VARÈSE Bernard, Fortuné, Joseph

Par Gérard Leidet

Né le 1er septembre 1879 à Toulon (Var), mort le 23 décembre 1948 à Nice (Alpes-Maritimes) ; instituteur à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; militant amicaliste puis syndicaliste, secrétaire général de la section départementale du SNI des Bouches-du-Rhône (1924-1926), secrétaire de la Bourse du Travail de Marseille.

Ses parents étaient d’origine italienne. Sa mère, Josèphe, Marie Fornarina, était sans profession ; son père, Charles, Louis, Bernard Varèse, était « marchand de comestibles » à sa naissance. Il devint ouvrier aux constructions navales à Toulon, puis fut représentant de commerce à Marseille. Dès 1907, il était président de l’association des représentants et voyageurs de commerce de la cité phocéenne et de la société de secours mutuels. En 1934, il était encore membre ouvrier du Conseil des prud’hommes de Marseille, après plus de 60 ans de services.

Après des études à l’École normale d’instituteurs d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Bernard Varèse fut nommé instituteur dans le département en 1899. Prénommé Fernand, Fortuné, Joseph dans son livret militaire, il effectua son service militaire dans l’Infanterie, de novembre 1900 à novembre 1901, fut mis en disponibilité sous réserve d’accomplir des périodes durant les vacances scolaires et fut promu lieutenant de réserve en 1909.

Il devint directeur d’école dès 1906 à Aix. Il obtint cette année la médaille de chevalier du Mérite agricole pour services rendus à l’enseignement agricole. Il suivait alors « avec un intérêt ardent » les réunions du Cercle des instituteurs et de l’Amicale Union et association pédagogique, laquelle allait fusionner ensuite, au début des années vingt, avec le Syndicat de l’Enseignement, donnant naissance au Syndicat national des institutrices et instituteurs publics. Il écoutait avec ferveur ses « aînés en amicalisme », Mazet, Michel et Chauchard qui semblent l’avoir influencé durablement.
Mobilisé dès le 1er août 1914, il passa du 141e Régiment d’infanterie au 89e RI en mars 1915, et fut promu capitaine en juillet de la même année. Il termina la guerre au 122e Régiment d’infanterie territoriale à partir du 23 octobre 1918 et fut renvoyé dans ses foyers le 29 janvier 1919. Sa conduite sur le front « consciencieuse et courageuse » lui valut deux citations en 1916 et en 1918 ; il fut décoré de la Croix de guerre avec deux étoiles de bronze, puis de la Légion d’honneur en 1922.

Bernard Varèse reprit son métier d’instituteur et fut nommé directeur d’école à Marseille en 1923 ; il résidait 166, chemin du vallon-de-l’Oriol ; à partir de décembre 1925. Il occupa ensuite un logement de fonction à l’école primaire Vauban (quartier du 6ᵉ arrondissement).

Lors du conseil d’administration du 9 octobre 1924, il fut nommé président puis secrétaire général (en 1925) de la section départementale du SN des Bouches-du-Rhône. Il gérait alors le Bulletin mensuel de la section des Bouches-du-Rhône, succédant alors à Mlle Beltrano et à Victor Etienne, responsables de cette publication entre 1920 et 1924. Le bureau, nommé par acclamations, comprenait Mme Nicolas et Mazet (vice-présidents) ; Mme Isnard et Armand Bernard (secrétaires) ; Mme Darbon et Jules Gautier (trésoriers). Mlle Bouffard (bibliothécaire) et Jouve (archiviste) complétaient ce bureau pour l’année scolaire 1924-1925. Au sein de celui-ci, il était délégué du SN au Comité intersyndical, à la Fédération des fonctionnaires, à l’Union départementale CGT et au Groupe des jeunes. Dans son introduction, il retraça le bilan d’activité assumé par le conseil sortant (J. Blanc, Victor Etienne et Camille Miroglio), rappelant notamment l’essai de fusion entre le Syndicat des membres de l’enseignement laïque (SMEL-CGTU) et le SN qui n’avait pas abouti, ce qui avait créé de regrettables malentendus, et un ralentissement de vie de la section : « Mais notre intérêt est de rester unis dans notre Fédération, tout en restant fidèles au principe de la fusion qui formera le bloc unique de nos groupements. » Il proposa enfin de nommer Rémy Roux (instituteur, syndicaliste puis député socialiste des Bouches-du-Rhône de 1924 à 1932), président honoraire de la section départementale (proposition adoptée à l’unanimité).

Bernard Varèse avait assisté au congrès du SN à Lyon, au Palais du Conservatoire, les 7 et 8 août 1924. Dans ses « Impressions de congrès », il nota la présence attentive et assidue de Ferdinand Buisson (« notre vénéré maître ») puis celle d’Albert Thomas, alors directeur du Bureau international du Travail, particulièrement intéressé par les thématiques traitées, notamment celles relatives à l’enseignement de l’histoire. Si la question de l’indemnité de logement opposa visiblement citadins et ruraux, que les uns voulaient conserver avec leur traitement et les autres souhaitaient abandonner, l’unanimité se fit sur un « unique » projet d’augmentation des traitements. Bernard Varèse regretta la controverse autour du paiement de la carte confédérale de la CGT rendu facultatif ; il était favorable à l’obligation, faite à chaque membre du SN, de posséder la dite carte, afin de contribuer à l’action commune de la confédération « dont nous pouvons avoir beaucoup à attendre, moralement et matériellement ».

En octobre 1925, Bernard Varèse lança deux appels pour renforcer le syndicalisme enseignant : « Venez les jeunes » et « Appel aux anciens », dans lesquels il tentait de démontrer la légitimité « historique » du SN, légitimité encore partagée selon lui avec le SMEL : « Camarades, il n’existe que deux syndicats : le syndicat de l’enseignement (SMEL) et le nôtre ; nous vous laissons le choix entre ces deux groupements fédérés, qui seuls comptent. » Ses critiques portaient essentiellement sur le Syndicat général « purement local et sans aucune action, formé uniquement par les transfuges des deux autres syndicats. »

Lors de l’assemblée générale du 15 janvier 1925, il mit aux voix les conclusions du rapport très documenté de Jouve sur la question de la complémentarité et de l’articulation entre cours complémentaires (CC) de préapprentissage et cours supérieurs (CS). Selon Jouve, il n’y avait pas lieu de demander la suppression de « complémentaire » aux cours de préapprentissage dont le recrutement était « normal ». Après un débat contradictoire entre Mme Isnard et Michel Célestin, centré sur les vertus respectives des écoles primaires supérieures et des CC, Bernard Varèse présenta les conclusions du document qui étaient les suivantes :

- indemnité aux maîtres chargés du cours supérieur (repoussé à l’unanimité),

- transformation des anciens CS 2e année en CC d’enseignement général, ne recevant que des élèves pourvus du certificat d’études primaires (adopté à l’unanimité),

- cours de préapprentissage assimilés aux CC et indemnités pour leurs enseignants (adopté, contre deux voix),

- choix des maîtres des CC effectué parmi tous les maîtres sans distinction (adopté à l’unanimité).

Il lut, en fin de réunion, la lettre de Mme Féraud, conseillère départementale et porte-parole des trois conseils syndicaux, protestant contre la programmation de conférences pédagogiques le jeudi 6 novembre, puis émettant le vœu que l’on revienne « à la coutume » qui, dans les Bouches-du-Rhône, avait toujours fixé ces conférences un jour de classe.

Bernard Varèse présida le conseil syndical du 18 juin 1925 au cours duquel la valeur des assemblées corporatives fut mise en cause. L’expérience de l’assemblée du 11 juin prouvait, selon lui, le caractère illégitime de ces réunions pour des questions qui intéressaient tout le personnel : « quelle pouvait être la valeur d’une décision adoptée par 24 voix contre 13 sur 80 présents, représentant les 1 900 institutrices et instituteurs du département ? Les réunions corporatives représentent la négation de nos syndicats », pensait-il. À l’unanimité, le conseil proposa ensuite sa candidature, ainsi que celles d’Armand Bernard et de Jules Gautier, comme délégués au congrès du SN qui se tint à Paris, salle du Palais de la Mutualité, du 6 au 8 août 1925.

Dans le bulletin de la section départementale du SN de juillet 1925, Bernard Varèse revint sur la question de l’unité. Il rappela l’expérience « malheureuse » de la section des Bouches-du-Rhône qui ne voyant pas la fusion « par le haut » se réaliser rapidement, voulut la tenter « par le bas ». Le résultat déboucha sur l’existence de trois syndicats, car un certain nombre de membres du syndicat unique, dit Syndicat général (SG), créé par la fusion avec le SMEL, ne répondirent pas aux injonctions de leur fédération et demeurèrent groupés en syndicat autonome. Considérant tous les avantages d’une Fédération unique des institutrices et instituteurs, Bernard Varèse restait fidèle à l’idée de fusion et souhaitait sa réalisation, mais sous trois conditions. Pour qu’une union soit durable entre les membres de syndicats de tendances diverses, il importait que dans une « Fédération unique », les minorités puissent être représentées. Il fallait ensuite qu’une forte discipline règlemente l’ordre et la tenue des congrès et assemblées, afin d’éviter qu’une « minorité agissante n’impose sa volonté à une majorité plus paisible ». Enfin, pour respecter les lois de l’équité, le congrès mixte, chargé d’élaborer les règles de la fusion, devrait être constitué proportionnellement au nombre de membres de chacun des groupements en présence (SN, SMEL, SG).

Cependant, Bernard Varèse fit ratifier la fusion du SN et du SG par le conseil syndical et l’assemblée générale du 11 mars 1926. Il présenta alors le nouveau CS qui intégrait les militant.e.s venu.e.s du SG et présenta les résultats du dernier référendum organisé par celui-ci :

Sur 320 votants :

- Pour l’autonomie, 92 voix, contre, 216, abstentions, 12 ;

- Adhésions au SN, 222 ; préférence pour le SMEL, mais se ralliant à la majorité, 39 ; Autonomie, mais se ralliant à la majorité, 10.

Ce qui donnait un total pour le SN de 271 voix, alors que par ailleurs une minorité s’exprimait ainsi : adhésions au SMEL, sans se prononcer sur la majorité, 3 ; adhésions au SMEL, 23 ; déclarent rester « sauvages », 23.

Lors du renouvellement du conseil syndical d’octobre 1926, Juliane Labrosse, militante enseignante issue du Syndicat général lui succéda au poste de secrétaire général de la section départementale du SN. Bernard Varèse demeura quelques années, au moins jusqu’en 1932, au conseil syndical au sein duquel il fit partie de plusieurs délégations : Fédération des fonctionnaires, Amis de l’Instruction laïque, Union départementale et Union locale CGT.

En octobre 1928, Bernard Varèse, toujours membre du CS, critiqua avec vigueur la création d’un Syndicat des directeurs. Les réformes utiles dans ce secteur, les intérêts, collectifs selon lui, de l’école, pouvaient être discutés ensemble, au sein du SN, par tous ceux qui, recrutés dans la masse des instituteurs, servaient l’école publique « à quelque degré qu’ils soient dans l’échelle hiérarchique ».

Lors de la réunion du 31 mars 1930, il présenta à la commission des statuts (Juliane Labrosse, César Durand et Victor Gourdon) un projet de réforme qui prévoyait notamment la transformation de la commission permanente du SN en « Comité national », à l’image de la CGT, où serait représentée, chaque section départementale. Il proposait de former celui-ci, à l’image du CN de la Fédération générale de l’enseignement, à partir d’un nombre restreint de membres : 2 par région académique (1 instituteur, 1 institutrice) et le bureau fédéral. Ce projet, lu et discuté, fut adopté lors du conseil syndical du 10 avril.

En 1932, Bernard Varèse était secrétaire adjoint, avec Richelme, de la Bourse du Travail de Marseille ; Fernand Cambacédès étant alors secrétaire général. Il était chargé par l’Union locale CGT d’y organiser des cours professionnels ; et était membre par ailleurs des commissions du Contentieux, de la Nouvelle Bourse et des statuts.

En octobre 1937, il était secrétaire de la section des retraités du SN ; il tenait les permanences chaque samedi à la Bourse du Travail avec Mme Lirou, trésorière. Il résidait alors toujours à Marseille, 77 avenue des Roches.

Il mourut à Nice le 23 décembre 1948. Le bureau départemental du SNI salua, dans son bulletin bimestriel de janvier-février 1949, « le camarade regretté, actif militant syndicaliste [qui avait] assuré pendant deux années complexes, le secrétariat de la section des Bouches-du-Rhône ». Selon Jean Buisson, « L’école laïque [perdait] un ardent défenseur et le syndicalisme un militant qui [avait] œuvré avec conviction, dans le cadre du mouvement ouvrier provençal, pour la défense du personnel enseignant... »

Bernard Varèse incarnait assez bien un certain type de militantisme enseignant, celui de bien des militants de la génération du SN des années 1920. Ancien combattant médaillé, ancien amicaliste partisan et acteur de la transformation des amicales en syndicat, il demeura très méfiant vis-à-vis de l’idéologie, en étant favorable à un syndicalisme « équilibré » entre combativité lors des luttes corporatives et sens des responsabilités assumé lors des négociations avec l’État employeur. Il était ainsi très partisan de la « collaboration » qu’il jugeait naturelle avec l’Inspection académique, ce qui semblait être un motif de divergence permanent avec Jean Salducci et les militants du SMEL. Il exprima d’ailleurs à maintes reprises un anticommunisme empreint d’antisoviétisme : « La CGTU est d’essence communiste. C’est la CGT rouge du marteau et de la faucille. Et l’oeil de Moscou est toujours présent à ses réunions. La CGT bien française de Léon Jouhaux ne peut partager les idées de Oulianov Vladimir Ilyitch dit Lénine », écrivait-il en octobre 1925. Il appelait cependant de ses vœux, la fusion complète des deux branches du syndicalisme enseignant dans un « syndicat unique » de l’enseignement. L’unification réalisée au milieu des années 1930, dans le contexte du Front populaire, arriva tardivement, quasiment au terme de son parcours militant.

Bernard Varèse était père de quatre enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article205881, notice VARÈSE Bernard, Fortuné, Joseph par Gérard Leidet, version mise en ligne le 22 août 2018, dernière modification le 11 janvier 2019.

Par Gérard Leidet

SOURCES : Arch. Dép. Var, état civil. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, registre matricule 1899. — JO, Lois et décrets (Gallica), références pour son père et lui-même. — Marie-Antoinette Stagliano, Le Midi syndicaliste de 1923 à 1939, mémoire de maîtrise d’histoire, Aix, 1974. — Rens. Pascal Lena. — Bulletin mensuel de la section des Bouches-du-Rhône (ex. Union et Association pédagogique) du Syndicat national des institutrices et instituteurs publics de France et des colonies (années 1924-1932). — Bulletin du Syndicat unique des institutrices et instituteurs des Bouches-du-Rhône, section départementale du SNI (janvier-février 1949). — "http://histoiresociale1.univparis1.fr/Document/Karnaouch/PRESSEDEP.pdf" . — Jacques Girault, Instituteurs, professeurs, une culture syndicale dans la société française (fin XIXe- XXe siècle), Publications de la Sorbonne, 1996. — Notes d’Alain Dalançon. — Denise Karnaouch, La Presse corporative et syndicale des enseignants. Répertoire. 1881-1940, L’Harmattan, 2004.

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