea au Comité départemental de Libération, dont il fut également vice-président, et où il présida la commission administration et justice et désigna les membres des commissions de triage des internements, jouant ainsi un rôle essentiel dans le contrôle de l’épuration. Le préfet le décrivait dans un rapport du 15 novembre 1944 comme : « homme intelligent et courtois, bon orateur, manœuvrier habile, une influence considérable au CDL. Très ménagé par les communistes pour l’empêcher de devenir le chef d’une coalition hostile et ménagé par les modérés ». De fait, il semble avoir été plutôt sur des positions unitaires à cette étape. Responsable départemental et membre du bureau national du mouvement Ceux de la Résistance, il intervint au congrès de la région parisienne, le 9 décembre 1944, pour s’élever contre la politique de division et une fusion partielle avec le MLN, demandant une « fusion totale » des mouvements de Résistance.
La paix rétablie, Pierre Commin fut élu par 8 127 voix contre 5 197 au conseiller général du canton de Mantes-Gassicourt (devenue Mantes-la-Jolie), siège autrefois détenu par Gaston Bergery. Il siégea au conseil général du 30 septembre 1945 à mars 1949 et en fut désigné comme vice-président. Il se représenta au conseil général en 1949 mais, arrivé en 4e position au premier tour, il se retira au second, laissant un autre candidat défendre les couleurs de son parti. Il avait entre-temps multiplié les fonctions nationales et sans doute délaissé quelque peu ses administrés.
Il s’était fait élire à la députation lors de la première Assemblée constituante (1945-juin 1946) et appartint à la commission de la reconstruction et des dommages de guerre. Il fut battu à la deuxième Constituante et se représenta sans succès aux législatives en novembre 1946 et en juin 1951.
Pierre Commin s’était surtout engagé totalement dans la vie interne de la SFIO. Il avait contribué à la reconstitution de la commission administrative SFIO de la Seine-et-Oise dans la clandestinité et siégea régulièrement dans la commission fédérale jusqu’à son décès. Il était un des patrons de fait de la fédération avec Pierre Métayer* et Germaine Degrond*, également issue de la Bataille socialiste. Il contribua à la reconstruction d’une tendance située comme étant « à gauche » du parti, contre la direction de Daniel Mayer soutenue par Léon Blum. Délégué au congrès national SFIO d’août 1945, il intervint sur les rapports du parti avec les mouvements de la Résistance pour formuler, au nom de sa fédération, des réserves envers l’alliance avec l’UDSR. Dans la préparation du congrès d’août 1946, où la direction mayeuriste fut renversée, il était signataire de la motion de « Redressement » conduite par Guy Mollet* et fut à ce titre élu au comité directeur. L’année suivante, en juin 1947, Pierre Commin accéda aux fonctions de secrétaire général adjoint chargé de la presse et de la propagande, après la démission d’Yves Dechézelles*. Il conserva ce poste jusqu’à son décès. Il commença alors une carrière de journaliste-permanent politique : président du Centre international de presse, il dirigeait l’Agence de presse de la Liberté qui contrôlait les publications politiques du Parti socialiste. Administrateur du Populaire, de 1950 à 1958, il collabora aussi, à partir de 1950, au Populaire-Dimanche, dans lequel il signa de nombreux éditoriaux. Au sein de la direction du parti, il représentait les anciens militants issus de la Bataille socialiste qui ne s’étaient pas associés à la reconstruction de la tendance et à la reparution du journal. Ils étaient bien implantés en Seine-et-Oise, dans le Nord, en Haute-Vienne mais aussi dans des petites fédérations, comme le Loiret. Il s’opposait fermement à ceux qui, désormais, se transformaient en compagnon de route du PCF et qui furent exclus du parti au début 1948. Durant la Guerre froide, dans son département comme dans la presse du parti qu’il animait, il combattit sans concession les militants communistes, se ralliant à la Troisième force, à la construction européenne et à l’ancrage atlantique de la France.
En mai 1952, Pierre Commin fut élu sénateur de Seine-et-Oise après l’invalidation du communiste Auguste Chrétienne*. Il était membre des commissions des affaires étrangères et de la presse. Ses interventions au Sénat furent très nombreuses, les plus importantes étant celles de 1953 sur la question de la Communauté européenne de défense (CED), où il défendit les positions de la majorité de son parti, et celles de 1955 où, au nom de la commission des affaires étrangères, il rapporta le projet de ratification des conventions entre la Tunisie et la France.
À l’apogée de sa carrière, il tenait une place essentielle dans le parti et était souvent en déplacement pour présider des congrès fédéraux ou ceux des Jeunesses socialistes. Il participait naturellement à toutes les assemblées du parti et y défendait régulièrement les thèses majoritaires. Il était aussi un bon orateur, appelé à défendre les thèses de la SFIO à Paris, dans son département de Seine-et-Oise et dans tout le pays. On le trouve, par exemple, lors d’un grand meeting contradictoire tenu à la veille des élections du 2 janvier 1956 au Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris. Il y succéda à Pierre Mendès France, chahuté par les poujadistes et les communistes, et à Jacques Duclos. Dans une salle chauffée à blanc, il s’y montra « mordant, incisif, virulent », selon la presse, répliquant aux communistes qui criaient unité et revendiquaient un gouvernement de Front populaire : « Que sont devenus les socialistes des démocraties populaires ? » et encore « la laïcité... comment pouvez-vous parler de laïcité, vous qui êtes pour l’école politique ? ; vous êtes pour la proportionnelle, mais au pouvoir vous instituez la dictature ; vous parlez de liberté mais une fois au pouvoir vous abolissez toutes les libertés. » Il est vrai que dans un passé proche, les communistes ne l’avaient guère ménagé. France-Nouvelle du 9 novembre 1953 titrait sur une page, à propos d’un discours favorable à la CED au Sénat : « Les sophismes dangereux de Pierre Commin, secrétaire adjoint de la SFIO, avocat du militarisme agressif allemand ». Le reste du papier était plus mordant.
Fidèle ami de Guy Mollet dont il défendait les thèses depuis 1946, Pierre Commin assura son intérim au secrétariat général de la SFIO lorsque celui-ci devint chef du gouvernement de février 1956 à juin 1957. À ce titre il conduisit la délégation de parlementaires socialistes à Moscou en mai 1956. Au congrès socialiste de Lille, en juillet 1956, il présenta la motion de la majorité sur l’Algérie qui recueillit 92 % des voix. Il conduisit les délégations socialistes qui s’entretenaient en secret avec les représentants du Front de libération nationale de l’Algérie. Plusieurs rencontres eurent lieu, à Belgrade en juillet et en septembre, et en Italie, où Pierre Commin s’était rendu du 31 août au 8 septembre pour mener une mission de bons offices au nom de l’Internationale socialiste afin de tenter de réunifier le socialisme italien. Au conseil national du 15 décembre 1956, il expliqua aux délégués que ces contacts avaient pour but de « rechercher avec ces responsables le moyen d’aboutir au cessez-le-feu » et qu’ils avaient échoué par suite des préalables politiques mis en avant par les Algériens (l’indépendance). Il semble que ce soit en fait le détournement de l’avion des chefs du FLN et l’attaque contre Suez qui aient rompu les conversations.
La guerre d’Algérie s’enlisant avec la bataille d’Alger et les premières révélations sur les sévices et autres exactions, Pierre Commin prit des mesures administratives contre les militants en désaccord avec la politique de Guy Mollet et Lacoste. Il fit ainsi traduire devant la commission des conflits de nombreux militants dont Lucien Weitz* qui fut exclu, Marceau Pivert* et Oreste Rosenfeld* qui furent suspendus de toute délégation.
Après avoir de nouveau assuré l’intérim du secrétariat général à partir du 16 mai 1958, où Guy Mollet rentra dans le gouvernement Pflimlin, Pierre Commin allait, pour la première fois depuis le début de leur collaboration, s’opposer à Guy Mollet sur la question du ralliement au général de Gaulle. Le 1er juin 1958, il vota « non » à l’investiture avec la majorité du groupe parlementaire. Il fut réélu sénateur le 8 juin 1958 mais, fatigué et ébranlé dans ses convictions, il s’opposa à la démission de Guy Mollet de la direction du parti et clamait : « Il importe avant tout de sauver l’unité du parti », au comité directeur, comme dans les colonnes du Populaire ou dans son courrier. Une semaine avant de s’éteindre, le 17 juin, il refusa une invitation de Jean Charlot*, député du Var qui souhaitait réunir « ceux des camarades qui ont voté contre le gouvernement de Gaulle ». Dans sa réponse à J. Charlot, il estimait « l’initiative dangereuse par son caractère d’action fractionnelle ». Il décéda le 24 juin 1958 d’une crise cardiaque à l’âge de cinquante et un ans.
Pierre Commin était chevalier de la Légion d’honneur au titre militaire, Croix de guerre 1939-1945 et titulaire de la rosette de la Résistance.
Ses obsèques solennelles furent organisées par la SFIO le 28 juin 1958. La levée du corps eut lieu au siège du parti, 12 boulevard Malesherbes, en présence d’un millier de personnes, dont les principaux responsables de la SFIO, les présidents des deux Assemblées et F. Houphouët-Boigny, alors ministre d’État. Guy Mollet fit serment de « préserver l’unité du parti » qui, dit-il, avait été son ultime vœu.
Par Gilles Morin, Justinien Raymond, Nadia Ténine-Michel
SOURCES : Arch. Nat., F/7/15517 (B), n° 5289 ; F1c/II/249, 270 ; 72AJ/42. — PPo, BA2 1965. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M16/26 ; 2 M 35, 36, 37, 38 ; 1 W 371, 413, 429, 951, 956, 957, 959, 960, 985, 991 ; 1104 W 96. — Arch. Assemblée nationale, dossier biographique. — Le Populaire, 26, 27 et 30 juin 1958. — Le Monde, 26 juin 1958. — Compte rendu du CN du 15 décembre 1956 (arch. OURS). — Arch. J. Charlot, CHMSS. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française, 1972, t. 2. — N. Ténine-Michel, « La Seine-et-Oise », in Pouvoirs en France à la Libération, Belin, 1994. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1958. — Notes d’Éric Nadaud. — État civil de Saint-Martial (13 août 2007).