VOLLE Lucien [VOLLE Lucien, Basile, Eugène]. Pseudonyme : Capitaine Lulu

Par Marie-Cécile Bouju, Henri Destour

Né le 27 janvier 1922 à Le Puy (Haute-Loire), mort le 4 août 2012 à Saint-Étienne (Loire) ; résistant, conducteur typographe 1936-1941), militaire, officier (1944-1951), journaliste (1951–1967), correcteur d’imprimerie et de presse (1967-1982) ; Résistant de l’Armée secrète. Membre du Parti communiste français, membre du bureau national de l’ANACR, passeur de l’histoire et de la mémoire de la Résistance.

Fils d’Adrien Volle, chauffeur, et d’Hélène Terle, épicière, Lucien Volle avait treize ans au décès de son père. Lucien Volle avait le certificat d’études primaires. Il était conducteur typographe. Il quitta l’école à 14 ans et s’embaucha dans une imprimerie où il devint conducteur-typographe. C’était un sportif accompli pratiquant le rugby, la gymnastique et l’athlétisme où il excellait au saut à la perche.
Le 29 juillet 1940, au Puy-en-Velay (Haute-Loire), il épousa Gisèle Grasset peu avant la naissance de la première de leurs six enfants Jacqueline. Le couple eut cinq autres enfants : Mireille (1944), Marie-Hélène (1947), Daniel (1948), Dominique (1952) et Marcel (1955).
Au début de la guerre, il travaillait avec ses parents au Puy-en-Velay, puis à la SNCF. Le 1er mars 1942, il fut envoyé aux Chantiers de jeunesse à Châtel-Guyon et en revint en décembre.
Menacé de départ pour l’Allemagne par des mesures préfigurant le STO instauré par la loi du 16 février 1943, il entra à la SNCF comme aide-poseur de voies pour échapper à la réquisition. Fin juillet, il reçut son ordre de départ pour Stettin en Prusse orientale et décida de rejoindre le maquis des Mouvements unis de la résistance (MUR), constitué de réfractaires, au lieu-dit Faurie, au pied du Pic du Lizieux, près du Mazet-Saint-Voy (Haute-Loire).
En novembre 1943, profitant d’un relatif assouplissement des réquisitions, la direction départementale des MUR décida de dissoudre le maquis pour le remplacer par une nouvelle organisation de « sédentaires » mobilisables à tout moment. Lucien fut alors sollicité par le chef de section du Puy pour mettre sur pied un groupe-franc chargé des opérations « militaires ». Rapidement, il rassembla une quinzaine d’hommes, venus pour la plupart des milieux sportifs et des pompiers qui, plus tard, fournirent les cadres du corps-franc Lafayette, puis du maquis et de la Première compagnie du Groupe Lafayette. La première opération d’envergure fut l’enlèvement, dans la nuit du 22 au 23 décembre 1943, de la statue de Lafayette, un bronze de près d’une tonne que les Allemands avaient fait déposer par la municipalité vichyste pour le faire fondre. L’événement eut un écho considérable en Haute-Loire, d’où le marquis était originaire, mais aussi à Londres et aux États-Unis.
Début 1944, le corps-franc Lafayette multiplia les actions : réquisitions de vêtements, de vivres, de matériel, représailles contre des collaborateurs… Le 29 mars, Lucien fut arrêté et interrogé après l’exécution de l’un d’entre eux. Il parvint, avec l’aide du commissaire Crapoulet, à fournir un alibi qui lui laissa le temps de quitter la ville et de gagner le maquis. En juin, tous les résistants de la Haute-Loire furent mobilisés pour former l’armée d’Auvergne au Mont Mouchet, Saugues (Haute-Loire) étant le premier point de ralliement. En chemin, le groupe Lafayette fut pris dans une embuscade allemande au lieu-dit Rossignol, sur la commune de Saint-Jean-Lachalm où il subit des pertes. Après de durs accrochages, il put rejoindre Saugues où deux jours plus tard il affrontait l’offensive de la Wehrmacht et des GMR contre le Mont Mouchet. Dans ces combats, Lucien avait fait preuve d’un esprit de décision et de qualités de commandement qui lui valurent d’être nommé lieutenant des FFI. En août 1944, dans la nuit du 16 au 17, le groupe Lafayette investit la prison du Puy et fit évader 59 personnes dont 24 résistants qui risquaient de devenir des otages. C’était la troisième évasion de cette maison d’arrêt réputée inviolable. Le 18 au soir, les maquisards prenaient position dans la ville. Après une nuit de combats, ils occupèrent la cour de la caserne. Lucien conduisit la négociation avec le commandant de la garnison restante (170 hommes) et, vers 16 heures, le Rittmeister Coelle, lui remit sa reddition.
Après la libération du Puy, le lieutenant Volle fut nommé capitaine des FFI et ouvrit le défilé avec ses hommes qui formaient maintenant la Première compagnie du groupe Lafayette. Quelques jours plus tard, il intégrait, avec de nombreux camarades, la Première armée française commandée par le général De Lattre de Tassigny qui remontait de Provence. Sur la route de Strasbourg, ils firent face à une violente contre-offensive allemande dans le Territoire de Belfort où plusieurs d’entre eux perdirent la vie. Après l’armistice, il s’engagea dans la Première armée comme sous-lieutenant et fut nommé lieutenant en septembre 1945. Il suivit alors la formation de l’École des cadres d’Aix-en-Provence en avril 1946, de l’École d’application de l’infanterie d’Auvours en novembre. Il fut affecté au 14ème bataillon d’infanterie en 1947 puis au 24ème régiment de chasseurs à pieds en 1948 avant d’être nommé à Oran en Algérie. Au cours d’un dîner d’officiers, il s’éleva contre des exactions rapportées par certains de ses collègues et fut muté à Saïgon dans des postes comportant peu de responsabilités, au 3ème bataillon du régiment mixte cambodgien puis au commandement des supplétifs. Rappelé à Paris en décembre 1950, il dut quitter l’armée le 25 novembre 1951, réformé par mesure de discipline.

Après son départ de l’armée, il adhéra au Parti communiste français dont il partageait les idées depuis plusieurs années, et à la Fédération des Officiers de Réserve Républicains (FORR). Il évoque son cheminement page 78 de son livre : « Ce n’est, en ce qui me concerne, qu’en 1945 en Allemagne au 126ème RI, que j’aurai véritablement le contact avec mes amis FTP. A ma jeune ardeur patriotique et de révolté, ils apporteront une vision qui semblait plausible sur le monde et sur les moteurs de son évolution. La fraternité de leur comportement envers l’officier de l’AS-MUR que j’étais (Ô péché originel pour quelques esprits obtus) me liera à nombre d’entre eux pour la vie en dépit du fait que, au fil des ans, la totale confiance que j’avais, en ce temps-là, en l’Homme soit devenue beaucoup plus sélective. » A son retour à la vie civile, il s’installa à Saint-Etienne où il devint journaliste et membre du comité de rédaction du quotidien communiste de la Loire, Le Patriote, qu’il quitta pour rejoindre l’équipe nationale de l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR) à Paris. Au milieu des années 50, il lui fut proposé un emploi de journaliste-rédacteur à la Fédération Internationale des Résistants, organisation de coordination des associations d’anciens combattants de la Résistance, créée en 1951. Fin 1956, il quitta Paris pour Vienne (Autriche) où il allait séjourner dix ans, voyageant dans de nombreux pays de part et d’autre du rideau de fer.

A Vienne, il rencontra Mélanie Berger, militante antinazie à Vienne et résistante en France qu’il épousa le 14 juin 1965, après avoir divorcé de Gisèle le 22 octobre 1964. En 1967, ils regagnèrent Paris où, ayant passé avec succès l’examen professionnel, il devint correcteur d’imprimerie. En 1969, le couple s’installait à Drancy où Lucien, s‘il n’occupa jamais de mandat électif ou de responsabilités politiques notables, déploya une intense activité à l’ANACR pour la défense des droits des anciens combattants résistants, pour la lutte antifasciste et la mémoire de la Résistance.
Après leur retraite en 1982, le couple s’installa à Brives-Charensac près du Puy-en-Velay. En 1985, il était vice-président délégué de l’ANACR, dont il fut membre du bureau national jusqu’à son décès mais également président de la Section de la Haute-Loire qu’il avait fondée et vice-président départementale de l’Union Nationale des Anciens Combattants. Il était aussi un militant actif du syndicat du livre CGT.
De 1974 à 1976, avec quelques amis de la FORR, il mena une longue bataille juridique et administrative pour le rétablissement des droits à pension et à reconstitution de carrière des anciens combattants d’Indochine qui, comme lui, s’en voyaient privés par une interprétation restrictive de la loi d’amnistie du 16 juillet 1974. Les demandeurs reçurent, entre autres, l’appui de Jacques Barrot, alors ministre du gouvernement Raymond Barre, fils de Noël Barrot, ancien président du Comité de Libération d’Yssingeaux (Haute-Loire), maire de la ville et député MRP de la Haute-Loire de 1945 à 1966. Une instruction du ministre de la Défense Yvon Bourges précisant l’application de la loi leur donna satisfaction le 8 août 1976.

Au-delà de la défense des intérêts matériels et moraux des anciens combattants résistants, il s’investit dans la mémoire et le témoignage sous toutes les formes : articles de presse, rencontres avec des scolaires, expositions, commémorations et manifestations diverses, présidence du comité départemental du Concours national de la Résistance et de la Déportation. Il écrivit l’histoire du groupe Lafayette dans un ouvrage qu’il publia à compte d’auteur (op. cit.) et qui connut cinq rééditions.

Lucien Volle est décédé le 4 août 2012 à Saint-Étienne où il était hospitalisé.

Il avait reçu de nombreuses distinctions honorifiques : en 1947, âgé de 25 ans, la croix de guerre avec palmes ; la médaille de la résistance ; il a été fait chevalier de la Légion d’honneur. Son action auprès des scolaires lui avait également valu le grade d’officier des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article207423, notice VOLLE Lucien [VOLLE Lucien, Basile, Eugène]. Pseudonyme : Capitaine Lulu par Marie-Cécile Bouju, Henri Destour, version mise en ligne le 14 octobre 2018, dernière modification le 29 avril 2022.

Par Marie-Cécile Bouju, Henri Destour

ŒUVRE : Lucien Volle. Par ceux qui l’ont faite : la Résistance, des maquis de la Haute-Loire jusqu’au bord du Rhin, la singulière épopée du « Groupe Lafayette ». Brives-Charensac : L. Volle, 1987, 360 p.

SOURCES : SHD GR 16 P 598968 et GR 8 Ye 95062. – Paul Chauvet. La Résistance chez les fils de Gutenberg dans la Deuxième Guerre mondiale. Paris : à compte d’auteur, 1979, p. 205-206.— État civil. — Archives de Mélanie Berger-Volle. — Enquête et entretiens de Michelle et Henry Destour auprès de Mélanie Berger-Volle, militante du Mémorial de la Loire, en novembre-décembre 2018.— Volle Lucien (Capitaine Lulu) , Des maquis de la Haute-Loire jusqu’au bord du Rhin. La singulière épopée du « Groupe Lafayette », Brives-Charensac, à compte d’auteur, 4ème édition, 2016, 407 pages.

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