CORDONNIER Jacques, Léon, Robert

Par Émilie Saxer

Né le 6 septembre 1924 à Paramé (Ille-et-Vilaine) ; prêtre de la Mission de France à Colombes (1948-1953), Alfortville (1953-1960), prêtre-ouvrier à Vitry (1960-1965), Montferrand (Puy-de-Dôme), infirmier en psychiatrie ; syndicaliste CGT puis CFDT.

Issu d’une famille chrétienne, aîné de sept enfants, Jacques Cordonnier grandit à Paris et à Versailles. Il fréquenta l’école laïque jusqu’à son entrée en 6e dans un collège privé où il milita à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). Lorsque son père, militaire de carrière, fut fait prisonnier en 1940, il se réfugia avec sa mère et ses frères et sœurs dans la zone libre, en Corrèze. C’est là, avec l’aide de son père qui, dans ses lettres, insistait beaucoup sur la liberté de son choix, qu’il mûrit l’idée d’être prêtre. Il entra en 1943 au séminaire de Tulle, mais il s’y sentit rapidement à l’étroit. Nourri par la lecture du Témoignage chrétien clandestin et fort des contacts avec certains séminaristes, il prit le maquis pour échapper au STO. Soutenu par son professeur de philosophie, Joseph Schmitt (qui allait devenir évêque de Metz en 1958), il voulut, en 1944, intégrer le séminaire de Lisieux, mais fut envoyé au séminaire des Carmes à Paris. Au bout de quelques mois, porté par l’élan de la Libération, il s’engagea en 1945 dans la division Leclerc, contre l’avis de son supérieur. En septembre, il rejoignit finalement la Mission de France, où il se retrouva de plain-pied avec les analyses que les abbés Godin* et Daniel* avaient développées dans leur ouvrage, La France pays de mission ? Il trouva dans l’enseignement du séminaire de Lisieux une réponse à son désir d’être prêtre pour les non-chrétiens.
Ordonné en mars 1948, Jacques Cordonnier fut envoyé à Colombes où le curé, Georges Michonneau, Fils de la Charité, avait donné à sa paroisse une impulsion missionnaire. Il s’occupa particulièrement de bandes de jeunes (blousons noirs), créa une section jociste et une maison de jeunes. En 1953, il rejoignit l’équipe d’Alfortville où la Mission de France était implantée et il mena des actions en faveur des mal-logés. Très touché par les décisions romaines de 1954 obligeant les prêtres-ouvriers à cesser tout travail en usine ou sur les chantiers, alors qu’il estimait que le travail était une façon de s’insérer dans la société, il s’investit au Mouvement de la paix et suivit les événements de la guerre d’Algérie à travers Témoignage Chrétien, entretenant une correspondance soutenue avec de jeunes conscrits et effectuant des visites à des prisonniers politiques. Il fit ensuite partie de l’équipe de Francis Le Saout à Saint-Germain de Vitry où il poursuivit son engagement auprès de jeunes. C’est là qu’il commença à travailler à mi-temps, en 1960, comme laveur de wagons de chemin de fer à Bercy. Ce passage au travail, où il était le seul Français au milieu de 300 Algériens, dans le contexte de la guerre, fut déterminant d’autant plus qu’un de ses frères mourut pendant le conflit. Ayant adhéré à la CGT, il défendit à plusieurs reprises ses collègues algériens. Il assista à la violente répression des manifestations parisiennes du 17 octobre 1961 et cacha alors un Algérien poursuivi.
En 1965, Jacques Cordonnier fut envoyé à Montferrand (Puy-de-Dôme) comme responsable de l’équipe de la Mission de France. Il contribua à la création d’un secteur de Mission ouvrière sur Montferrand afin de soutenir les départs au travail successifs de prêtres dans les années 1970. De 1970 à 1972, il travailla lui-même comme aide-magasinier dans une coopérative pharmaceutique de Clermont-Ferrand où il créa une section CFDT dont il fut le secrétaire jusqu’à son départ. Par ailleurs, avec un militant communiste, il impulsait le Mouvement de la paix sur le plan local depuis 1966-67.
De 1973 à 1976, il suivit les cours de l’école d’infirmiers en vue d’assurer une présence dans le milieu hospitalier, très important sur la ville. Il cessa dès lors toute charge paroissiale. Une fois diplômé, il fut nommé dans le service de psychiatrie du CHRU de Clermont-Ferrand. La rencontre avec la maladie mentale lui fit prendre conscience de la souffrance psychique, ce qui l’amena à réfléchir autrement sur Dieu, l’Église et la foi. En 1977, il devint trésorier de la section CFDT de l’hôpital, activité qui cessa avec sa retraite en 1989, sans qu’il quittât pour autant le syndicat. Il intervint régulièrement sur l’antenne locale de RCF pour évoquer des sujets d’actualité du point de vue de la foi chrétienne. Il siégea pendant deux mandats au Conseil presbytéral diocésain en tant que représentant des prêtres-ouvriers. Il s’investit aussi dans l’association SOS-Suicide Phénix qui lui permit de prolonger son activité professionnelle, en appartement thérapeutique, auprès de malades souvent issus de milieux populaires. Il se retira progressivement de ses activités militantes à partir du début 2001, tout en continuant à participer au groupe de prêtres-ouvriers et de religieuses au travail de Montferrand.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20623, notice CORDONNIER Jacques, Léon, Robert par Émilie Saxer, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Émilie Saxer

SOURCES : Arch. Mission de France, 1997 015 0162 (Alfortville), 1997 015 0155 (Colombes), 1997 015 0161 et 0162 (Vitry). — Entretiens des 12 mars et 29 mai 2002 avec Jacques Cordonnier ; documents fournis par lui, extraits de son journal de bord (années 1960) ; extraits de 15 ans en psychiatrie, écrit lors de son départ en retraite. — Lettres du 1er janvier 1961 et du 1er janvier 1963 à un conscrit en Algérie. — Stan Rougier, Prêtres de la Mission de France, Centurion, 1991. — Émilie Saxer, Des Missionnaires au travail dans le diocèse de Clermont-Ferrand, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Blaise-Pascal, 2002-2003. — Sybille Chapeu, Des chrétiens dans la guerre d’Algérie. L’action de la Mission de France, Éd. de l’Atelier et Témoignage chrétien, 2004. — Renseignements fournis par André Caudron et Nathalie Viet-Depaule.

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