Par André Balent
Né le 11 septembre 1911 à Leipzig (Saxe, Allemagne) d’après l’état civil de Courtauly (Aude), le 11 novembre d’après d’autres sources, mort exécuté sommaire le 27 juillet 1944 à Courtauly (Aude) ; tailleur d’habits à Darmstadt (Hesse, Allemagne) puis en Sarre ; militant du KPD (Parti communiste d’Allemagne) puis des DAS Deutsche Anarchosyndikalisten (Anarcho-syndicalistes allemands) ; volontaire en Espagne (colonne confédérale « Durruti ») pendant la guerre civile ; déserteur de la Wehrmacht ; résistant de l’Aude (maquis « Faita » des FTPF)
Le site militants-anarchistes.info (op.cit.), le nomme « Helmuth Thomas », inversant le nom et le prénom et modifiant l’orthographe de ce dernier. Mais partout ailleurs (sources imprimées, autres sites Internet, monument commémoratif du col de la Flotte, Aude), il s’agit de « Thomas » (prénom) et de « Helmut » (patronyme). Les gimémologues donnent par ailleurs son second prénom, « Richard ». L’état civil de Courtauly le nomme de façon erronée ""Helmut" avec le seul prénom de "Thomas". Il le fait naître à "Leipsick" (autre graphie ancienne de Leipzig en français) localité qu’il situe aussi de façon erronée en Sarre au lieu de la Saxe. Le fait qu’il ait résidé en Sarre après la prise du pouvoir par les nazis est sans doute à l’origine de cette confusion.
Né en Saxe, Thomas Helmut s’installa à Darmstadt, la capitale de la Hesse où il exerça le métier de tailleur (salarié ou à son propre compte ?). Il y connut sa compagne Regina Cornfeld. Il milita au KPD et au Rotfrontkampfferbund (RFB). Après la prise du pouvoir par les nazis, il émigra en Sarre. Il fit partie du Saarsturm, organisation de lutte anti-nazie sarroise. Il y devint anarcho-syndicaliste et adhéra aux DAS. Après le referendum du 13 janvier 1935 qui entérina le rattachement de la Sarre à l’Allemagne nazie, il s’installa en France pour quelques mois.
En juillet 1936, Thomas Helmut était à Barcelone. Y était-il venu pour les Olympiades prolétariennes ou y accourut-il après l’échec, dans cette ville, du coup d’État du 18 juillet 1936 ? Le fait est qu’il intégra les centuries des « internationaux » (ou « groupe international ») de la colonne formée par la CNT (Confédération nationale du Travail) et la FAI (Fédération anarchiste ibérique). Il y côtoya Simone Weil. Pourtant sa participation au combat des FTPF de l’Aude en 1944 et le fait qu’il ait côtoyé des communistes français chevronnés ont contribué à répandre l’idée qu’il avait été un volontaire des Brigades internationales. Un historien aussi fiable que Julien Allaux l’a malheureusement reprise dans son livre (op.cit, 1986), ouvrage de référence sur la Résistance audoise.
Pendant la campagne de l’été puis de l’automne de 1936 en Aragon, Helmut participa ; à la prise de Siétamo (province de Huesca, Aragon) du 31 août au 12 septembre ; le 8 octobre, au combat de Farlete (province de Saragosse, Aragon) dans la région aride des Monegros, au nord de l’Èbre, à 31 kilomètres à l’est de Saragosse.
Entre le 3 et le 7 mai 1937, eurent lieu à Barcelone de violents affrontements entre d’une part les miliciens de la CNT et de la FAI appuyés par ceux du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) et les forces de la Generalitat appuyées par l’UGT (Union générale des travailleurs) et les milices du PSUC (Parti socialiste unifié de Catalogne, communiste) et d’Estat català, parti nationaliste et indépendantiste catalan. Dans cette « guerre civile dans la guerre civile », les anarchistes et les poumistes subirent un revers. Thomas Helmut participa aux combats dans les rangs anarcho-syndicalistes. Arrêté après la fin des combats, il fut, selon certaines sources, expulsé d’Espagne en 1938 et s’établit en France. Pourtant, les Giménologues (site, op.cit.) assurent, sans doute à tort, qu’il ne rentra en France qu’au moment de la Retirada en février 1939.
Si l’on suit la première version — la plus vraisemblable — , rentré en France, il y fut arrêté en mai 1938 et condamné à six mois de prison (par quelle juridiction ?). Libéré, il vécut, pendant la première partie de la Seconde Guerre mondiale à Pibrac (Haute-Garonne), une commune du grand Toulouse, à l’ouest de la ville rose. Après l’occupation de la zone sud par les forces du Reich, il fut dénoncé comme Juif et ne dut qu’au certificat d’aryanité envoyé par sa mère de n’être pas déporté. En revanche, il fut incorporé dans la Wehrmacht et envoyé combattre sur le front de l’est. Mettant à profit une permission, il déserta (1943) et revint en France, sans doute dans la région toulousaine. Clandestin, il réussit à intégrer, le maquis « Faïta » des FTPF dans l’Aude, à l’ouest de la petite ville de Limoux. Pendant l’été 1943, les FTPT audois avaient formé un petit maquis dans le Kercorb, région de collines dans le piémont des Pyrénées audoises. Implanté à Montjardin (Aude), à peu de distance du département de l’Ariège, ce maquis commandé initialement par Joseph Loupia alias « Blücher », prit le nom de « Gabriel-Péri ». Un groupe de ce maquis, stationné à Mijanès (Ariège) prit son autonomie et le nom de « Jean-Robert » (Voir Meyer Victor) avant de se re-localiser près de Salvezines (Aude). Le groupe resté à Montjardin changea de nom et s’appela désormais « Vincent-Faïta ». C’est ce maquis qu’intégra à la fin de 1943 Thomas Helmut.
Les 26 et 27 juillet, le maquis « Vincent-Faïta » fut décapité par les Allemands. Dénoncée, sa présence était connue, sans doute initialement par la Milice. Il était pourchassé par les militaires allemands et la Milice dans la région de Chalabre (Aude). Le commandement allemand du groupe d’armées G , installé à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne), donna l’ordre, après le 6 juin 1944, d’attaquer tous les maquis susceptibles d’entraver les communications militaires le long de l’axe Toulouse-Nîmes. L’anéantissement de « Vincent-Faïta », comme celui d’autres maquis indépendamment de leur affiliation, fut donc un des objectifs allemands. Un groupe de FTPF de ce maquis franchit donc l’Aude et se rendit en reconnaissance dans les Corbières, sur l’autre rive du petit fleuve, dans la vallée de l’Orbieu. Mais les Allemands parcouraient cette partie des Corbières, à la recherche du maquis de Villebazy, de l’AS. Ils tombèrent donc sur le détachement des FTPF. À proximité de Lairière (Aude), le chef du maquis Joseph Alcantara fut tué ainsi que deux autres FTP, Attilio Donati et Gaston Prat. Le chef adjoint de « Vincent-Faïta », André Riffaud, fut grièvement blessé. Conduit à Carcassonne, il expira le 30 juillet 1944. Un cinquième homme, Bourges, prisonnier fut incarcéré à la maison d’arrêt de Carcassonne. Le lendemain, le 27 juillet, à la recherche de « Vincent-Faïta », dans la région de Chalabre, trois cent Allemands avaient été dépêchés avec quinze camions depuis Foix (Ariège) afin d’accrocher et d’anéantir le maquis « Vincent-Faïta » qui se trouvait encore dans le secteur avant de s’installer dans le nouveau cantonnement des Corbières. Trois hommes (Louis Bages, André Laffon* et Jean Vernière) du maquis furent tués au col de la Flotte (commune de Sonnac-sur-l’Hers), à proximité de la limite avec l’Ariège. À la ferme du Planquet, à Courtauly (Aude), commune voisine de Sonnac, ils capturèrent Thomas Helmut et Fernand Prédal qui transportaient des courroies d’une batteuse sabotée. Ils furent exécutés d’une balle dans la nuque (pour le détail des combats et exécutions du col de la Flotte et de la ferme du Planquet, voir : Bages Louis). Mais d’après le registre de l’état civil de Courtauly, Thomas Helmut fut retrouvé, ainsi que Jean Vernière, sur la route de Chalabre au lieu dit « A Coustet », dans le territoire de cette commune.
Il fut inhumé (inconnu n° 1) dans le cimetière de Courtauly le 29 juillet 1944. Identifié ultérieurement, son nom, transformé en « Helmut » et son premier prénom furent transcrit en marge de l’acte de décès. La mention « Mort pour la France » attribuée à l’inconnu (provisoire) n°2 (Jean Vernière) ne figure pas en marge de l’acte. L’acte de décès indique qu’il mesurait 1, 63 m, avait des cheveux et une petite moustache blonds et allait nu tête. Il portait « une culotte courte de drap bleu marine, une chemise kaki, un gilet de velours à côtes même teinte. Des chaussettes sport en laine blanche roulées sur des chaussures basses ». Le corps de Thomas Helmut fut ré-inhumé le 8 novembre 1944 au cimetière de Limoux (Aude).
D’après Henry Melich, libertaire qui combattit dans les rangs du maquis (FTPF) audois « Jean-Robert » de Salvezines, et qui connut Thomas Helmut, ce dernier était un « garçon réservé et courageux ». Le nom de Thomas Helmut a été gravé sur le monument commémoratif du col de la Flotte avec celui des cinq autres victimes des accrochages de Sonnac-sur-l’Hers et de Courtauly.
Voir Courtauly et Sonnac-sur-l’Hers (Aude), col de la Flotte, 27 juillet 1944
Par André Balent
SOURCES : Arch. com. Courtauly, acte de décès de Thomas Helmut et mentions marginales. — Julien Allaux, La 2e Guerre mondiale dans l’Aude, Épinal, Le Sapin d’or, 1986, 254 p. [pp. 179-181]. — Dieter Nelles, Harald Piotrowski, Ulrich Linse, Carlos Garcia, Deutsche Antifascistinnen in Barcelona (1933-1939). Die Gruppe « Deutsche Anarchosyndikalisten » (DAS), Berlin, Verlag Graswurzelrevolution, 2013, 424 p. — Lucien Maury, La Résistance audoise (1940-1944), tome II, Carcassonne, Comité de l’histoire de la Résistance audoise, Carcassonne, 1980, 441 p. [pp. 255-256, p. 395]. — Henri Melich, À chacun son exil. Itinéraire d’un militant libertaire espagnol, préface de Tomas Ibañez, La Bussière, 2014, 223 p. [pp. 58-59]. — La Voix libertaire, 384, septembre 1938. — La Dépêche, édition de l’Aude, rubrique de Sonnac-sur-l’Hers, 25 septembre 2017. — Site gimenologues.org consulté le 9 août 2018. — Site militants-anarchistes.info, consulté le 9 août 2018. — Site maquisftp-jean robert-faita.org consulté le 9 août 2018.