Calmont (Haute-Garonne), 16 juillet 1944

Par André Balent

Calmont est une commune de la Haute-Garonne, limitrophe de l’Ariège, dans le sud du Lauragais, région agricole à cheval sur l’Aude, le Tarn, la Haute-Garonne et l’Ariège. Le 16 juillet 1944, une colonne allemande de la division SS Das Reich se dirigeant vers le nord s’arrêta dans la localité, un jour de fête. Ils arrêtèrent une cinquantaine de personnes qu’ils retinrent comme otages ; ils fusillèrent trois des résistants arrêtés et des miliciens qui les accompagnaient pendirent l’autre après l’avoir achevé d’une balle dans la nuque. Trois des exécutés sommaires (le pendu et deux fusillés) appartenaient au réseau Morhange. Le quatrième était un jeune résistant de Calmont.

Calmont (Haute-Garonne). Plaque commémorative de rue du Four
Calmont (Haute-Garonne). Plaque commémorative de rue du Four
Plaque commémorant l’exécution de Jean Ruiz, Henri Lanfant et Louis Calvet le 16 juillet 1944.

Calmont en 1944, la résistance et les forces allemandes :

Calmont (1361 habitants au recensement de 1936) est proche d’un axe majeur de circulation, la RN 20 et la ligne de chemin de fer, qui le long de la vallée de l’Ariège, permet de pénétrer l’intérieur du massif pyrénéen vers l’Espagne et l’Andorre. Mais cette commune du Lauragais méridional se distinguait, au printemps de 1944 par la présence d’un maquis de 120 hommes environ, centré sur la commune voisine de Nailloux (Haute-Garonne) et affilié au Corps franc Pommiès (CFP) de l’ORA (Organisation de résistance de l’Armée). Ces hommes se rassemblaient dans un bois sur les rives de l’Hers, en aval de Calmont. À proximité, aussi, un groupe de l’AS qui à Saverdun (Ariège) assurait la réception de parachutages pour le Corps franc de la Montagne Noire implanté dans ce massif à la limite de l’Aude et du Tarn (Voir : Justiniac (26 juin 1944) ; Lacaune, jasse de Martinou et col de Picotalen (22 avril 1944)).

Ces maquis menaçaient les communications de l’armée allemande qu’il fallait à tout prix sécuriser après le débarquement de Normandie (6 juin 1944) et dans la perspective d’un nouveau débarquement allié en Méditerranée. Il dallait aussi sécuriser les communications avec l’Espagne à travers les Pyrénées. Aussi, le général Blaskowitz , commandant du groupe d’armées G avait-il donné l’ordre d’éradiquer les maquis . Des unités de la 2 SS Panzer Division « Das Reich » déployée, à partir de la fin avril de 1944, autour de Montauban (Tarn-et-Garonne) et Toulouse — dans la Haute-Garonne (Voir Castelmaurou ; Miremont), le Tarn et le Tarn-et-Garonne — furent affectées à cette tache de nettoyage dès le 8 juin 1944. C’est ainsi que les Allemands furent alertés par la présence de membres du groupe « Morhange » à Calmont.

Le réseau « Morhange » à Calmont :

Mais les Allemands étaient informés par dénonciation de la présence à Calmont, depuis la veille, de membres du réseau toulousain « Morhange » (Voir Taillandier Marcel, Viadieu Achille) qui travaillaient à la mise en place d’un maquis dans la haute vallée de l’Aude, en Donnezan (Ariège), prés du village de Quérigut : Louis Calvet, Henri Lanfant, René Vidal. C’est la raison pour laquelle, les SS de la division Das Reich étaient accompagnés par des policiers de la Sipo-SD et des miliciens (qui avaient peut-être informé les Allemands) se rendirent d’emblée à la boucherie de la place des Canelles qui servait de point de chute pour le réseau « Morhange ». Calvet, Lanfant et Vidal étaient venus récupérer des armes pour le maquis pyrénéen de Quérigut (Ariège) (Voir aussi : Barran Robert). Ils avaient passé la nuit dans un hôtel situé juste à côté de la boucherie.

Les exécutions du 16 juillet 1944 :

Une quinzaine de véhicules venant du sud arrivèrent à Calmont vers 7 heures 30 du matin. Il s’agissait vraisemblablement d’éléments du 3e bataillon du régiment d’artillerie de la division Das Reich, accompagnés de policiers de la Sipo-SD et de Français de la Milice. Toutefois, Guillaume Agullo, directeur du musée départemental de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne à Toulouse consulté par Guy Penaud pensent que les Allemands pourraient être des militaires d’une autre unité. Le 16 juillet était un jour de fête à Calmont. Beaucoup de monde était déjà présent sur la place centrale des Canelles. Les Allemands rassemblèrent une cinquantaine d’otages contre les murs des maisons de cette place. Ils devaient y rester alignés jusque vers 17 heures 30 ou 18 heures, selon les sources.

Le film des événements manque de précisions et on relève parfois des versions différents pour ne pas dire contradictoires des faits. Nous tentons ci-dessous une synthèse (provisoire) des informations. Une version détaillée des faits est à la disposition du public sur une des deux plaques de la rue du Four. Elle est reproduite sur le site polices ;mobiles free.fr (op.cit.).

Les Allemands se dirigèrent vers la boucherie où il savaient qu’ils trouveraient les trois hommes qu’ils voulaient appréhender. De fait, ils logeaient dans un hôtel situé à côté de la boucherie où ils se rendirent également. Ils les tirèrent de leur lit. Au passage, ils trouvèrent le jeune Jean Ruiz, un Calmontais lié à la Résistance (aux groupes locaux de l’AS et/ou de l’ORA ? ; au maquis de Quérigut qu’il s’apprêtait à rejoindre avec les trois membres du réseau « Morhange » ?). Ruiz qui était en possession d’une valise contenant un pistolet-mitrailleur fut torturé puis abattu le premier, criblé de balles, vers quinze heures.

Puis Lanfant et Calvet furent abattus à leur tour de la même manière. Certaines sources disent qu’ils le furent, comme Ruiz, au premier étage de la boucherie. D’autres affirment que les deux hommes réussirent à s’échapper et qu’ils furent bientôt rattrapés et abattus dans un bois à proximité du village. Tous trois furent préalablement torturés.Ruiz aurait été tué vers 15 heures.

Vidal fut arrêté le dernier (vers 18 heures dans la boucherie (de la place des Canelles ; près de l’église ?). Une Traction avant noire amenée par des miliciens s’arrêta devant le Poste (aujourd’hui — 2018 — une pharmacie), s’arrêta à l’angle de l’édifice. Un homme (Vidal) était assis sur le toit de l’automobile. On lui passa une corde attachée à un réverbère. La voiture recula et Vidal demeura pendu. Comme il n’était pas mort, on réitéra l’opération. En vain. Un milicien abattit alors Vidal d’une balle dans la nuque. Les otages alignés contre un mur depuis le matin assistèrent à la scène. Les Allemands les libérèrent alors et tirèrent des rafales d’armes automatiques en direction de leurs jambes. Il n’y eut aucune victime parmi ces civils calmontais. Un milicien pendit un écriteau autour du cou de Vidal et un officier allemand menaça de représailles ceux toucheraient le corps. Celui-ci demeura exposé pendu pendant trois jours. Au bout de ce délai, les Allemands donnèrent l’autorisation de mettre en bière le corps de Vidal

Des quatre exécutions sommaires, trois, par arme automatique, furent le fait des militaires allemands. La quatrième, supervisée par eux, avec une macabre mis en scène, fut un des crimes de la Milice. La plaque qui figure sur la tombe de Vidal à Montauban (Tarn-et-Garonne) indique clairement que la Milice l’exécuta à Calmont.

À la suite de leur incursion à Calmont, les Allemands et le miliciens se rendirent à Saverdun (Ariège), bourg tout proche où ils savaient que la Résistance était présente. Ils ne purent, toutefois, mettre la mettre la main sur aucun résistant.

Ce fut la dernière intervention répressive de la division Das Reich dans la région toulousaine. Toutes les unités relevant de cette division qui y étaient encore en garnison prirent dès lors le chemin du front de Normandie.

Les plaques commémoratives :

Deux plaques commémoratives furent apposées à Calmont . Elles rappellent les événements du 16 juillet 1944 et honorent les victimes.

La première, sur l’arrête du mur de la pharmacie, porte l’inscription suivante : « Français. Ici, a été martyrisé et pendu par les nazis pour que vive la France René Vidal le 16 juillet 1944 ».

La seconde, est fixée sur le pignon d’une maison, rue du Four, au dessus d’une fontaine. L’inscription suivante agrémentée de deux vers de Lamartine en guise de conclusion y a été gravée : « La commune de Calmont à la mémoire des trois martyrs victimes de la barbarie nazie en ce lieu le 16 juillet 1944 Jean Ruiz, Henri Lanfant, Louis Calvet.
« Et ces vieux souvenirs demeurent au fond de nous
Qu’un site nous conserve et qu’il nous rend plus doux ». À proximité, sur une autre plaque est gravé le texte d’un récit des événements du 16 juillet 1944 à Calmont

Il y a aussi, à Calmont, une place du 16 juillet 1944.

CALVET Louis
LANFANT Henri
RUIZ Jean
VIDAL René

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article205408, notice Calmont (Haute-Garonne), 16 juillet 1944 par André Balent, version mise en ligne le 30 juillet 2018, dernière modification le 26 février 2020.

Par André Balent

Calmont (Haute-Garonne). Plaque commémorative de rue du Four
Calmont (Haute-Garonne). Plaque commémorative de rue du Four
Plaque commémorant l’exécution de Jean Ruiz, Henri Lanfant et Louis Calvet le 16 juillet 1944.
Calmont (Haute-Garonne), plaque commémorative de la rue du Four
Calmont (Haute-Garonne), plaque commémorative de la rue du Four
Plaque relatant les tragiques événements du 16 juillet 1944 à Calmont et les exécutions sommaires de Louis Calvet, Henri Lanfant, Jean Ruiz et René Vidal

SOURCES : Sources particulières des notices des trois résistants du groupe "Morhange". — Guy Penaud, La "Das Reich" 2e SS Panzer Division, préface d’Yves Guéna, introduction de Roger Ranoux, Périgueux, La Lauze, 2e édition, 2005, 558 p. [pp. 464-466, p. 548]. — La Dépêche, édition de la Haute-Garonne, 14 juillet 2011. — Site polices.mobiles fre.fr, consulté le 29 juillet 2018. — Site MemorialGenWeb, consulté le 30 juillet 2018.

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