HAUSEUX Grégoire.

Par Freddy Joris

Verviers (pr. Liège, arr. Verviers), 10 août 1884 – Verviers, 12 novembre 1955. Avocat, rédacteur en chef dans la presse catholique de Verviers, militant démocrate-chrétien, conseiller communal de Verviers.

Grégoire Hauseux naît dans une famille démocrate-chrétienne : lors des premiers pas de ce courant politique et syndical dans la région verviétoise dans les années 1890, son père assure la gestion du magasin coopératif, L’Épargne, que l’Union démocratique chrétienne (UDC) de Verviers ouvre au n° 22 de la rue de Heusy en mars 1893. Cet organisme disparaît sans doute dans la foulée du discrédit jeté sur la démocratie chrétienne verviétoise après son union avec les catholiques conservateurs lors des premières élections législatives de 1894 et communales de 1895 au suffrage universel à vote plural, système électoral qui ouvre la voie aux votes ouvriers tout en restant inégalitaire.

Après des études de droit, Grégoire Hauseux s’inscrit au barreau de Verviers en octobre 1907. Il y sera actif jusqu’à son décès. Dès 1908, Il s’investit dans la vie politique communale au sein de l’Association catholique. Il prend la parole dans des meetings, mais, à l’exception des questions religieuses et scolaires − thèmes sur lesquels il est intransigeant et qui l’amèneront à être un adversaire farouche du cartel électoral libéral-socialiste en 1912 −, il se sent beaucoup plus proche des préoccupations sociales du Parti ouvrier belge (POB) que de ses coreligionnaires, majoritairement conservateurs.

Le 1er avril 1919, lors de la reparution des quatre quotidiens verviétois au lendemain de leur éclipse due la Première Guerre mondiale, le conseil d’administration du journal catholique, Le Courrier du Soir, confie à Grégoire Hauseux le poste de rédacteur en chef politique de ce dernier. Il n’abandonne pas pour autant ses activités d’avocat, la direction du journal étant assurée conjointement avec lui par Joseph Bronckart, nettement plus en phase avec le caractère très conservateur des administrateurs de la feuille. Hauseux fournit quasi quotidiennement un éditorial politique au Courrier, mais, dès 1920, les opinions plus progressistes qu’il y émet lui valent des tensions avec son collègue Bronckart comme avec les administrateurs, dont la plupart sont aussi dirigeants de l’Association catholique, dont il a aussi accepté d’assurer le secrétariat général.

Cette incompatibilité tant en matière politique que sociale réussit curieusement à perdurer durant plusieurs années mais la rupture, inévitable, se produit en 1926, lorsqu’il est question, à l’Association catholique, d’un projet (avorté) de liste de cartel électoral libéral-catholique contre le POB et le Parti communiste belge (PCB). Opposés à ce projet, les démocrates-chrétiens se retirent de l’Association et Grégoire Hauseux démissionne, le 3 septembre 1926, de son poste de rédacteur en chef du Courrier du Soir. Il mène une liste démocrate-chrétienne aux élections communales d’octobre suivant. Il est élu au Conseil communal de Verviers en même temps que Mathieu Jason*. Il y siègera durant douze ans, de janvier 1927 à octobre 1938, date à laquelle il renonce à se représenter.

Au Conseil communal, excepté toujours sur les questions scolaires − il est un farouche militant de l’enseignement libre et sera vice-président de la Fédération verviétoise des Écoles catholiques en 1940 −, et religieuses − c’est un catholique profondément sincère −, Grégoire Hauseux joint très souvent sa voix à celles des élus socialistes et communistes contre les membres libéraux ou catholiques conservateurs du Collège échevinal. Les socialistes le considèrent quasiment comme un des leurs et font son éloge dans leur journal, Le Travail. En octobre 1935, Hauseux accepte de prendre la parole dans le premier grand meeting verviétois du Front populaire antifasciste en compagnie des socialistes, Léonard Ohn et Isabelle Blume, et des communistes, Julien Lahaut et Joseph Leemans*, ce qui lui vaut durant plusieurs mois des tensions jusque dans les rangs du mouvement ouvrier chrétien, puisque les organisations de ce dernier se sont vues interdire d’adhérer au Front populaire. Le président national de la CSC, Henri Pauwels*, écrit à l’abbé Hubert Vaessen, secrétaire des Œuvres sociales de l’arrondissement de Verviers, en juin 1936 : « il importe de nous désolidariser de M. Hauseux et de faire connaître cette désolidarisation ».

Durant plus de trente ans, Grégoire Hauseux est une des figures de proue du barreau de Verviers, dont il est le bâtonnier durant trois mandats : la dernière fois en septembre 1939, il est réélu à la presque unanimité. Il assure en avril 1940 la défense du militant communiste, Jean Lambert, frère du conseiller communal du PCB, Henri Lambert, qui a été arrêté en mars pour avoir diffusé des tracts communistes en dépit de l’interdiction de la diffusion de la presse communiste en vigueur depuis fin novembre 1939 en raison du Pacte germano-soviétique (Berlin-Moscou).

Durant la Seconde Guerre mondiale, Grégoire Hauseux défend plusieurs fois, devant le Tribunal, des résistants −souvent dans l’orbite du Front de l’indépendance −, qu’il s’efforce de faire passer pour des droits-communs. Soutenant discrètement la résistance, il héberge chez lui, vers 1941-1942, des résistants communistes bruxellois entrés dans la clandestinité : l’avocat Albert Depelsenaire*, membre des Partisans armés, et le docteur Charles Tenzer* qui dirigera le Front de l’indépendance à Verviers puis à Charleroi (pr. Hainaut).

À la Libération, l’aura de Grégoire Hauseux dans les milieux de gauche est toujours intacte et sa figure fait l’unanimité. Dans les mois qui suivent, les tensions et la confusion entre socialistes et communistes sont importantes dans la région verviétoise au point que c’est lui qui est invité à prononcer le discours du 1er mai 1945 à Verviers !

Au lendemain de ce conflit mondial, Grégoire Hauseux soutient le nouvel essai d’un parti démocratique chrétien, avec la création de l’Union démocratique belge (UDB). Sans se porter lui-même candidat, il contribue à l’élection de Louis Bertholet, seul conseiller communal UDB élu à Verviers et dans tout le pays, au scrutin communal d’octobre 1946. La présence de ce dernier au Conseil communal permettra de justesse l’installation d’une majorité de gauche, la seule de l’histoire politique verviétoise, associant les élus du Parti socialiste belge (PSB), du PCB et de l’UDB, sous la direction du leader socialiste, Alexandre Duchesne.

Jusqu’à son décès, Grégoire Hauseux assure la défense des intérêts des membres d’une Fédération des invalides du travail et de la paix dont il est le président d’honneur. Marié, il a un fils, Hubert, devenu également avocat.
Grégoire Hauseux meurt d’une crise cardiaque, en pleine rue, alors qu’il quitte le palais de justice pour regagner son cabinet d’avocats, situé rue de la Banque à Verviers.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article205039, notice HAUSEUX Grégoire. par Freddy Joris, version mise en ligne le 10 juillet 2018, dernière modification le 7 novembre 2020.

Par Freddy Joris

SOURCES : Note biographique inédite de 2013 et documents dont des lettres adressées à Grégoire Hauseux transmis par Jacques WYNANTS – HELLE, Silhouettes et profils verviétois, Verviers, Le Travail, 1937 − Le Jour et Le Travail, 12 novembre 1955 − WYNANTS J., Les origines de la démocratie chrétienne à Verviers, Bruxelles, La Pensée catholique, 1960 − BOTTERMAN X., Histoire du mouvement communiste verviétois 1919-1940, Bruxelles, CArCoB, 2009.

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