CHEN Sanlian 陈三连

Par Alain Roux

Syndicaliste progressiste efficace et non politisé.

Entré comme ouvrier à l’usine de cigarette de la BAT no. 3 de Yangshupu (Shanghai), située Thorburn Road devenue après 1945 Tongbeilu, dans le quartier malfamé de Badaitou-Yulinlu, il est marié, père de deux enfants et a sa belle-mère à sa charge. Le 18 septembre 1945, les patrons anglais de l’usine, qui étaient de retour du camp où ils avaient été détenus par les Japonais estiment que l’état où se trouvaient les trois usines de la BAT rendait impossible leur réouverture. Furieux 2 000 ex-ouvriers devenus chômeurs manifestent et occupent les locaux de la direction en séquestrant les directeurs. Lu Jingshi (陸京士) au nom du ministère des Affaires Sociales parvient à mettre sur pied des négociations avec une délégation d’ouvriers dirigée par Chen Sanlian (陈三连). Dans l’ambiance de ces lendemains de victoire, cette négociation est un succès, facilité par la saisie des stocks en vivres et en argent abandonnés par les Japonais. Les ouvriers obtiennent un prêt de 50 000 CN$ par personne (trois mois de salaires) et la fourniture gratuite de 33 boisseaux de riz (la consommation de 6 mois). Il reste à régler la question des livrets d’épargne (chuxushu) gelés par les Japonais : Chen Sanlian demande la restitution et le doublement des montants inscrits pour tenir compte de l’inflation et estime que le prêt serait remboursé sur cette base. Le 29 décembre 1945, Lu Jingshi réunit une commission d’arbitrage qui aboutit à un accord : l’usine est rouverte en janvier 4 jours et demi par semaine, les salaires étant bloqués durant trois mois au niveau de novembre, tandis que l’on fournirait aux ouvriers du riz à prix réduit. Ce succès rend Chen Sanlian populaire : les communistes décident de le soutenir contre Yao Ligen (姚立根), le candidat du Guomindang, lors des élections à bulletin secret pour la direction du syndicat organisées le 31 mars 1946. 400 délégués désignés chacun par 10 ouvriers votent en 3 collèges, le premier pour l’usine de Pudong qui emploie à cette date 2é 542 ouvriers dont 1 458 femmes — après en avoir employé deux à trois fois plus dans les années trente et qu’il existait deux usines BAT à Pudong —, le deuxième pour celle de Tongbeilu (à Yangshupu), connue sous le nom de BAT no. 3 qui emploie 2 113 ouvriers dont 1 178 femmes, et le troisième pour une petite usine nommée Huaqi ( « Bannière étoilée ») à Hongkou qui cessa bientôt ses activités et employait auparavant 661 ouvriers dont 325 femmes. Chen Sanlian recueillit dans son collège 67 voix, soit la majorité absolue. Yao Ligen, avec 36 voix, fut le dernier élu. Chen Sanlian fut élu président du syndicat de l’usine de Yangshupu et il le restera jusqu’en 1948, tandis que le syndicat de celle de Pudong avait pour président Hong Meiquan (洪梅全). Il dirigea le syndicat jusqu’en 1948 avec à ses côtés deux communistes clandestins et deux Guomindang, dont Yao Ligen. À la différence de ce dernier qui était un syndicaliste-racketteur, Chen Sanlian semble être resté un dirigeant syndical qui luttait seulement pour défendre les intérêts des ouvriers en évitant tout engagement politique. Il était membre de la CA du Fulihui. Le 13 juillet 1948 il intervint lors de la 17e conférence d’entreprise (huiyi) de la BAT de Tongbeilu pour contester l’indice officiel du coût de la vie et exiger une indemnité spéciale de vie chère : selon son rapport, le salaire moyen d’un ouvrier, qui lui permettait en 1936 d’acheter 3 piculs (tan) de riz, ne lui permettait plus en 1948 que d’en acheter 0,69 picul, soit 5 fois moins. Le représentant de la direction refusa ce calcul et n’accepta de réévaluer les salaires qu’en se conformant à l’indice officiel. Dépité, Chen Sanlian proposa alors que l’on distribue gratuitement à chaque ouvrier 10 cartouches de cigarettes qu’il vendrait. On ignore le sort de Chen Sanlian dans les années qui suivirent la victoire communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article207005, notice CHEN Sanlian 陈三连 par Alain Roux, version mise en ligne le 1er octobre 2018, dernière modification le 10 octobre 2018.

Par Alain Roux

SOURCES : Roux 1991. — Archives de la BAT (Yingmei gongci) publiées par l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai, notamment les p. 1090-1096.

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