ZHANG Chuqiang 张楚强 [TSANG Tsoo jang]

Par Alain Roux

Responsable du BAS de Shanghai durant la décennie de Nankin, dirigeant syndical favorable au GMD « réformé » de Wang Jingwei et un « traitre chinois » durant la guerre sino-japonaise.

C’est un responsable du BAS de Shanghai durant la décennie de Nankin qui devint durant la guerre sino-japonaise un dirigeant syndical favorable au GMD « réformé » de Wang Jingwei et un « traitre chinois ».
Il présidait le comité de médiation en mai 1934 lors d’un conflit du travail à l’usine de tissage et de teinture de coton Xiefeng. Il en fut de même le 14 mars 1935 lors de la grève aux deux usines anglaises Ewo (Yihe) de Yangshupu. En novembre 1936, il fut envoyé par les autorités GMD de Shanghai enquêter sur les incidents survenus le 6 du mois à la cotonnière japonaise Dakang de Yangshupu : il était alors dans les meilleurs termes avec Lu Jingshi* et la clique CC. Il l’était toujours lors de la médiation qui mit fin à la grève de la cotonnière anglaise Gongyi durant laquelle il avait demandé l’arrestation de huit ouvriers. Il était alors une des étoiles montantes du GMD en charge du monde ouvrier shanghaien. Ce fut d’ailleurs lui qui eut à gérer la grève massive des ouvriers tisseurs de soie qui avait commencé en février 1937 : la structuration de cette aristocratie ouvrière en amicales régionales concurrentes rendait la tâche particulièrement difficile. Après diverses vicissitudes qui firent croire à un moment au succès de sa périlleuse médiation, il tomba dans un piège le 23 avril quand il se rendit à un rendez-vous au siège du syndicat des tisseurs de soie du quatrième arrondissement (est de la Concession Internationale ou Yangshupu) : il y fut séquestré et pris en otage. Son intervention défavorable aux ouvriers lors de précédentes médiations l’avait rendu impopulaire. De plus, il chassait sur les terres de Zhou Xuexiang*, un puissant caïd ouvrier protégé lui aussi par Lu Jingshi*. Il dut piteusement envoyer un billet à la police pour qu’elle vienne à son secours.
Cette perte de face explique peut-être son revirement spectaculaire. En effet, un rapport de la Shanghai Municipal Police du 16 décembre 1939 sur les syndicats de Shanghai fait de lui le responsable de la branche de Shanghai-ouest de l’Association chinoise pour le Bien-être ouvrier (Zhonghua gongren Fuyihui) dont le siège était à Gordon Road, au cœur de la Concession Internationale. Fondée par les services secrets de l’armée japonaise (voir à Lin Zijiong* ) cette association aurait compté en janvier 1939 avec sa branche principale de Shanghai-est (Yangshupu) 104.549 adhérents, répartis dans 60 syndicats. Elle se proposait « de lutter contre le communisme, de populariser les vertus chinoises et de travailler au bien-être des ouvriers dans le cadre d’une paix durable obtenue en resserrant les liens amicaux avec les pays voisins ». On aura reconnu les objectifs affichés par le gouvernement réformé de Wang Jingwei. Ainsi Zhang Chuqiang avait mis fin à sa loyauté envers Lu Jingshi* pour passer dans le camp ennemi, tout en troquant son statut de fonctionnaire municipal pour celui de syndicaliste et en passant de Shanghai-est à Shanghai-ouest. Ce bouleversement radical ne fut pas couronné de succès : il échoua durant l’hiver 1939 dans sa tentative pour mettre en grève les ouvriers des cotonnières anglaises de Shanghai-ouest selon les désirs des Japonais. Une note confidentielle d’Eleanor Hinder, une militante de l’YWCA devenue la responsable de l’Industrial Board du Shanghai Municipal Council, expliquait son échec par la méfiance des ouvriers envers le Fuyihui dont les motivations étaient visiblement politiques alors que leurs préoccupations en ces temps difficiles étaient exclusivement économiques. Et les étonnantes reconversions de Zhang Chuqiang ne pouvaient guère les rassurer sur la sincérité de ses convictions ! On peut remarquer que, un an plus tard, les dirigeants du Fuyihui avaient compris la leçon lors de la grève des Shanghai Dockyards et essayaient d’intervenir dans le monde ouvrier en agissant en syndicalistes et non plus en politiciens (voir à Zhang Desheng*).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article207289, notice ZHANG Chuqiang 张楚强 [TSANG Tsoo jang] par Alain Roux, version mise en ligne le 10 octobre 2018, dernière modification le 5 novembre 2022.

Par Alain Roux

SOURCES : Roux, 1991, notamment pp. 1132-1136.

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