ZHU Huiyin 朱彙寅

Par Alain Roux

Contremaître ; président depuis 1946 le syndicat de la cotonnière nationalisée Zhongfang n°3 à Shanghai.

Ce contremaître préside depuis 1946 le syndicat de la cotonnière nationalisée Zhongfang n°3. Située rue de Suzhou à Shanghai ouest, quartier de Putuo, cette usine était l’ancienne cotonnière japonaise Naigai Waita Kaisha n°7. Le syndicat comptait à cette date 1920 adhérents. On voit apparaitre Zhu Huiyin dans deux rapports d’enquêteurs du BAS. Dans un rapport du 19 mai 1947, on a le compte-rendu d’une réunion qu’il avait convoquée le 17 mai en début d’après-midi dans un local syndical situé Macao Raod. Quarante syndicalistes des usines textiles du quartier ont répondu à son appel : ils représentent les travailleurs des cotonnières Zhongfang 2,3 et 4, de la Rongfeng n°1, de la Xinyu n°2, des filatures Defeng et Gongyong et de l’usine de tissage et de teinture Hengzhang. Zhu Huiyin donna la parole à *Tang Guifen, la présidente du syndicat de la cotonnière Tongyi toute proche, qui siègeait au sénat municipal de Shanghai et mènait campagne pour le maintien de l’indexation des salaires sur l’indice officiel du coût de la vie, que le gouvernement venait de geler par décret. Ce mouvement de protestation s’accompagnait de grèves et de manifestations de rue. Une résolution fut mise aux voix et votée à l’unanimité. Ce qui est remarquable, c’est que Tang Guifen était une militante communiste clandestine. Or Zhu Huiyin, qui avait été élu à la CA du Syndicat Général ouvrier de Shanghai (GLU) en septembre 1946, y était consideré comme un homme de Lu Jingshi* et du juntong, : il ne pouvait ignorer que cette redoutable police secrète avait repéré l’apparttenance poliutique de Tang Guifen. Il était d’ailleurs l’adjoint au GLU de Zhu Junxin*, un syndicaliste de la Compagnie Française de l’eau et de l’électricité (« les tramways de Shanghai ») qui était responsable du service d’inspection et d’enquête de cette centrale ouvrière, lequel était également un communiste clandestin surveillé par la police. Faut-il en conclure que Zhu Huiyin serait une « taupe » communiste ? Un autre rapport, en date du 17 juillet 1948, soit plus d’un an plus tard, donne une tout autre image de notre syndicaliste ! Il y est écrit que, quelques jours plus tôt, profitant d’une des fréquentes coupures de courant qui paralysaient alors la production, une soixantaine d’ouvriers de la Zhongfang n°3 avaient accompagné cinq d’entre eux pour aller « demander des comptes », avec une rudesse toute prolétarienne, au président Zhou Huiyin pour sa gestion des fonds du syndicat. Ils exigeaient la réunion immédiate d’une assemblée générale des ouvriers « car il (=Zhu Huiyin) était corrompu et la CA du syndicat était trop faible pour jouer son rôle (= le contrôler) ». La direction sanctionna ces ouvriers en colère pour « abandon de poste ». L’enquêteur du BAS demanda que la sanction fut levée et que le syndicat fut réorganisé. Mais Zhu Huiyin obtint le renvoi des cinq ouvriers qui avaient initié ce mouvement, qui se plaignirent par lettre au maire de Shanghai. Membre de la « clique des études politiques » il était de notoriété publique que ce dernier était hostile au juntong. On le voit : Zhu Huiyin était sans doute un de ces « gourdins ouvriers » (gun gunzi) caractéristiques du mouvement ouvrier shanghaien de l’immédiate après-guerre. Jouant sur les luttes intenses qui déchiraient alors le GMD, il faisait feu de tout bois pour conserver son assise ouvrière, quitte à se brûler et à affaiblir son propre camp.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article207301, notice ZHU Huiyin 朱彙寅 par Alain Roux, version mise en ligne le 10 octobre 2018, dernière modification le 5 novembre 2022.

Par Alain Roux

SOURCES : Roux 1991. — Les rapports cités se trouvent aux Archives municipales de Shanghai.

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