COSSONNEAU Émile, Auguste

Par Robert Balland, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 22 octobre 1893 à Paris (XVe arr.), mort « accidentellement » en avion le 11 décembre 1943 ; militant communiste ; maire de Gagny, Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis (1935-1940) ; conseiller général du canton du Raincy (1935-1940) ; élu député de la 3e circonscription de Pontoise le 3 mai 1936.

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Fils d’un tailleur de pierre et d’une blanchisseuse, ouvrier serrurier lui-même, Émile Cossonneau fut mobilisé pendant la Première Guerre mondiale au « Neuvième Zouave » et blessé à Maurepas. Il se fit d’abord connaître par son activité syndicale : il fut membre du bureau du syndicat unitaire de la section des serruriers, et membre du Syndicat unique du Bâtiment. D’autre part, élu président du lotissement de l’Avenir à Neuilly-sur-Marne, il lutta efficacement pour dénoncer quelques-uns des vices que présentait trop souvent l’organisation des lotissements. Quand vint la crise, le chômeur qu’il était devenu se fit le défenseur des autres ouvriers sans travail de Gagny. Il était devenu artisan mais ses affaires périclitèrent et en 1931 il avait tout perdu.

En 1929, il adhéra au Parti communiste et, à la faveur de la crise, il contribua à son développement dans sa commune et dans tout le canton du Raincy. Dès le début il s’était imposé comme secrétaire du rayon de Gagny, puis en 1933 il devint membre du comité régional Paris-Est du PC et le principal responsable du secteur dans lequel il avait rapidement fait ses preuves. Élu maire de Gagny en mai 1935, il s’employa à améliorer le sort des chômeurs et des pauvres. Au conseil général où il entra peu après, son œuvre fut inspirée par les mêmes préoccupations sociales. Il avait été élu aux élections cantonales le 7 juillet 1935 grâce au désistement en sa faveur du maire de Livry-Gargan, le socialiste SFIO Émile Gérard. Sur les onze communes du canton il obtint la majorité absolue dans sept et, comme il le faisait pour sa commune, il se voulut le défenseur des petits commerçants, des artisans, des chômeurs, des mal lotis, des petits propriétaires, etc. Il devait être déchu de son mandat de conseiller général le 23 février 1940.

Désigné comme candidat du Parti communiste aux élections législatives d’avril-mai 1936, dans la troisième circonscription de Pontoise, il obtint au premier tour 7 156 voix sur 20 739 votants. Au second tour le succès fut assuré : 11 047 suffrages contre 9 217 au député sortant André Ballu (20 686 votants, 23 333 inscrits). À la Chambre, il n’intervint pas en séance, mais il participa aux travaux des commissions « comptes définitifs » et « Alsace-Lorraine ».

L’attitude de Cossonneau vis-à-vis du Pacte germano-soviétique prête à discussion dans l’état actuel des connaissances. Officiellement il ne le condamna pas mais plusieurs députés communistes témoignèrent de ses réserves. Émile Fouchard son voisin de circonscription et ami affirma même à l’historien Guillaume Bourgeois : « Cossonneau était en désaccord avec le Pacte, mais le Parti a réussi à le lui faire dissimuler. Cossonneau avait des obligations envers le Parti - il me l’a dit - sinon il aurait pris la position que j’avais adoptée » (G. Bourgeois, op. cit., annexes p. 44, interview recueillie à Chelles en décembre 1979). Le capitaine Moissac l’entendit le 12 octobre 1939 dans le cadre de l’instruction sur la lettre du 1er octobre adressée par le Groupe ouvrier et paysan de la Chambre au président Herriot. Cossonneau lui fit des déclarations prudentes : « Lorsque le Parti communiste a été dissous, j’ai été sollicité par certains de mes collègues, peut-être par M. Ramette, d’adhérer au groupe en formation. Je n’ai pas eu le temps de lire le programme. Il était question de Jules Guesde. Dans mon esprit, il s’agissait avant tout de lutter pour la classe ouvrière. Je n’ai jamais eu, en tant qu’individu, de liens avec la IIIe internationale. Je ne suis jamais allé en Russie. J’ignore si le groupe a des relations avec Moscou. » (G. Bourgeois, thèse, op. cit.). Il fut arrêté le 30 octobre 1939, déchu de son mandat de député le 20 février 1940 et condamné le 3 avril par le troisième tribunal militaire de Paris à cinq ans de prison et à 4 000 francs d’amende. Déporté en Algérie et interné à Maison-Carrée, il dut sa libération, le 5 février 1943, à l’arrivée des troupes anglo-américaines. Le Parti communiste aurait alors envisagé le retour clandestin dans l’hexagone de cinq dirigeants : Étienne Fajon, François Billoux, Waldeck Rochet, Ambroise Croizat et Cossonneau. Ces deux derniers partirent pour Londres avec mandat de préparer l’entreprise. Cossonneau devait informer le comité central des difficultés rencontrées par sa délégation en Algérie. Il obtint l’autorisation de se faire parachuter en France. Son avion, parti de Londres dans la nuit du 10 au 11 décembre 1943, aurait été abattu par la DCA allemande au-dessus de Neufchâtel-en-Bray (Seine-Inférieure, Seine-Maritime). Moururent avec lui Claudius Four et le néozélandais Bathgate. Telle est du moins la version donnée par le journal l’Humanité des 10 et 11 décembre 1944 et reprise par Jacques Duclos* dans ses souvenirs (t. 3, p. 43-45 et 120). Émile Fajon se montre plus prudent : « Mais l’avion qui l’emportait fut abattu dans des circonstances qui n’ont jamais été éclaircies » (Ma vie s’appelle liberté, p. 189). Une autre version, recueillie oralement et confidentiellement par la police auprès de dirigeants communistes présents à Alger en janvier 1944, expliquait la mort de Cossonneau différemment : « il aurait été projeté hors de l’appareil par des compagnons de voyage membres de l’Intelligence service ». À Alger, André Marty, qui croyait à la thèse de l’assassinat, fit prendre des mesures de sécurité aux responsables communistes. Cette thèse apparut à nouveau dans l’Histoire du Parti communiste français éditée par le groupe Unir : « Il disparut en cours de route [...] Tout porte à croire qu’il fut assassiné » (t. 2, p. 183). En fait, l’’avion a bien été abattu par la DCA allemande.
Le Lysander parti de Tangmere dans le sud de l’Angleterre le 10 décembre et piloté par le Néo-Zélandais Jimmy Bathgate, a été abattu, vraisemblablement par la DCA allemande, au-dessus de l’aérodrome de Juvincourt, alors dans le canton de Neufchâtel-sur-Aisne, dans l’Aisne.
Les trois passagers de l’appareil ont été enterrés dans le petit cimetière britannique 1914-1918 de La Musette, au bord de la N 44 (auj. D944 sur la commune de La Ville aux-Bois-lès-Pontavert.) Eugène Cossonneau et J. Bathgate y sont toujours, le corps de Claudius Four a été exhumé et rendu à sa famille en juillet 1948.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20719, notice COSSONNEAU Émile, Auguste par Robert Balland, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 24 février 2020.

Par Robert Balland, Jean Maitron, Claude Pennetier

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

SOURCES : Arch. Dép. Seine-et-Oise, 2 M 35-38, M conseil général, non cl. — Arch. Jean Maitron. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires français. — G. Bourgeois, Le Groupe parlementaire communiste d’août 1939 à janvier 1940 : la question des démissionnaires, mémoire de maîtrise, op. cit. — Idem, thèse du IIIe cycle, 1983. — Histoire du Parti communiste français, Éditions Unir, t. 2. — Étienne Fajon*, Ma vie s’appelle liberté, 1976. — Jacques Duclos*, Mémoires, t. 3. — Témoignage de Jean Bartolini recueilli par Jacques Girault. — Renseignements fournis par la mairie de Neufchâtel-en-Bray, 30 septembre 1982 : « J’ai contacté certaines personnes bien informées des faits de guerre en notre ville, mais le nom du monsieur précité ne figure pas dans leurs archives » (l’agent d’enquêtes). — Notes de Guy Marival.

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