WANG Jianzhong 王剑仲

Par Alain Roux

Receveur à la Compagnie Anglaise des Autobus de la Concession Internationale de Shanghai.

Wang Jianzhong est entré au service de la Compagnie Anglaise des Autobus de la Concession Internationale de Shanghai au début des années 1930. Il y était le receveur n° 278. En mai 1932, il dirigea dans son entreprise une grève étroitement corporatiste des seuls receveurs. La cause en était les efforts déployés par la Compagnie pour combattre la pratique du « squeeze » : certains receveurs gardaient pour eux une partie du prix du titre de transport payé par les usagers, auxquels ils avaient proposé une ristourne. C’était du gagnant-gagnant pour les receveurs et les clients et du totalement perdant pour l’entreprise. Cette dernière édita des tickets de couleurs différentes selon les sections du parcours pour mettre fin à cette pratique. Wang Jianzhong offrit ses services à la Compagnie dans son combat contre le squeeze, en assortissant son soutien de l’acceptation par la compagnie d’une forte hausse des salaires afin de compenser le manque à gagner des receveurs. Le 1er mai 1933 il inaugura dans les locaux de la Compagnie, Connaught Road, le siège d’une Association pour le perfectionnement professionnel des receveurs dont il était le président : 350 receveurs – la quasi-totalité des effectifs - avaient rejoint cette association. Il était le protégé de Zhang Zhusan* qui publiait un mensuel, La Roue (Chelun yuekan), pour le compte d’une Alliance mutuelle des chauffeurs et des receveurs. Le tout sous le regard intéressé de Lu Jingshi*
Pendant la guerre sino-japonaise, les services de Dai Li recrutèrent Wang Jianzhong dans la police secrète du juntong. À ce titre il luttait contre les Japonais et les « traitres chinois » puis, quand l’issue du conflit se fut précisée, contre les communistes. Membre de la section 76 du GMD il fut nommé commissaire du parti nationaliste à la cotonnière Shenxin n° 9 : il y prit la direction du syndicat tenu au lendemain de la victoire par des militants communistes clandestins après la manifestation du 23 juin 1946 contre la guerre civile qui avait obligés ces derniers à se démasquer. Passant la main à des dirigeants très effacés et en gardant le contrôle du syndicat, il devint aussi président de l’Association pour le bien-être ouvrier de l’entreprise (Fulihui) et fut placé à la tête de la brigade de protection de l’usine (baochandui). Ce réseau, dont il était le chef, distribuait de l’argent à ses clients, dénonçait « les mauvais éléments » à la police, et avait fait du syndicat une sorte de club que les ouvriers avaient désigné comme « le dancing » ou « la morgue ». L’espace revendicatif laissé vacant fut peu à peu investi par Wang Zhongliang* qui lui disputa la direction du syndicat en s’appuyant sur les voyous de Putuo. Ce conflit dans les coulisses entre « labor bosses » joua un rôle important lors de la spectaculaire grève de 6.000 ouvriers de la cotonnière entre le 31 décembre 1947 et le 2 février 1948 (voir à Zhang Guangming*). Dans son rapport de février 1948, le « labour attaché » britannique Hunt y voit « un conflit entre un président du syndicat détesté des ouvriers accusé d’être à la botte du patron et de détourner la caisse et un rival qui a développé une plate-forme revendicative associé à un troisième groupe, celui du Corps de la jeunesse des trois principes du peuple ». Alors que les grévistes occupaient l’usine, Wang Jianzhong et ses lieutenants se tinrent aux côtés de ceux qui préparaient l’assaut.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article207272, notice WANG Jianzhong 王剑仲 par Alain Roux, version mise en ligne le 10 octobre 2018, dernière modification le 5 novembre 2022.

Par Alain Roux

Sources : Roux 1991 et Roux 2002

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