Par Jean Maitron, Claude Pennetier
Née le 27 décembre 1886 à Saint-Ségal (Finistère), morte le 25 juin 1972 à Daoulas (Finistère) ; institutrice ; militante syndicaliste du Finistère.
Les parents de Joséphine Mazé étaient fermiers (cultivateurs sur l’acte de naissance) ; elle était la troisième fille d’une famille de cinq enfants, dont un garçon. L’aînée devint institutrice, la deuxième poursuivit ses études à l’école de laiterie de Kerliver (Hanvec) et resta à la ferme paternelle. La quatrième fille devint institutrice et le benjamin entra dans les Contributions indirectes. Josette Mazé obtint son brevet élémentaire dans l’École de laiterie et y fut fromagère jusqu’à l’âge de dix-huit ans. À partir de 1904, elle fit des suppléances puis fut titularisée le 1er janvier 1908. Elle choisit ce métier beaucoup par vocation et un peu sous pression familiale, le salaire régulier étant apprécié. Elle enseigna toujours dans le Finistère, successivement à Plouyé, Quimerch, Cast, Lagonna-Daoulas, Daoulas et Motreff.
Le 3 août 1917, à Nort-sur-Erdre, elle épousa Jean, Yves Cornec, lui aussi instituteur, dont elle eut un fils : Jean, longtemps président de la Fédération des conseils de parents d’élèves et du Comité national d’action laïque.
Elle adhéra à l’Amicale syndicaliste du Finistère, « l’Emancipatrice », en 1909 et en devint secrétaire. En 1910, elle adhéra à la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs (FNSI). L’année suivante, elle fut élue conseillère départementale sur un programme syndicaliste. Elle collabora avant 1914 à l’École émancipée (partie scolaire). Elle fut réélue au conseil départemental en 1914. Elle démissionna de ce poste en 1917 car on voulait lui attribuer une promotion au choix (le refus de celle-ci étant un élément de son programme syndical). Pendant la guerre, elle lutta pour la Paix au sein du syndicat, participa aux œuvres de secours aux mobilisés et écrivit des articles pacifistes (janvier 1915 notamment, dans le bulletin syndical départemental) et adhéra en 1915 au Parti socialiste SFIO. Elle participa aux congrès des Amicales et de la Fédération en 1916, 1917, 1918. En mars 1918, pour avoir refusé de se servir des affiches officielles de propagande pour son travail, elle fut perquisitionnée, réprimandée, enfin censurée.
En 1918, elle devint la première secrétaire du syndicat CGT de l’enseignement du Finistère et elle le resta en 1919 et 1920. Elle fut poursuivie en 1920, avec les autres membres du bureau pour constitution illégale de syndicat, elle fut condamnée et le syndicat dissous en 1922 (mais il se reconstitua aussitôt comme section syndicale). Elle poursuivit parallèlement sa collaboration à l’École émancipée : articles, cours de français, de géographie. En août 1921, statutairement, elle quitta le secrétariat du Finistère et devint administrateur avec son mari de la partie commune des bulletins syndicaux du Centre-Ouest. En 1923, ils présentèrent un rapport sur la Défense laïque qui devint dans la Fédération leur spécialité. Le bureau fédéral de 1923-1924 étant dans le Finistère, J. Cornec fut secrétaire général et Josette secrétaire adjointe chargée des Relations internationales. En 1924, ils cédèrent le pas à la tendance Bouët. Eux-mêmes soutenaient le courant « Ligue syndicaliste ».
Josette Cornec participa également au mouvement ouvrier régional et à ses congrès départementaux et, en 1924, elle fut secrétaire puis membre de la commission exécutive de l’UD du Finistère. Elle fut à nouveau secrétaire du syndicat unitaire en 1925, 1926, 1927 et fut réélue au conseil départemental en 1929 puis en 1932. La même année, elle quitta avec son mari la Fédération et passa au syndicat national CGT avec lequel ils désiraient la fusion immédiate. Elle fut déléguée à tous les congrès fédéraux et du SNI. Outre à l’École émancipée et aux bulletins locaux, elle écrivit dans la Vie ouvrière jusqu’en 1925, puis au Cri du peuple, à la Révolution prolétarienne, à l’Action syndicaliste, et enfin à L’École libératrice.
Josette Cornec fut féministe dès 1905, car elle n’admettait pas l’inégalité des salaires entre hommes et femmes. En 1913, elle participa au congrès féministe de Bordeaux mais son féminisme était syndicaliste : elle déposa une motion visant la dissolution de la FFU, elle pensait, en effet, que les problèmes des femmes devaient être discutés au sein des syndicats et que les Groupes féministes comme tous les groupes de catégorie affaiblissaient le syndicalisme. Dans le Finistère, elle fut, dès 1909, secrétaire du Groupe féministe et elle poussa les institutrices d’abord féministes à se syndiquer. Après la guerre, elle participa à tous les congrès des Groupes féministes de la Fédération mais fut écartée du secrétariat général car minoritaire. Elle participa aussi à la rédaction du bulletin des Groupes : elle écrivit sur la libre maternité, l’éducation sexuelle (Jeanne Lalande), la prostitution (cf. Bulletin spécial de janvier 1932). Elle quitta les Groupes féministes en quittant la Fédération. On la retrouva au secrétariat des femmes « Septembre 38 » lorsque la guerre menaça.
Révoltée par la déclaration de guerre, elle appela au réveil du pacifisme de la Ligue des femmes pour la Paix et adressa une demande d’intervention à Nader, député du Finistère. Le 4 novembre 1939, la police se présenta à son domicile avec une commission rogatoire « en application du décret-loi prononçant la dissolution du Parti communiste » ! Les documents saisis indiquaient qu’au contraire, Josette Cornec s’était opposée à l’influence du Parti communiste dans le syndicalisme français. Elle écrivit au préfet : « nous avons flétri, publiquement, le pacte germano-russe et rompu toute collaboration avec les hommes qui sont restés fidèles à Staline ». Le préfet reçut le couple Cornec le 16 novembre et reconnut qu’une erreur avait été commise, sans pour autant le confirmer par écrit. Elle envisageait de prendre sa retraite, mais un déplacement d’office lui fut notifié, accompagné d’un arrêté de révocation (daté du 28 octobre) de Jean Cornec. L’inspecteur d’académie chargé de remettre un dossier concluait : « Madame Cornec paraît s’être retiré de la vie politique et militante. Elle a sollicité sa mise à la retraite au 1er janvier 1941. Madame Cornec peut s’estimer heureuse de la décision prise à son égard, elle mérite, en effet, la révocation autant que son mari. ». Elle rejoignit seule son poste à Motreff et y resta jusqu’à sa mise à la retraite ; son mari fut aidé financièrement par la caisse d’entraide du SNI jusqu’à la dissolution du syndicat. Elle vécut douloureusement les affrontements militaires qui marquèrent la fin de la guerre dans la région de Brest. Malade, elle se retira dans la vie syndicale.
Elle mourut à Daoulas (Finistère), ses obsèques civiles eurent lieu le 27 juin 1972.
Les principales féministes dans le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?mot192
Par Jean Maitron, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. Nat. F7/13746 et F7/13749, Quimper, 19 avril 1929. — L’Ouvrière, n° 57, 11 août 1923. — Anne-Marie Sohn, Thèse, op. cit. — Lettre de Josette Cornec (autobiographie) à Jean Maitron. — Le Monde, 28 juin 1972. — J. Cornec, Josette et Jean Cornec* instituteurs : de la hutte à la lutte 1886-1980, 1981. — Claudie et Jean Cornec, Joséphine Phine Fine... La vie passionnée de Josette Cornec (1886-1972), Éd. Les Monédières, 2002.