GUICHE Gabriel, Sylla dit Christian

Par Jacques Defortescu

Né le 24 novembre 1927 à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) ; mort le 12 septembre 2022 ;résistant, militant syndical à la CGT, au Parti communiste Français, aux Anciens Combattants (ARAC, ANACR),

Gabriel GUICHE et les Anciens Combattants devant la Préfecture de Bobigny le 4 novembre 2010
© Françoise Guiche

Gabriel Guiche était fils de Jules Etienne Guiche, cordonnier bottier, trésorier de la société de musique « L’indépendante » à Castelsarrasin et d’Ille Léonie, dame de compagnie puis femme de ménage.
Gabriel Guiche eut une sœur et un frère : Louise Ille, née en 1917 (ou 1918) à Toulouse et Marcel Guiche, né le 14 septembre 1920 à Castelsarrasin ;magasinier à l’EDF, syndicaliste CGT et militant communiste dans sa ville (Tarn-et-Garonne). En 2006, il témoignait encore de son expérience du Front populaire lors d’un colloque organisé par l’UD-CGT à Montauban (Tarn-et-Garonne).
Rescapé de la Bataille de la Somme en 1916, le père de Gabriel Guiche avait eu les poumons endommagés par les gaz asphyxiants, ce qui, le reste de sa vie l’empêcha de dormir en position allongée tant il souffrait. Cette blessure et la mort de son oncle Jean, porté « disparu » dans l’enfer de Verdun, ont contribué à lui faire haïr la guerre.
Gabriel Guiche avait dix ans au moment de la guerre d’Espagne. Des trains de réfugiés espagnols arrivaient en France et s’arrêtaient parfois quelques minutes en gare de Castelsarrasin. Son frère et lui se joignaient au « Secours Rouge » pour leur offrir nourriture et médicaments. La vision de ces pauvres gens fuyant le franquisme a marqué Gabriel et a contribué à lui forger sa conviction de « ne jamais accepter l’inacceptable ».
Gabriel Guiche fut apprenti boulanger chez Mr Dufaur à Castelsarrasin. Entré en résistance en mars 1943, il quitta son emploi pour s’engager dans l’illégalité en mai 1944
En effet, fin 1942, les troupes allemandes avaient investi la zone libre, notamment le Sud-Ouest. Dans la caserne de Castelsarrasin, une partie de la sinistre division Das Reich s’installa. Dans les rues, résonnèrent les chants nazis. Chaque soir, c’était le couvre-feu. Gabriel était exaspéré par leur présence. Son frère lui fit remarquer que « râler ne fait pas de mal aux allemands » et lui proposa de « faire quelque chose ». En mars 1943, un rendez-vous secret avec un militant clandestin fut fixé dans une étable, dans la plaine du Tarn. Il s’y rendit avec ses amis, Loubatière et Verdier. Le 1er groupe de trois était créé dont il eut la responsabilité. On lui attribua alors le pseudonyme de « Christian ».
De mars 1943 jusqu’en mai 1944, date à laquelle il rentra dans la clandestinité, Gabriel Guiche eut pour mission de diffuser des tracts, d’accompagner des groupes la nuit pour actes de résistance, d’écrire sur les murs, dans les toilettes publiques des slogans anti-allemands, anti Pétain, pro résistance, pro Armée Rouge. Il fut remarqué par ses résultats et par la création de plusieurs groupes de trois à Castelsarrasin et dans les environs.
En mai 1943 : il adhéra à la Jeunesse Communiste (JC) et aux Forces Unies de la Jeunesse Patriotique (FUJP) ; En août 1943, il fut officiellement rattaché au FTPF -FFI jusqu’en août 1944.
En mai 1944, on lui demanda de partir à Marmande et de remplacer un camarade qui venait d’être arrêté ; il accepta. Il écrivit une lettre à ses parents où il les informa qu’il rentrait dans l’illégalité. Il demanda à sa belle-sœur Alice (son frère Marcel étant déjà parti dans la clandestinité) de leur remettre le courrier deux heures après son départ. C’était un dimanche après-midi. Il embrassa ses parents, sans effusion pour qu’ils ne se doutent de rien et leur dit simplement qu’il allait au cinéma, puis de la rue, récupéra sa valise cachée derrière les volets de sa chambre et prit le train à la gare de Castelsarrasin.
Lorsque Alice remit la lettre à ses parents deux heures plus tard, ils furent anéantis, leurs deux fils ayant rejoint la clandestinité …
À Marmande, il fut chargé de monter un réseau régional de groupes de trois.
Cela voulait dire changer de lieu constamment et vivre dans la crainte de la dénonciation et de la torture.
Du Lot-et-Garonne jusqu’aux Pyrénées, en passant par Toulouse, il recruta plusieurs adhérents à la Jeunesse Communiste et aux FUJP, et contribua à la création de groupes de trois.
Après le débarquement de juin 1944, il participa à la fin des combats de la libération de Tarbes au mois d’août. « C’était le plus beau jour de ma vie. C’est là que j’ai vraiment goûté ce que cela signifiait d’être libre, de ne plus avoir peur. » dira -t-il lors de ses nombreux témoignages sur la résistance et ses valeurs, dans les écoles primaires, collèges et lycées de la région parisienne.
En 2018 notamment, il est intervenu dans un lycée à Villemomble dans le cadre de la préparation des élèves au concours national de la résistance et de la déportation et, au cinéma Le Bijou à Noisy-le-Grand, dans un débat sur l’engagement en résistance, avec des élèves de 3ème de plusieurs collèges de la ville et de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne).
En août 1944 il fut nommé responsable régional clandestin de la jeunesse communiste et des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique du Lot et Garonne, Toulouse-ville, Pyrénées Atlantiques, Hautes Pyrénées. Puis jusqu’en septembre 1944 membre du secrétariat de la Jeunesse Communiste des Hautes Pyrénées.
A la Libération, de 1945 à 1953, Gabriel Guiche fut métallurgiste à la Compagnie Française des Métaux à Castelsarrasin, responsable syndical, membre du secrétariat du syndicat CGT, du Conseil National de la fédération des métaux CGT, et membre du secrétariat de l’Union départementale CGT du Tarn-et-Garonne. Il fut licencié en 1953. Il était également depuis 1945,membre du bureau de la Fédération PCF du Tarn et Garonne et secrétaire de la section PCF de Castelsarrasin jusqu’en 1953.
Il devint alors journaliste au quotidien Le Patriote du Sud -Ouest jusqu’en 1956. La famille s’installa à Toulouse. Le journal ayant de grandes difficultés financières, le salaire de Gabriel Guiche était trop bas pour nourrir sa famille, son épouse Léa, ne trouvait pas de travail, il passa alors un examen à la RATP et fut embauché comme poinçonneur, puis passa les concours de chef de train, puis chef de manœuvre et enfin conducteur de métro. Il habita Aubervilliers de 1956 à 1982 puis quitta la région parisienne pour vivre à Saint-Vincent-Rive-d’Olt (Lot) pour sa retraite. En 1988, il revint s’installer à Castelsarrasin qu’il quitta en 1991 pour Noisy-le-Sec et en décembre 2017 s’installa à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis).
De 1956 à 1980 il fut employé à la RATP. Très vite il y prit des responsabilités syndicales. D’abord, secrétaire de la section syndicale « Église de Pantin » sur la ligne 5, puis membre du bureau du syndicat CGT de l’ensemble du réseau du métro puis au secrétariat comme détaché permanent. Il devint secrétaire général du syndicat CGT du Métro en 1971 jusqu’en 1980, date de son départ en retraite.
La grève des conducteurs de métro en 1971 a été un élément marquant dans sa vie de dirigeant de la CGT RATP. Après trois semaines d’un conflit catégoriel, il fallut demander aux salariés de reprendre le travail car le pouvoir en place prenait des dispositions anti-grèves pour l’ensemble des salariés du pays.
Lorsque ses camarades fêtèrent la Légion d’Honneur de Gabriel Guiche en 2011, le Secrétaire général du syndicat CGT RATP Jacques Eliez, dira de Gabriel : « Il lui a fallu du courage, de l’abnégation, de l’énergie afin de convaincre sans jamais avoir peur de l’affrontement d’idées et de la colère de certains qui ont vu là l’occasion de dénoncer des responsables syndicaux qui, selon eux, trahissaient la lutte. Devant une salle comble, il commença son intervention par une citation de Jaurès : « le courage c’est de chercher la vérité et de la dire ». Ce sont des hommes et des femmes de sa trempe qui ont permis à rendre possible l’action syndicale des générations d’aujourd’hui »
En 1980 jusqu’en 1991, ayant pris sa retraite, revenant vivre dans sa région d’origine à Saint–Vincent-Rive d’Olt (Lot), puis de nouveau à Castelsarrasin, - Il devint secrétaire des sections syndicales des retraités CGT de la RATP du Lot et du Tarn-et-Garonne, tout en continuant activement à militer au PCF. En 1991, il retourna définitivement en région parisienne, à Noisy-Le-Sec où il fut membre du comité de section du PCF jusque fin 2017. De 1991 à 2005, il fut membre de la commission exécutive de l’Union Syndicale CGT des Retraités de la RATP où il occupa respectivement des responsabilités de 1991 à 1995 comme membre du secrétariat, puis de 1995 à 2000 comme membre du bureau
À partir de 1992, Gabriel Guiche eut des responsabilités associatives importantes dans le mouvement des Anciens Combattants, et plus particulièrement à l’Association Républicaine des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ARAC) de Noisy-le-Sec, comme président, puis en 2005 comme président honoraire.
Dès 2001, il fut élu Vice-président de l’ARAC de Seine-Saint Denis.
De 1995 à 2015, il exerça des responsabilités à l’Union départementale des Associations de Combattants et Victimes de Guerre de la Seine-Saint-Denis (UDAC) où il fut tour à tour au secrétariat (1995 à 1998 , secrétaire général (1998 à 2001), puis président (de 2001 à 2015) Il était encore élu au conseil national de l’ARAC en 2018.
Depuis 2004, membre du bureau national de l’Union Française des Associations des Combattants et Victimes de Guerre et de sa commission permanente des Affaires internationales.
Depuis 2004 il est vice-président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ONAC) et Président de sa commission mémoire, poste qu’il exerçait encore en 2018.
Depuis 2003, membre du Jury départemental du Concours national de la Résistance et de la Déportation.
Fin 2017, quittant Noisy-le-Sec pour habiter Noisy-le-Grand (93), il devint l’un des Présidents de la section locale de l’ANACR.
Éliane Assassi, sénatrice de Seine-Saint-Denis, avait proposé Gabriel Guiche pour l’obtention de la Légion d’Honneur. Il était alors Président de l’UDAC qui comprenait, à l’époque, près de 18 000 adhérents dans le département de Seine-Saint-Denis. Mais ce fut sur la proposition de M. Laurichesse, Directeur de l’Office Départemental des Anciens Combattants, que le Préfet Lambert (sous la présidence de Nicolas Sarkozy) le fit chevalier de la Légion d’Honneur le 11 novembre 2010 sur l’Esplanade de la Préfecture de Bobigny. Gabriel Guiche n’a pas arboré sa médaille avant le 12 février 2011, date à laquelle ses camarades du PCF, de la CGT, de l’ARAC organisèrent en son honneur une réception dans la salle des Fêtes de Villepinte.
Le 25 avril 1946, Gabriel Guiche avait épousé Léa Chaumereuil. De ce mariage naquit deux enfants : Christian né le 9 septembre 1946 à Moissac (Tarn-et-Garonne) et Françoise née le 17 septembre 1951 à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne)
Gabriel Guiche est mort le 12 septembre 2022 à l’hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne dans le Val de Marne suite à une infection pulmonaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article205623, notice GUICHE Gabriel, Sylla dit Christian par Jacques Defortescu, version mise en ligne le 8 août 2018, dernière modification le 15 septembre 2022.

Par Jacques Defortescu

Gabriel GUICHE et les Anciens Combattants devant la Préfecture de Bobigny le 4 novembre 2010
© Françoise Guiche

SOURCES : Informations données par la fille de Gabriel Guiche, Françoise Guiche en juillet/aout 2018. — « Le pouvoir politique et médiatique à Toulouse de la libération au face à face Dépèche- Baudis » par P. Lacassagne -doctorant au centre d’histoire culturel des sociétés contemporaines, Université de Versailles/St Quentin paru dans la revue Le temps des Médias n° 7

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