FOURCADE Louis, Jacques, Marie [alias « BASTIA », pseudonyme de résistance]

Par André Balent

Né le 1er février 1923 à Carcassonne (Aude), mort exécuté sommaire le 12 (?) août 1944 à Revel (Haute-Garonne) ; domicilié à Laure-Minervois (Aude) ; militaire ; résistant de l’Armée secrète (premier maquis de Trassanel puis Corps franc de la Montagne Noire (Aude et Tarn)

Louis Fourcade (1923-1944)
Louis Fourcade (1923-1944)
Cliché : site lauragais-patrimoine

Louis Fourcade était né à Carcassonne dans une famille de Laure-Minervois (Aude). C’était le fils d’Anastase, Louis, Marie, Joseph Fourcade, propriétaire et de Louise Buscail âgés respectivement de trente-et-un et vingt-quatre ans. Bon élève, il avait intégré l’école militaire de Saint-Cyr (Seine-et-Oise) et était lieutenant. Il habitait à Prat-Major [Prat Majou], commune de Laure-Minervois (Aude). Après l’armistice, il fut amené à encadrer les Chantiers de jeunesse. Le groupement n° 35 de cet organisme était implanté dans la Montagne Noire à Labruguière (Tarn). Fourcade déserta et passa à la Résistance.

Il fut l’un des fondateurs d’un premier maquis de l’AS audoise dans la Montagne Noire avec Lucien Maury, instituteur à Lescale (commune de Puivert, Aude) et cadre de l’AS audoise, Edmond Agnel, Wilson Tessoneau et le lieutenant Brunet. Ce maquis, le premier fondé dans le département de l’Aude était destiné à regrouper les réfractaires au STO et les jeunes qui quittaient les Chantiers de jeunesse. Il fut implanté à la grotte difficilement repérable de Trassanel (Aude) et à la ferme abandonnée de Montredon près de Seriès (hameau de la commune de Fournes-Cabardès). Repéré ce maquis fut dissous. Fourcade accompagné de deux ou trois maquisards décidèrent de se joindre au CFMN en gestation et se replièrent vers Revel (Haute-Garonne), sur le piémont occidental de la Montagne Noire. Peu après, suivant les directives de l’AS audoise, Antoine Armagnac fonda un nouveau maquis de Trassanel connu sous le nom de « maquis Armagnac ». Cette formation devait croiser le destin tragique de Fourcade au début du mois d’août 1944.

Fourcade, pour sa part, participa donc, avec Roger Mompezat, Bernard Jouan de Kervenoael et Henri Sévenet, à la création formelle du Corps franc de la Montagne Noire (CFMN) le 20 avril 1944 à Castres (Tarn). Mais le CFMN était depuis longtemps en gestation : des petits maquis souvent affiliés à l’AS, comme le maquis de Durfort animé par les frères Arnaud, de Revel, Roger et Charles, assuraient le regroupement des réfractaires. Un autre maquis de l’AS, le maquis de Lattre de Tassigny, avait été rassemblé dans les monts de Lacaune (Tarn) par le lieutenant de dragons de l’ancienne armée d’armistice, Bernard Jouan de Kevernoael. Ils furent regroupés dans le CFMN. Ce nouveau maquis était formellement rattaché à l’Armée secrète (AS) mais était lié au Special Operations Executive britannique (Voir Sévenet Henri). Il refusa d’obéir à l’AS et aux chefs des FFI du Tarn car Mompezat affirmait ne recevoir d’ordres que directement de l’état-major interallié et du général Koenig. Cette attitude le rendit suspect aux dirigeants militaires de la R4 qui prêtaient parfois une oreille complaisante aux rumeurs présentant le CFMN comme rassemblant des mercenaires au service des Britanniques. Roger Mompezat eut, entre autres, une entrevue houleuse avec Serge Ravanel chef des FFI de l’ensemble de la R4. Finalement le CFMN accepta de ne dépendre que de Ravanel. Ce grand maquis, fut maintenu dans sa phase d’organisation jusqu’au débarquement allié de Normandie, le 6 juin 1944. Ses chefs militaires étaient le commandant Roger Mompezat (1899-1958) résistant à Toulouse dès 1941 et le capitaine Jouan de Kervenoael. Fourcade et le sous-lieutenant Marc devinrent des officiers de liaison sous les ordres de Mompezat et de Sévenet. Par la suite Fourcade prit le commandement d’un groupe du CFMN.

À partir de ce moment, le CFMN attaqua les Allemands et rassembla jusqu’à mille hommes. L’état major de l’Armeegruppe G établi au nord de Toulouse décida, dès le 8 juin, de s’attaquer à lui, de la même façon que les autres maquis établis au nord et au sud du grand axe de communications ferroviaire et routier reliant la région de Toulouse (Haute-Garonne) et la basse vallée du Rhône. Le 9 juin deux escadrons du CFMN participèrent à une embuscade contre les Allemands sur diverses routes de la Montagne Noire. Ce fut le baptême du feu de Fourcade et des jeunes qui étaient sous ses ordres. Ils réussirent à détruire une camionnette allemande et tuèrent ses six occupants en n’ayant aucune perte. Cette embuscade fut la première d’une longue série.

Le 14 juillet 1944, le CFMN décida une action d’éclat dont Fourcade fut le principal protagoniste. Dans le secret le plus total, il organisa, à la barbe des Allemands, un défilé dans les rues de Revel (Haute-Garonne). À la tête de son 5e peloton, Louis Fourcade conduisit le défilé de 400 hommes du CFMN. La manifestation fut sécurisée par Roger Mompezat et Henri Sévenet qui voulait éviter un affrontement armé avec les Allemands dans l’agglomération de Revel.

Dès le 16 juillet, décidés à en terminer avec le CFMN, et, accessoirement, avec les autres maquis de la Montagne Noire, les Allemands déplacèrent depuis la région bordelaise où ils étaient en formation, les 10 000 hommes la 11e Panzer du Heer qui se déploya dans le triangle compris entre Toulouse (Haute-Garonne), Mazamet (Tarn) et Carcassonne (Aude). Ils établirent leu état-major à Revel et Saint-Férréol (Haute-Garonne).

Le CFMN fut attaqué en force le 20 juillet 1944 à sept heures du matin, avec l’appui de six bombardiers Junker, à la Galaube (Tarn) où il avait établi son cantonnement. De trois escadrons du CFMN, deux réussirent à se positionner sur les crêtes avant de se regrouper à Fontbruno au PC du commandant Mompezat. L’escadron (on utilisait cette terminologie car le CFMN affirmait reconstituer le 3e régiment de Dragons en garnison à Castres (Tarn) de 1940 à 1942, jusqu’à la dissolution de l’armée d’armistice) du lieutenant Fourcade manoeuvra à travers les épaisses forêts de la Montagne Noire afin de prendre à revers les forces allemandes. Les hommes de Fourcade réussirent, avec leurs mitrailleuses, à abattre deux avions. Une heure plus tard, leurs projectiles atteignirent un troisième avion parmi les quatre qui étaient revenus mitrailler le camp de la Galaube entre temps abandonné par les maquisards. Toutefois, la manoeuvre tentée par Fourcade échoua. Mompezat ordonna le repli plus vers l’est, au pic de Nore (1211 m), point culminant de la Montagne Noire où cantonnait un autre groupe du CFMN commandé par le capitaine Jourdain. Puis ce fut la dispersion qui empêcha l’anéantissement du CFMN.

Le « peloton » du lieutenant Fourcade se rassembla d’abord près de l’Aribaud puis à la bergerie de Picarot (commune de La Bastide-Esparbairenque, Aude), discrète et difficile d’accès. Il savait qu’il était à proximité du maquis d’Antoine Armagnac et souhaitait le contact avec lui. À la recherche des groupes du CFMN, les Allemands, de leur côté, finirent par localiser un le maquis de l’AS que Fourcade voulait joindre, celui d’Antoine Armagnac qui lui avait donné son nom. Le « maquis Armagnac », traqué, était à la recherche d’un cantonnement sûr. Fourcade et Armagnac établirent le contact le 2 août. Les hommes d’Armagnac arrivèrent à la bergerie de Picarot pendant la nuit du 5 au 6 août 1944 et firent enfin leur jonction avec le groupe du CFMN commandé par Louis Fourcade.

Bien que, le 5 août, le groupe (peloton) de Louis Fourcade ait été affecté au maquis Armagnac, ses hommes se partagèrent en deux. Certains — Gilles Bertrand, Georges Daisse, Robert Houzelle, Edmond Karlen, Rabia Kimmoun, Henri Lavigne, Henri Macaire, Robert Mijon — intégrèrent le « maquis Armagnac ». D’autres ne faisaient confiance que dans le capitaine Jouan de Kervenoael et décidèrent de rétablir le contact avec lui. Fourcade, pour sa part, fut convoqué le 3 août 1944 à la ferme des Pailliès (commune de Pradelles-Cabardès, Aude) par l’état-major du CFMN. Il s’y rendit avec le maréchal des logis Nordman et le médecin-capitaine Manquéné. Le lendemain matin, à 6 heures, la ferme fut investie par les Allemands. Les fermiers et les résistants furent arrêtés et interrogés. Le 6 août 1944, la ferme fut pillée et dévastée, les champs furent dévastés. Les résistants furent embarqués dans une camionnette et amenés à Revel où ils furent torturés. Le 10 août selon certaines sources, mais plus vraisemblablement le 9, tous les résistants partirent de Revel sous bonne garde. Seul Fourcade resta dans la maison qui lui servait de prison improvisée. Il fut arrêté le 12 août 1944, vers 19 heures puis écroué à la prison de la Wehrmacht de Toulouse, sans doute la prison Furgolle. L’"ordre d’écrou" de la Sipo-SD de Toulouse était signé par l’Oberscharfürher Lehmann. Identifié par les Allemands comme étant un membre de l’AS, son cas qualifié de « grave » était « suivi » par le Scharführer Scheidt. La fiche de la Sipo-SD indiquait également un probable autre pseudonyme de Louis Fourcade, « Chamon » (archives du SHD, Vincennes). On le retrouva mort, exécuté sommairement à Revel. Il fut ré-inhumé dans la crypte du monument mémorial du CFMN de Fontbruno à Escoussens (Tarn) inauguré en 1947. Son nom figure sur le monument de Fontbruno et sur le monument aux morts de Laure-Minervois (Aude).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article205027, notice FOURCADE Louis, Jacques, Marie [alias « BASTIA », pseudonyme de résistance] par André Balent, version mise en ligne le 9 juillet 2018, dernière modification le 19 novembre 2022.

Par André Balent

Louis Fourcade (1923-1944)
Louis Fourcade (1923-1944)
Cliché : site lauragais-patrimoine

SOURCES : Arch. SHD, Vincennes, GR 28 P 3173 (AS), « ordre d’écrou » cité dans la notice, original en allemand et traduction française. — Arch. com. Carcassonne, état civil, acte de naissance de Louis Fourcade. — Julien Allaux, La 2e Guerre mondiale dans l’Aude, Épinal, Le Sapin d’Or, 1986, 254 p. [pp. ; 168-171 ; 177-179 ; 182-183]. — Jacques Batigne, « Un grand résistant revélois dans l’oubli », 2014, site lauragais-patrimoine.com consulté le 8 juillet 2018. — Michel Jean, « Maquis de la Montagne Noire », 2014, site saissacd’autrefois.monsite.com consulté le 8 juillet 2018. — Lucien Maury, La Résistance audoise (1940-1944), tome II, Carcassonne, Comité de l’histoire de la Résistance audoise, Carcassonne, 1980, 441 p. [pp. 132-138 ; 267-268]. — Site MemorialGenWeb consulté le 8 juillet 2018.

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