JOUANNEAU Maurice [pseudonymes dans la Résistance : Yves, Gaston, Marceau]

Par Eric Panthou

Né le 23 juin 1902 à Paris (XIVe arr.), mort en 1962 ; ajusteur chez Michelin, militant à la SFIO et à la CGT puis à la CGT-FO ; résistant, responsable au sein du mouvement "Franc-Tireur" du Puy-de-Dôme, président de la Commission d’épuration du Comité départemental de Libération du Puy-de-Dôme, conseiller municipal de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Maurice Jouanneau possède le brevet élémentaire et s’est marié le 10 avril 1930 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) avec Constance Burckhard. Il a eu quatre enfants, dont trois sont encore vivants en 1943. Il a d’abord habité Paris puis Tarbes, avant d’arriver à Clermont-Ferrand en mars 1930, habitant toujours à la même adresse, rue du Devoir, au quartier de la Plaine dans une maison des cités Michelin. Il a travaillé depuis son arrivée comme ajusteur-outilleur au service VDA chez Michelin.

Il a adhéré à la SFIO dès 1920, se présentant en 1940 lors d’une perquisition comme adversaire de” la doctrine communiste dont les ordres étaient donnés par une puissance étrangère”. Il a été secrétaire général de la section SFIO Roger Salengro du quartier ouvrier de la Plaine à Montferrand (Puy-de-Dôme) créée depuis le 1er octobre 1936 et ce jusqu’à novembre 1939. La CGT Michelin, clandestine jusqu’à l’été 1936, est entièrement contrôlée par les militants du PCF. Jouanneau n’exerce aucun mandat syndical avant guerre mais il est syndiqué. Il est néanmoins considéré en 1940 par la police comme un meneur lors des grèves de 1936 chez Michelin et comme ayant un grand ascendant sur les ouvriers Michelin habitant rue du Devoir.

Dès le début de l’Occupation, il ressent le besoin d’agir. C’est la rencontre à Marseille, le 23 novembre 1940, avec des étudiants diffusant le journal France Libéré, qui déclenche son engagement. Il est perquisitionné le lendemain de cette rencontre, le 24 novembre 1940, après avoir été dénoncé à tort par un supérieur comme ayant appartenu à un groupe de militants communistes cheminots diffusant des tracts. On l’a vu à plusieurs reprises avec un dénommé Bernard, militant connu aux "idées extrémistes", employé de bureau. Est-ce Pierre Bernard, le militant pivertiste secrétaire du syndicat des techniciens CGT Michelin, alors incarcéré ?

Il continue d’être suspecté et rejoint bientôt la clandestinité, avec son fils Jacques.
En avril 1942, avec Claudius Jeantet, contremaître et syndicaliste CGT Michelin non communiste, il prend contact avec la direction du nouveau mouvement "Franc-Tireur", créée en novembre 1940 à Lyon et bien implanté dans le Puy-de-Dôme. Une entrevue avec Jean-Pierre Lévy fin mai 1942 les intègre à "Franc-Tireur". Il organise et forme des sizaines, forme un corps franc et devient responsable départemental Franc-Tireur pour le Puy-de-Dôme, de janvier à mai 1943.
Parallèlement, avec son fils Jacques, il fait partie du sous-réseau Marceau du réseau Marco-Polo qui travaille pour le BCRAM, précurseur du Bureau central de renseignement et d’action, chargé des parachutages et du renseignement avec Londres.
Il rejoint le maquis de la région d‘Arlanc le 3 mai ou le 8 ou 9 mai 1943 selon les sources. C’est un maquis composé essentiellement de jeunes réfractaires au STO et envoyés ici en premier lieu par des recruteurs issus du PC comme Jean Perrain. Lors de son arrestation, il justifie son départ dans le maquis par sa volonté d’aider les jeunes à échapper au STO. Il reconnaît aussi avoir été avant ce départ l’un des responsables du groupe "Franc-Tireur", mais déclare qu’il ne délivrera aucun nom, tenu par un serment. En fait, il donne plusieurs noms des membres du groupe mais la plupart sinon tous étaient déjà arrêtés. Il donne néanmoins de nombreux détails sur l’organisation et l’action du groupe le 9 juin 1943 lors de l’attaque d’une gendarmerie.
Jouanneau, chef départemental de "Franc-tireur", rencontre des difficultés avec le chef du maquis Pierre Cerveau, dit Joseph à qui il reproche de faire trop de propagande en faveur du parti communiste.

Le groupe vivait tranquillement, sans mener d’actions, jusqu’à ce qu’il fasse parler de lui en attaquant le 9 juin 1943, la gendarmerie du lieu afin de délivrer des camarades prisonniers. Mais une fusillade éclate et le chef de gendarmerie est tué. Maurice Jouanneau a participé à cette action. La police de Vichy envoie des forces importantes pour traquer les maquisards. Une partie d’entre eux est appréhendée, dont Jouanneau, le 11 juin, avec son fils Jacques, récemment libéré de prison et ayant rejoint son père au maquis, et huit des hommes placés sous ses ordres. Ils sont internés dans un premier temps à Thiers puis ils sont conduits le 6 juillet devant la Cour spéciale de la Cour d’Appel de Riom qui condamne le 13 juillet 1943 Maurice Jouanneau aux travaux forcés à perpétuité, dix autres de ses camarades étant également lourdement condamnés le même jour. La police indique qu’il était recherché pour activités gaullistes.

Durant leur transfert à une centrale pénitentiaire, ses hommes et lui sont délivrés à la gare de Pontmort par des maquisards, se faisant passer pour des policiers. Maurice Jouanneau et ses neufs camarades sont envoyés sur le maquis du camp Faïta en Corrèze, qui a exercé ses activités dans les régions d’Ussel et de Saint-Bonnet. Maurice Jouanneau fut adjoint au chef de détachement du camp Faïta, sous les ordres de Gabriel Geneix alias Eloy.
Le camp est attaqué le 28 septembre 1943 par l’armée allemande. Maurice Jouanneau commande un des détachements de maquisards. Quatre maquisards sont tués. En désaccord avec la stratégie employée par la direction du camp lors de l’attaque allemande, Jouanneau et une partie des hommes se replient en limite du Puy-de-Dôme, à Larfeuille de Briffons et Bressous de Laqueille, jusqu’au printemps 1944.
En tant qu’un des principaux responsables du mouvement "Franc-Tireur" dans le département, il participe à ce titre au Comité Départemental de Libération, tenu à Aubière le 20 janvier 1944, au Comité Départemental de Libération de Chadeleuf, le 9 mars 1944 puis à la troisième réunion du Comité régional de Libération qui se serait tenu le 2 mai 1944 à la ferme du Boitout (Haute-Loire), commune de Sainte-Marguerite, près de Paulhaguet. C’est ici qu’Émile Coulaudon alias Gaspard proposa la concentration de la Margeride. La participation de Jouanneau à autant de réunions des instances de Libération démontre son importance.

Pour son action dans la Résistance, il fut homologué FFC, FFI, DIR et FFL.

Si Jouanneau manifeste à plusieurs reprises sa distance avec les communistes, il les côtoie néanmoins de façon régulière. Il fournit ainsi des attestations à des militants communistes comme Paul Sac ou Jean Zimmermann, ce qui prouve les liens entretenus avec les réseaux communistes en 1943 en particulier.

Au lendemain de la Libération de Clermont-Ferrand, fin août 1944, Maurice Jouanneau fut nommé membre de la Délégation Spéciale provisoire, composant le Conseil municipal de la préfecture. Il devient aussi président de la Commission d’épuration du Comité départemental de Libération du Puy-de-Dôme.
Après 1945, il est considéré comme une figure reconnue de la Résistance. A ce titre il rejoint la Commission d’Histoire de l’Occupation et de la Libération dans le Puy-de-Dôme créée juste après guerre.
Ill reprend son activité d’ajusteur chez Michelin, restant membre de la SFIO et rejoignant bientôt Force ouvrière. Il défend ses camarades de travail en de nombreuses occasions, refusant une promotion afin de conserver ses responsabilités syndicales.
En 1953, il devient conseiller municipal de Clermont-Ferrand dans l’équipe du socialiste et ancien résistant Gabriel Montpied.
Il fut très actif pour aider toute les personnes le sollicitant dans le cadre de son mandat. S’il a des convictions politiques et sociales fortes, Maurice Jouanneau est décrit comme un homme généreux et dénué de tout sectarisme. Il néglige de soigner un diabète qui aura raison de lui. Il meurt en 1962 à l’âge de soixante ans.
Une rue porte son nom à Clermont-Ferrand.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article205258, notice JOUANNEAU Maurice [pseudonymes dans la Résistance : Yves, Gaston, Marceau] par Eric Panthou, version mise en ligne le 24 juillet 2018, dernière modification le 21 décembre 2021.

Par Eric Panthou

SOURCES : Arch. départ. du Puy-de-Dôme : 1296W91 le commissaire de police mobile au divisionnaire chef de la 6éme Brigade mobile, le 30/11/1940. — Arch. départ. du Puy-de-Dôme : 1296W91 : PV perquisition Maurice Jouanneau, 24 novembre 1940. — arch. dép. du Puy-de-Dôme :1296W92 Renseignement n°15, non daté [1940].— arch. dép. du Puy-de-Dôme 1296W422 : le chef du service régional de police de sûreté au procureur de la République à Clermont-Ferrand, le 28 juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W422 : liste nominative des personnes arrêtées au cours des opérations de police, circa fin juin 1943.— SHD dossier GR16 P 311957, homologué FFC, FFI, DIR et FFL (non consulté).— SHD Caen, dossier AC 21 P 577434 (non consulté).— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W422 : déposition de Maurice Jouanneau auprès du Commissaire Trotta, le 13 juin 1943.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W422 : déposition de Maurice Jouanneau auprès du Commissaire de Police judiciaire de Clermont-Ferrand, le 28 octobre 1945.— Arch. municip. de Clermont-Ferrand : arrêté préfectoral du 30 août 1944 fixant les membres de la délégation spéciale provisoire du Conseil municipal de Clermont-Ferrand .— Archives privées Alphonse Rozier, chemise « Maquis du Mont-Mouchet ». — Archives Alphonse Rozier : Compte-rendu Comité Départemental de Libération de Chadeleuf, 9 mars 1944, dactyl. — “Maurice Jouanneau, le clermontois oublié”, Billet de Georges Moussu, mis en ligne le 21 août 2007 :http://ventdauvergne.canalblog.com/archives/2007/08/21/1416743.html [consulté le 04 juillet 2018]. — L’Auvergne socialiste, 1er mai 1937. — La Montagne, 7 novembre 1947.— Gilles Lévy, A nous Auvergne, Paris, Presses de la Cité, 1981.— SHD GR 19 P 63/1, dossier général. Page 136. — Manuel Rispal, "Maurice et Jacques Jouanneau, très engagés", in.La Libération désirée, éd. Authrefois, 2016.

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