REYNIER Jean, Auguste

Par Jean-Marie Guillon

Né le 3 juillet 1903 à Beaucaire (Gard) ; commerçant puis employé, ouvrier agricole ; militant communiste et syndicaliste des Bouches-du-Rhône.

Fils de Félicien Reynier, journalier agricole, et d’Élisa Pain, marié le 15 juin 1930 à Beaucaire avec Germaine Rossi, avec qui il eut un enfant, Jean Reynier tenait un commerce de vulcanisation dans cette localité. Il vint s’établir en 1932 à Tarascon (Bouches-du-Rhône) après la faillite de son affaire. Il y fut employé à l’entreprise Sud-Electrique jusqu’en 1938.
Militant communiste, secrétaire de la cellule locale, il aurait fait preuve selon la police d’une grande activité, servie par ses facilités d’élocution et sa sincérité. Chef de file local du PC, responsable de l’UL des syndicats, il était aussi le secrétaire du comité de Tarascon du Rassemblement universel pour la Paix (RUP), organisation liée au Front populaire, en octobre 1937. Le commissaire de police de Tarascon, relayé par son homologue de la police spéciale lui reprochèrent d’avoir semé le trouble et suscité le mécontentement dans l’asile des vieux en attaquant sa direction dans Rouge-Midi. Il aurait également mené campagne contre la révocation d’un employé communiste renvoyé pour indélicatesse en juillet 1938, le présentant comme « une victime du capitalisme ». En 1937 et 1938, il attaqua par voie d’affiches plusieurs personnalités de la ville (le maire socialiste Numa Corbessas, le directeur de l’hôpital mixte, un professeur du collège, socialiste et administrateur à la commission des hospices), ce qui aurait suscité l’intervention du sous-préfet d’Arles. Appelant à la grève pour le 30 novembre 1938 lors d’une réunion au théâtre municipal, il déclara au commissaire de police qui l’invitait à travailler ce jour-là : « Peu m’importe de perdre ma place, mais je ferai grève », ce qu’il fit avec douze autres salariés de son entreprise. La direction reprit onze des grévistes, mais refusa de le réembaucher. Il travailla alors comme journalier agricole.
Mobilisé le 23 août 1939 au 27e régiment de tirailleurs algériens, il se serait lié d’amitié avec Raymond Guyot qui déserta peu après. Il fut affecté ensuite au 43e bataillon de pionniers nord-africains et fut démobilisé le 17 juillet 1940. Dès le 16 août, la police proposa son internement administratif. L’arrêté d’internement fut signé le 20 septembre. Il fut envoyé au camp de Chibron (commune de Signes, Var), puis, à sa dissolution en février 1941, au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). Il bénéficia quelques temps après des interventions d’un militant paysan, très engagé à droite, Gaston Amy, propriétaire à Boulbon (Bouches-du-Rhône), secrétaire de Propagande et de Défense paysanne Drôme, Vaucluse, Ardèche, qui multiplia les interventions en sa faveur. Il contacta d’abord le préfet du Tarn, puis celui des Bouches-du-Rhône, à qui il écrivit à trois reprises entre le 27 avril et le 21 juin 1941. Mobilisé avec lui en 1939, il assurait l’avoir fait changer d’opinion. Il s’engageait à le prendre dans son exploitation, considérant que ce serait « une excellente recrue pour la Révolution nationale ». Il partageait avec lui la même aversion des personnalités de Tarascon – maçonnes d’après lui - que Reynier avait dénoncées. Il s’étonnait dans sa dernière lettre de la libération d’un certain nombre de militants marseillais et d’un « juif communiste notoire » alors que Reynier était maintenu au camp. Sollicitée par les autorités, la police spéciale n’était pas convaincue par les arguments d’Amy, réfutant qu’il ait été victime d’une vengeance politique comme il l’affirmait. Le commissaire de police de Tarascon se résignait à une libération, le 18 juin 1941 à condition de l’astreindre à résider loin. À son avis, l’activité communiste étant pour le moment « nulle », son retour à Tarascon serait inopportun. Sollicité vraisemblablement par Amy, le président de la Légion française des combattants d’Arles était intervenu lui aussi puisque Jean Reynier le remercia, le 20 juillet 1941. Les interventions étaient allées jusqu’au cabinet du maréchal Pétain. Le chef du camp de Saint-Sulpice qui avait donné le 17 avril un avis défavorable à sa libération au vu des renseignements qu’il avait reçu revint sur cet avis le 31 juillet. Il n’avait rien à reprocher à Reynier qui s’était désolidarisé des auteurs de la protestation du 2 avril contre l’envoi en Afrique du Nord de certains internés. D’après Amy, il était affecté à la baraque 20, celle des « faux frères ». Le sous-préfet d’Arles, le très pétainiste Jean des Vallières, donna lui aussi un avis favorable, le 4 août. Deux jours après, le préfet régional se décida à suspendre l’internement de Reynier pour trois mois, mais l’arrêté ne fut signé que le 18 septembre 1941. Comme prévu, Reynier fut employé par Amy et par le président de la Légion française des combattants de Boulbon. Ceux-ci et le maire du village considérèrent en novembre 1941 qu’il était peut-être prématuré de le libérer à titre définitif, bien que les gendarmes n’aient rien à signaler contre lui (rapport du 19 novembre 1941). Sa libération définitive fut proposée le 6 mars 1942 et entérinée le 12.

Gaston Amy, membre de la Milice, et son épouse furent abattus par de jeunes résistants le 7 août 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article206603, notice REYNIER Jean, Auguste par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 19 septembre 2018, dernière modification le 17 mars 2022.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : Arch. dép. Bouches-du-Rhône 5 W 210 (dossier internement). — Arch. dép. Var 4 M 292. — Rouge Midi, organe régional du Parti communiste, 26 octobre 1937 (BNF Gallica). — Notes de Louis Botella.

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