COQUEL Gaston. Pseudonyme à l’ELI : RUDE Jean

Par Yves Le Maner, compléments de Claude Pennetier

Né le 4 janvier 1901 à Roubaix (Nord), mort le 2 avril 1983 à Arras (Pas-de-Calais) ; ouvrier tisserand, puis métallurgiste (nickeleur, polisseur sur métaux), enfin voyageur de commerce ; militant syndicaliste et communiste du Pas-de-Calais et du Nord ; secrétaire de la première Entente des Jeunesses communistes (Nord-Pas-de-Calais-Somme) de 1926 à 1928 ; secrétaire de la région Nord du PC (1928-1930) ; élève de l’École léniniste internationale de septembre 1930 à février 1933 ; secrétaire national de la Jeunesse communiste (1933) ; secrétaire adjoint de l’Union départementale CGT (1936-1939), puis secrétaire général du canton de Cambrai (1945-1949) ; député du Pas-de-Calais (1956-1958).

Le père de Gaston Coquel fut d’abord ouvrier agricole au Transloy, près de Bapaume (Pas-de-Calais) avant de revenir à Roubaix, sa ville d’origine, pour y trouver un emploi plus stable dans le Textile. Sa mère était également tisserande.
Le jeune Gaston connut très tôt les difficultés de la condition ouvrière, sa mère étant bientôt devenue veuve avec quatre enfants en bas âge à sa charge. Sa situation s’améliora cependant à la veille de la guerre grâce au remariage de sa mère avec un ouvrier flamand belge, un actif militant de la section roubaisienne du Parti SFIO qui témoigna une grande affection à ses enfants d’adoption et qui les initia très précocement à la lecture de la presse socialiste. Entré au tissage à l’âge de douze ans après avoir obtenu son certificat d’études primaires, Gaston Coquel fut réduit au chômage dès les premiers mois de la guerre de 1914-1918, les usines roubaisiennes ayant été fermées. Réquisitionné par les troupes allemandes en 1916, il fut l’un de ces « brassards rouges » utilisés par l’occupant pour accomplir de dures besognes (réfection des routes, creusement de tranchées) à l’arrière des lignes. Transféré dans les Ardennes, il put revenir à Roubaix en 1917 mais il subit un nouvel enrôlement forcé au bout de quelques mois. À l’annonce de l’armistice, entraîné par le flot du repli allemand, il se trouvait à Anvers, et ce fut là qu’il assista aux grands meetings organisés par les soldats en insurrection dans le parc zoologique de la ville. Cette explosion révolutionnaire impressionna fortement le jeune homme et contribua à sa prise de conscience idéologique.
Rapatrié en France fin 1918, il quitta Roubaix en mars 1919 pour s’embaucher comme polisseur sur métaux à l’usine « L’horlogerie de Béthune » (Pas-de-Calais). Adhérant de la CGT, très actif pendant les grèves de 1919 et de 1920, Gaston Coquel assuma les fonctions de trésorier du syndicat des Métaux de Béthune jusqu’à son départ au service militaire (effectué au XIe Régiment d’aviation de Metz) en avril 1921.
Peu après sa Libération, il adhéra au Parti communiste (mars 1923) et à la CGTU ; il avait déjà appartenu au Comité d’adhésion à la IIIe Internationale de Béthune en 1920. Secrétaire, puis trésorier du syndicat unitaire des Métaux de Béthune, il entra au bureau de l’Union locale ; il devait conserver ces fonctions en principe sinon en réalité (voir infra) jusqu’à la réunification syndicale de 1935.
En effet, Gaston Coquel consacra l’essentiel de son action militante au Parti communiste et il fut rapidement amené à assumer des tâches dirigeantes au niveau régional puis au niveau national, qui l’obligèrent à quitter Béthune pour de longues années. Secrétaire des Jeunesses communistes de cette ville depuis 1923, il se plaça dans la mouvance de Maurice Thorez, alors que ce dernier dirigeait la fédération communiste du Pas-de-Calais, et bénéficia de son ascension au sein du PC. En 1925, après un séjour de quelques mois à l’école centrale du Parti à Clichy où il fit la connaissance d’Arthur Ramette*, Coquel fut nommé au comité régional Nord des JC à Lille. Au début de l’année 1926, il fut désigné pour occuper les fonctions de secrétaire permanent de la 1re Entente des Jeunesses, son prédécesseur ayant été emprisonné pour propagande antimilitariste. La 1re Entente, qui correspondait à la Région Nord du PC, englobait les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme et comptait alors environ 1 500 adhérents. Il accéda du fait de son nouveau titre au bureau régional de la CGTU au comité de la région communiste du Nord et au Comité central des JC, jouant un rôle important dans la campagne contre la guerre du Maroc aux côtés de François Billoux. Exécutant fidèle des consignes de la direction nationale et plus particulièrement de celles de Thorez, Coquel fut placé à la fin de l’année 1930 au poste de secrétaire régional du PC pour le Nord en compagnie d’Arthur Ramette. Dans une autobiographie rédigée en 1945 il donnait des dates différentes : « secrétariat région Nord PC (1928-1930) ». Les deux hommes furent chargés de reprendre en main l’appareil régional désorganisé par les « déviations » de Jacob et Jerram et d’appliquer avec fermeté la tactique « classe contre classe ». Ils procédèrent également à une mise au pas de la direction de l’Union régionale unitaire, au sein de laquelle Porreye* s’était opposé aux décisions prises au Comité confédéral.
Pendant les deux années qu’il passa au secrétariat régional, Coquel eut à diriger les grèves des militants unitaires du textile de la vallée de la Lys ce qui lui valut une incarcération de quelques jours à Lille.
Considéré par Thorez comme un cadre d’avenir au niveau national, il fut envoyé en URSS en septembre 1930 pour y suivre les cours de formation de l’École léniniste internationale. Il y séjourna environ deux ans et demi, à Léningrad et à Moscou, en compagnie notamment de C. Quinet, qui suivait une école d’un an, et de Waldeck Rochet, qui était arrivé quelques mois plus tôt avec le 3e contingent. Coquel appartenait au 4e contingent, pour une durée de trois ans, avec Charles Fréchard*, René Uni* et Raymond Meunier*.
À son retour en février 1933, il fut chargé d’assurer l’intérim de Raymond Guyot, alors emprisonné, au poste de secrétaire national des Jeunesses communistes alors que cette organisation était en pleine crise. En mars 1933, Coquel était coopté par Thorez et Duclos comme secrétaire national, remplaçant officiellement Georges Charrière* suspecté de liaisons trotskystes ; il avait à ses côtés Jeannette Vermeersch*. Mais, cette nomination fut de courte durée en raison d’une violente opposition émanant d’André Marty* qu’il avait connu pendant son séjour en URSS. Dès mai 1933 Coquel et J. Vermeersch repartaient pour Moscou où ils furent l’objet d’un procès en règle avec Marty comme procureur, Chemodanov jouant le rôle d’arbitre. En cette circonstance, Marty lui rappela durement son passage par l’ELI : « Pas de responsabilité, toi que le comité central du Parti a envoyé à son École léniniste ! Tu aurais dû profiter au moins de ce que tu as appris ! Qu’est-ce que c’est ces façons de ne pas oser prendre ses responsabilités ? [...] Quand on est passé par une école centrale léniniste, on doit être capable de comprendre une résolution aussi claire que celle publiée ; seulement il faut vouloir comprendre. » (André Marty, La jeunesse, enjeu du combat de classe, discours prononcé au présidium de l’ICJ, juin 1933, Les publications révolutionnaires).
Coquel fut en fait démis de ses fonctions à cette occasion, même s’il les conserva en théorie jusqu’au congrès annuel des JC de 1933. Revenu à Béthune, G. Coquel exerça divers métiers avant de trouver un emploi stable de représentant de commerce.
Il assista pour la dernière fois à un congrès national des JC en février 1934 et se contenta dès lors d’un rôle régional. Membre du comité de l’Union régionale unitaire aux côtés de Bourneton, il fut l’un des quatre unitaires à entrer à la commission administrative de l’Union départementale CGT du Pas-de-Calais (au sein de laquelle dominaient 21 ex-confédérés) à l’issue du congrès de réunification de décembre 1935. Quelques mois plus tard, il accéda en compagnie de l’ex-confédéré Carpentier au poste de secrétaire adjoint permanent de l’UD, fonctions qu’il conserva jusqu’à l’exclusion des anciens dirigeants unitaires en 1939.
Candidat du PC aux élections législatives de 1936 dans la 4ecirconscription de Béthune, Gaston Coquard se désista au second tour en faveur du socialiste Cadot qui fut élu. Très actif pendant les grèves de juin 1936, il participa à la rédaction de près de soixante conventions collectives. Outre sa candidature aux législatives de 1936, Coquel représenta le PC à diverses élections : tête de liste aux municipales de 1935 à Béthune, cantonales à Béthune-Nord en 1934 et 1937, il avait également fait partie de la liste du PC aux municipales de 1929 à Lille. Dans la période de l’entre-deux-guerres, il assista à de nombreux congrès : de la CGTU (Bordeaux, 1933), de la CGT (Toulouse, 1936 ; Nantes, 1938) et du PC (Lille, 1926 ; Saint-Denis, 1929 ; Villeurbanne, 1936 ; Arles, 1937).
Mobilisé en septembre 1939, Coquel apprit, indirectement, par la presse son exclusion de la CGT pour être resté fidèle au PC. Il raconte lui-même cet épisode : « J’étais secrétaire adjoint de l’UD du Pas-de-Calais. Mobilisé le 26 août, ne pouvant participer à la CA, convoqué arbitrairement pour le 28 août, j’ai adressé une lettre fixant ma position. Sur 25 membres français (s’ajoutant 2 délégués MOI) nous étions 11 membres du PC élus au dernier congrès de l’UD des syndicats tenue en avril 1939. À la majorité (14 administrateurs faisant partie du Parti socialiste) nous fumes exclus. Mais un (Robert Delors, du rayon Boulogne) qui s’abstint avec moi fut exclu entre autres : Paul Carron, actuellement adjoint communiste à Béthune et également membre suppléant du Bureau fédéral du PC et secrétaire de l’UD-CGT. Les exclusions furent à l’époque rendues publiques dans la presse régionale Échos du Nord ; Réveil du Nord, édition du Pas-de-Calais. Je n’ai pu à ce jour me les procurer. » (autobiographie de 1945). Affecté dans le bassin minier puis à Ferrières-la-Grande (Nord) où il retrouva Félix Cadras, il fut ensuite transféré à Toul, puis à Chartres et enfin à Cambrai. Il fut fait prisonnier par les Allemands, le 23 mai 1940, près d’Amiens et fut interné pour le reste de la guerre dans un stalag de Prusse Orientale (prisonnier de guerre matricule 21104, IB Homstein Prusse orientale) d’où il ne parvint pas à s’évader malgré plusieurs tentatives. Libéré par l’armée soviétique le 21 janvier 1945, il fut dirigé sur l’Ukraine où il se mit à disposition de la direction militaire du camp, s’occupa de la propagande avec Michel Rius (de la Fédération de l’agriculture), créa un groupe France-URSS, et s’occupa du rapatriement des sept mille prisonniers français placés en transit au camp de Berdidchev. Michel Rius* et 99 militants étaient rentrés en France le 20 mai à la demande du parti, lui resta jusqu’au 11 juillet.
Peu après son retour en France, il fut élu conseiller général du canton de Cambrin, mandat qu’il devait détenir jusqu’en 1949. Nommé secrétaire général de l’Union départementale des syndicats CGT du Pas-de-Calais en 1946, il fut appelé à s’occuper plus spécialement des problèmes miniers et mena avec ses troupes une violente campagne contre l’institution de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Il fut désigné au bureau du conseil d’administration de la Sécurité sociale de l’arrondissement de Béthume et en fut le premier président.En 1947, il s’était opposé aux méthodes de « jusqu’au-boutisme » de Lecœur lors de la grande grève des mineurs.
À la mort de René Camphin*, en 1954, il fut désigné par le PC comme candidat à l’élection partielle organisée pour pourvoir le siège de député devenu vacant ; il recueillit 40 % des suffrages exprimés. Il demanda peu après à être relevé de ses fonctions de secrétaire de l’Union départementale des syndicats pour se consacrer uniquement à l’action politique et il quitta son siège au CCN de la CGT. Il fit alors campagne en vue des législatives partielles organisées à la mort de Camphin, mais fut devancé par le socialiste Delabre. Coquel reprit pendant quelques mois la direction de l’UD, choisit son successeur (Kléber Baralle), puis prit le secrétariat de la Fédération communiste du Pas-de-Calais (1955-1956). Élu député de la 1re circonscription d’Arras en 1956, il perdit son siège au profit du candidat gaulliste en 1958. Il se présenta ensuite sans succès aux consultations de 1962, 1967 et 1968.
Membre du conseil municipal d’Arras depuis 1971 (sur une liste d’entente à majorité socialiste), Gaston Coquel ne se représenta plus en 1977, et prit sa retraite politique, conservant une activité militante en tant que président de l’Association départementale des vétérans du PC et membre du Bureau national en 1980.
Marié, il avait deux enfants, nés en 1931 et 1946.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20576, notice COQUEL Gaston. Pseudonyme à l'ELI : RUDE Jean par Yves Le Maner, compléments de Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 21 avril 2019.

Par Yves Le Maner, compléments de Claude Pennetier

Gaston Coquel (à gauche) avec Maurice Thorez.

SOURCES : Arch. Dép. Nord, M 37/80, M 154/191, M 195 B<, M 154/201B et C. — Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 182 et M 5304. — Arch. comité national du PCF. — Arch. RGASPI, Moscou, 495 255 200 : dossier personnel ; 517 1 990. — L’Humanité, 28 février 1980. — Cahiers Maurice Thorez, n° 3-4, octobre 1966-mars 1967. — A. Pocquet, mémoire de maîtrise, Lille III, 1968. op. cit. — J.-M. Lemaire, mémoire de maîtrise, Lille III, 1973, op. cit. — Entretiens avec G. Coquel en février 1979. — Le Monde, 5 avril 1983.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable