RAFFIN Julien

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 6 janvier 1888 à Saint-Clément-sur-Valsonne (Rhône), massacré en représailles le 22 août 1944 à Saint-Loup (Rhône) ; encolleur ; victime civile.

Julien Raffin naquit au lieu-dit Château Gaillard, chez son père André Raffin, cultivateur, et sa mère Benoîte Pothier. Il avait un frère et une sœur aînés. Vers 1900, les Raffin déménagèrent à Tarare (Rhône) et s’installèrent au Berthoud où André Raffin exerça son métier d’agriculteur.
Julien Raffin devint lui-même cultivateur et travailla dans la ferme familiale. Conscrit de l’année 1908, il fut incorporé le 7 octobre 1909 au 2e régiment d’artillerie. Il devint 1er canonnier conducteur le 13 octobre 1910. Il revint à la vie civile en septembre 1911 et reprit son activité d’agriculteur chez ses parents. Rappelé sous les drapeaux le 1er août 1914, il fut incorporé successivement au 54e régiment d’artillerie de campagne, le 2 août, puis au 1er groupe d’artillerie d’Afrique, le 10 août. Le 20 septembre 1914, il passa au 9e régiment d’artillerie et partit au front. Le 1er avril 1917, il intégra le 5e régiment d’artillerie de campagne. Il fut démobilisé le 23 juillet 1919 et se retira à Tarare, rue Baronnat. Il fut décoré de la médaille de la Victoire (médaille commémorative 1914-1918 créée en 1922). Julien Raffin devint encolleur de coton à une date incertaine, avant ou après la guerre 1914-1918. Le 20 décembre 1923, il se maria à Tarare avec Marguerite, Françoise Grange. Son fils Antoine naquit en 1925. Vers 1936, Julien Raffin s’installa avec sa famille, 13 rue de la Pêcherie à Tarare. Il travailla comme encolleur pour l’entreprise Godde-Bedin et sa femme fut débitante.
Le 22 août 1944, le chef de la culture légumière de Godde-Bedin, Antoine Plasse, envoya trois ouvriers, Julien Raffin, Jean Dupin et Claude Giraud*, récolter des oignons à Saint-Loup (Rhône). A cette époque, Julien Raffin était de temps à autre employé à ce genre de tâches faute de matières premières pour exercer son métier d’encolleur. Les trois collègues partirent le matin. Antoine Plasse les rejoignit vers 17 heures, apportant avec lui des sacs pour y placer les oignons. Vers 18 heures, les quatre hommes furent rejoints par Claudius Vignon, le propriétaire du terrain sur lequel ils travaillaient.
Ce 22 août, le Freiwilligen-Stamm-Regiment 3 se repliait vers Lyon (Rhône) en empruntant la route nationale 7. Ce régiment était constitué essentiellement de Russes et d’Ukrainiens encadrés par des Allemands. Ils s’agissait d’opposants au régime soviétique, engagés volontairement dans la Wehrmacht. Ils étaient quelques centaines de soldats qui circulaient pour la plupart à pied ou à bicyclette sur la Nationale 7. La colonne atteignit le centre de Tarare vers 18 heures, puis Saint-Loup vers 18h30.
A Saint-Loup, l’armée allemande était attendue. Sur une colline surplombant la RN7, étaient positionnés un détachement de parachutistes du Special Air Service (SAS), commandé par le lieutenant Montreuil, et une section de maquisards commandée par Louis Challeat (alias Berthier), chef du secteur de Tarare. Peu après 18h30, les hommes des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) et du SAS tirèrent du haut de la colline sur la colonne allemande en marche. Le combat entre les résistants et les soldats allemands dura jusqu’à 21 heures environ.
Lorsque les FFI et les SAS attaquèrent la colonne allemande, les balles sifflèrent autour de Julien Raffin et de ses quatre compagnons. Pour se protéger, ils se cachèrent d’abord dans une plantation de topinambours puis ils se réfugièrent dans la cave de Claudius Vignon dont la maison était située au Pied de Vindry. Vers 19 heures, de nombreux Allemands firent irruption dans la cour. Arrivés devant la porte de la cave, ils mirent les civils en joue. Les cinq hommes levèrent les bras. Voulant sans doute expliquer sa présence et celle de ses collègues chez Claudius Vignon, Antoine Plasse tenta de parler en allemand avec l’un des militaires. Celui-ci répliqua en français : « Taisez-vous, asseyez-vous et ne bougez plus ». Les cinq hommes restèrent environ une heure dans la cave sous la surveillance des soldats. Pendant ce temps, les Allemands fouillèrent la maison. Vers 20 heures, le militaire qui avait ordonné à Antoine Plasse de se taire, fit sortir les quatre ouvriers dans la cour et les fit asseoir sur l’escalier qui menait au jardin. Là, ils attendirent encore trois quarts d’heure. Finalement, un soldat leur ordonna de partir avec lui. Un quart d’heure après, vers 21 heures, Claudius Vignon entendit quelques coups de feu à proximité de sa maison.
A 50 mètres de l’habitation de Claudius Vignon, contre un mur de jardin, au bord de la RN7, Julien Raffin, Jean Dupin, Claude Giraud, Antoine Plasse et six autres personnes furent massacrés en représailles de l’attaque des SAS et des FFI. Les dix hommes furent tués d’une balle dans la nuque. Julien Raffin et ses collègues furent abattus vraisemblablement au moment où Claudius Vignon entendit quelques coups de feu isolés, vers 21 heures. Les autres victimes furent peut-être assassinées au même moment, ou peut-être avant.
Vers 23 heures, la gendarmerie fut informée par des résistants que plusieurs civils avaient été tués par les troupes allemandes au Pied de Vindry. Les gendarmes se rendirent sur les lieux et trouvèrent en bordure de la Nationale 7, en face de l’arrêt du car de la Régie des Services automobiles du Rhône, neuf hommes et un garçon, alignés côte à côte et baignant dans leur sang. Le 23 août 1944, à 7 heures, en présence des maires de Saint-Loup et de Tarare, les gendarmes procédèrent à l’identification des victimes. En accord avec les familles, le maire de Tarare fit transporter les corps à la morgue de l’hôpital de Tarare. Les objets, papiers et valeurs recueillis sur les cadavres furent remis aux familles. L’inhumation des victimes eut lieu le 24 août 1944 à 10 heures.
Après-guerre, des enquêteurs recueillirent un témoignage qui, malgré ses imprécisions, offrit une piste sérieuse pour déterminer qui était responsable du massacre du 22 août 1944. Un prisonnier de guerre du dépôt 91 à Poitiers, désigna un officier du Freiwilligen-Stamm-Regiment 3 : « Le capitaine Bergmann né en 1904 ou 1905 (habitait avant la guerre en Wesphalie et dans la province de Hanovre). Dans le village de Tarare entre Roanne et Mâcon, il était pris en fusillade par le maquis fin août début septembre 1944, lorsqu’il faisait le repli avec sa compagnie. Comme représailles il avait fusillé 40 français dans Tarare. […] La Cie de Bergmann s’appelait Régiment des volontaires Ukrainiens N°3 et ils étaient stationnés entre Roanne et Lyon au mois de juillet et août pour combattre le maquis F.F.I. Le lieutenant colonel Dorrenhaus était chef du régiment, Bergmann lui était chef de la Cie d’État major de ce régiment. Ce régiment s’est replié en septembre 1944 en Allemagne [...] ».
Le nom de Julien Raffin apparaît sur le monument qui fut érigé à Saint-Loup, au Pied de Vindry, au bord de la Nationale 7.

Monographie du lieu d’exécution

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article204876, notice RAFFIN Julien par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 2 juillet 2018, dernière modification le 23 juillet 2018.

Par Jean-Sébastien Chorin

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3808W1108, 1RP1132, 6M474, 6M513, 6M551, 6M734.— Site Internet Geneanet.— État civil.

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