COPFERMANN Émile

Par Lynda Khayat

Né le 3 juillet 1931 à Paris, mort le 5 avril 1999 à Paris ; journaliste, critique théâtral, directeur éditorial, essayiste, romancier ; militant de l’éducation populaire ; de sensibilité trotskyste, membre des Jeunesses socialistes, puis de l’UGS, enfin du PSU.

Émile Copfermann était le fils d’immigrés juifs roumains arrivés à Paris au début des années 1920 après avoir fui les pogroms dans leur pays d’origine. Son père, sympathisant socialiste, avait ouvert un commerce de maroquinerie, puis devint représentant à la suite de la crise des années 1930 ; sa mère, ouvrière à domicile en fourrure, travaillait pour l’atelier d’un cousin. Émile Copfermann acquit la nationalité française par déclaration en mai 1937. Demeurant avec ses parents, rue des Filles du Calvaire, il grandit dans le quartier des Enfants rouges, avec ses frères Lucien et Willy, en compagnie d’une grand-mère arrivée de Roumanie, ne parlant pas le français et à la mort de laquelle ils allèrent pour la première et unique fois à la synagogue. Élève de l’école de la rue de Turenne, il allait au patronage laïc de son quartier, appartenait au mouvement scout, les Éclaireurs de France, et passait le temps des vacances en placements familiaux à Troo, Ruissottes, Chitenay ou La Ferté-sous-Jouarre.

Au moment de la débâcle en 1940, l’école les fit évacuer quelque temps de Paris vers une région éloignée des champs de bataille, à Chitenay, au sud de Blois, chez les Morin, un couple de retraités. Sous l’Occupation, contraint au port de l’étoile jaune, Émile Copfermann fut séparé de ses parents arrêtés par la police française le 24 septembre 1942. Conduits le jour même à Drancy, ils furent déportés le lendemain à Auschwitz, où ils trouvèrent la mort. Caché alors avec ses frères chez un oncle boulevard Voltaire, il trouva ensuite refuge à la campagne, au Pressoir, près de Boutigny, chez la famille Bodin, à qui sa tante Aronov, la sœur de sa mère, versait une pension. Elle les fit baptiser, son jeune frère et lui, en janvier 1943 et lui fit faire sa communion en juillet de la même année. Après la libération de Paris, leur tante les prit chez elle, dans son atelier de la rue La Fayette, en attendant le retour de leurs parents et il effectua la rentrée scolaire à l’école de la rue des Petits-Hôtels.

En septembre 1945, lorsqu’il s’avéra que leurs parents ne reviendraient plus, leur tante, à bout de ressources, décida de les placer, à Mesnil-le-Roi, dans la maison de l’Œuvre de secours aux enfants « Champfleurs », où leurs éducateurs juifs, souvent laïcs, ne leur imposèrent ni observances religieuses, ni culture autre que française. C’est là qu’un directeur du foyer lui fit découvrir le théâtre, qui devait être l’une des grandes passions de sa vie. Il travailla au plus tôt, ne poursuivant pas ses études, changeant souvent d’employeur et de métier, tantôt apprenti fourreur, tantôt aide-comptable, tantôt manœuvre. Après son départ de « Champfleurs », il se trouva une chambre de bonne à Paris et décida d’aller travailler en usine comme ouvrier fondeur. Il adhéra aux Jeunesses socialistes à l’âge de dix-sept ans et rejoignit l’Action socialiste révolutionnaire, groupe dissident de la SFIO, de sensibilité trotskyste. Dès 1949, il milita dans le mouvement des auberges de jeunesse et participa aux initiatives du réseau de la « Grande cordée » fondé par Fernand Deligny*, s’occupant de la jeunesse en difficulté. Également moniteur aux Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA), où il anima des stages de formation pour animateurs et dirigea de nombreuses colonies de vacances, il y rencontra à la fin des années 1950 Boris Fraenkel*, militant trotskyste-lambertiste, l’un des fondateurs de l’OCI, mais qui s’éloigna de cette mouvance dans les années 1960.

En 1952, après son service militaire, Émile Copfermann s’orienta vers le journalisme. Il fit la connaissance au Théâtre national populaire (TNP) en 1955 d’Antoine Vitez*, chargé du mensuel Bref des Amis du théâtre populaire, alors que lui-même assurait la responsabilité de la délégation de cette association de spectateurs, la seule en France ayant jamais eu de réelle existence. Il participa par la suite, toujours aux côtés de Vitez, à la rédaction de Cité-panorama, la nouvelle publication du TNP, transféré au Théâtre de la Cité à Villeurbanne, et travailla aussi avec lui à la rédaction de la revue Théâtre populaire, diffusant notamment les idées de Bertold Brecht.

De 1956 à 1958, il fut pigiste à France-Observateur pour la rubrique des spectacles. De sensibilité trotskiste, membre de l’Union de la gauche socialiste, il collabora à La Tribune du peuple de 1958 à 1960. Il milita ensuite au PSU et fut chargé, de 1961 à 1962, des questions culturelles et des problèmes de la jeunesse au sein de son organe de presse, Tribune socialiste.

Intellectuel engagé politiquement, militant du CAGI, de la Nouvelle Gauche puis de l’UGS, il rejoignit en 1962 le comité de rédaction de la revue Partisans, dont il fut secrétaire de rédaction, avant de devenir directeur éditorial des Éditions François Maspero, période au cours de laquelle il diffusa les idées du pédagogue Célestin Freinet* ainsi que de l’éducateur Fernand Deligny* et, sous l’influence de Boris Fraenkel*, celles du psychanalyste Wilhelm Reich et du philosophe Herbert Marcuse. En juin 1968, il préfaça l’opuscule intitulé Mouvement du 22 mars. Ce n’est qu’un début, le combat continue. Il collabora également aux Lettres françaises à partir de 1962, où il travailla alors au côté de Claude Olivier, rédigeant régulièrement des chroniques pour la rubrique théâtrale. Mais il en fut écarté en juin 1971, notamment pour avoir signé un appel en faveur du journal Politique hebdo créé par des communistes oppositionnels. Selon Pierre Daix*, c’est Roland Leroy*, alors responsable aux intellectuels, qui obtint sa tête, créant ainsi un véritable précédent puisqu’il se serait agi de la première fois où Aragon aurait accepté de se faire forcer la main.

Auteur d’essais et de romans, il créa en 1970 la revue Travail théâtral, définie comme une publication indépendante de réflexion sur le théâtre. À partir de 1980, il poursuivit son activité éditoriale chez Hachette et, en 1990, il rejoignit le secteur des documents chez Ramsay. Il se livra sur l’antenne de France Culture en mai 1989 à une série d’entretiens avec David Rousset*, auteur de L’Univers concentrationnaire et Les Jours de notre mort. En 1997, il publia le récit de son enfance et de sa jeunesse dans un ouvrage intitulé Dès les premiers jours de l’automne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20560, notice COPFERMANN Émile par Lynda Khayat, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 1er avril 2019.

Par Lynda Khayat

ŒUVRE : Marionnettes, jeux et constructions, Éd. du Scarabée, 1960, 71 p. — La Génération des blousons noirs, problèmes de la jeunesse, F. Maspero, 1962, 229 p. — Roger Planchon, Lausanne, la Cité, 1969, 315 p. — Le Théâtre populaire, pourquoi ? Suivi de la Sorbonne du théâtre ; Et si ce n’était pas Vilar ; Le Théâtre, l’État et les autres, F. Maspero, 1969, 216 p. — La Mise en crise théâtrale, F. Maspero, 1972, 253 p. — Le Petit homme de la jeunesse a cassé son lacet de soulier, F. Maspero, 1975, 211 p. — Vers un théâtre différent, F. Maspero, 1976, 190 p. — De Chaillot à Chaillot (en collaboration avec A. Vitez), Hachette, 1981, 224 p. — Les Patries buissonnières, Lausanne, l’Âge d’homme, 1982, 237 p. — Mélodie, Lausanne, l’Âge d’homme, 1983, 162 p. — Pêcheurs d’ombres, Ramsay, 1984, 298 p. — L’Arpenteuse, Ramsay, 1986, 344 p. — L’Exposition de 1989, journal, Ramsay, 1988. — Le Grand magasin de Monsieur Fourier, Seghers, 1990, 225 p. — David Rousset, une vie dans le siècle : fragments d’autobiographie (en collaboration avec David Rousset), Plon, 1991. — Schmildrake s’en va en guerre, Lausanne, l’Âge d’homme, 1995, 141 p. — Dès les premiers jours de l’automne, Gallimard, 1997, 213 p. — Conversations avec Antoine Vitez (précédemment paru sous le titre De Chaillot à Chaillot), POL, 1999, 257 p.

SOURCES : Arch. Nat. 19940508 art. 555 Fichier central de la Sûreté Nat. ; Natural. 19770850 art. 74 BB__ 7347 DX 37 Copfermann Émile ; F 9 art. 5609 Fichier fam. de la PPo. de la Seine, F 9 art. 5637 Fichier indiv. de la PPo. de la Seine, F 9 art. 5686 Fichier du camp de Drancy ; min. de l’Int. 19920032 art. 5 dos. 21629 Copfermann Émile. — Entretien radiophonique sur France-Culture de Gilles Lapouge avec Émile Copfermann, 19 mai 1980. — Le Monde, 4 août 1973, 8 et 9 avril 1999. — Libération, 8 avril 1999. — G. Poujol, M. Romer, Dictionnaire biographique des militants XIXe-XXe siècles. De l’éducation populaire à l’action culturelle, l’Harmattan, 1996, p. 92-93. — Laurent Mucchielli, préface inédite à l’édition de 2003, in Émile Copfermann, La Génération des blousons noirs, Problèmes de la jeunesse française, La Découverte, 2003, 2e éd. (1re éd. 1962), coll. « [Re]découverte, sciences humaines et sociales », p. I-XVII. — Fonds privé photographique de Jacqueline Copfermann.

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