SIGLER Moïse

Par André Balent

Né le 16 mars 1908 à Piatra (Roumanie), tué le 17 novembre 1943 à Camarade (Ariège) ; médecin ; interné ; affecté à un Groupement de travailleurs étrangers en Ariège ; sympathisant communiste en 1942-1943 ; résistant de l’Ariège (FTP-MOI puis FTPF de l’Ariège : 3101e compagnie de FTPF, maquis de Camarade (Ariège)

Moïse Sigler naquit à Piatra (aujourd’hui Piatra Neamt) ville située en Moldavie roumaine, au pied des Carpathes. Cette ville avait en 1907, une communauté juive qui représentait presque 50 % de sa population. C’était le fils de Salomon et de Gisèle Buvin (Ruvin ?). Il quitta Piatra pour la France où il arriva en novembre 1928.

Il résida d’abord à Nancy (Meurthe-et-Moselle) de 1928 à 1929, puis à Tours (Indre-et-Loire) de 1929 à 1934. Il s’installa ensuite à Paris où il résida jusqu’au 2 septembre 1939. Dans la capitale, il habitait 140 rue Ledru-Rollin dans le XIe arrondissement. Mais nous ignorons où il fit les études qui lui permirent de soutenir un doctorat de médecine . Il n’ a pas exercé la profession de médecin, Nous ignorons quelle était par ailleurs sa profession. Il avait cependant des revenus qui lui permettaient une certaine aisance. Demeuré célibataire, Sigler eut un fils, né en 1940. En 1943, il était signalé comme mesurant 1 m 54, avec les yeux gris verts et les cheveux blonds

Le 2 septembre 1939, il s’engagea au 22e Régiment de marche de volontaires étrangers (RMVE) rattaché à la Légion étrangère et formé au Barcarès (Pyrénées-Orientales ). Après une période d’instruction au camp du Larzac, cette unité composée de républicains espagnols arrivés au moment de la Retirada, fut envoyé sur le front. Pendant la campagne de France de mai-juin 1940, elle fut engagée dans la région de Péronne (Somme) dans de durs combats auxquels Sigler participa. Sigler fut démobilisé à Nîmes (Gard) en août 1940.

Moïse Sigler resta à Nîmes jusqu’au mois de décembre de 1940 Il s’installa ensuite à Néris-les-Bains (Allier). Il fut arrêté à Néris et condamné, le 4 septembre 1941, par le tribunal correctionnel de Montluçon (Allier) à quinze jours de prison, 200 F. d’amende pour « exercice illégal de la médecine », falsification de carte d’étranger, infraction à la loi sur les séjours d’étrangers en France. Il purgea sa peine à la prison de Montluçon. Il résida ensuite à Budelière (Creuse). Étranger apatride, il était par ailleurs interdit d’exercer la médecine, ce qui rendait son existence extrêmement difficile et l’obligeait à vivre en marge de la légalité. Le 29 janvier 1941, il formula une demande d’émigration vers les États-Unis qui fut accueillie favorablement mais ne reçut pas de suites.

Repéré par les autorités, il fut à nouveau arrêté à Budelière le 25 novembre 1941. Sa carte d’identité d’étranger lui fut retirée le 27 novembre 1941 par la gendarmerie de Chambon (Creuse). Ce même jour, il fut transféré au camp du Vernet-d’Ariège (Ariège). À ce moment-là, ses revenus s’élevaient à 2500 francs par mois. Il déposa la somme de 3000 francs à la caisse du camp. Il déclara aussi n’avoir jamais « fait de politique ». La direction du camp estimait cependant qu’il était « un sympathisant communiste ». Le 24 février 1942, il fit au Vernet, une demande non suivie d’effet bien qu’ayant reçu un avis favorable, pour être affecté comme médecin à un Groupement de travailleurs étrangers (GTE) à Luzenac (Ariège). Le 21 février 1943, il fut transféré au camp de Gurs (Basses-Pyrénées / Pyrénées-Atlantiques). Dans ce camp, il reçut le numéro matricule 9937 et fut affecté à la baraque 36 du quartier C. Il réintégra le camp du Vernet le 16 mars 1943. Finalement, il fut affecté au 721e GTE de Saint-Jean-de-Verges (Ariège) et fut détaché de ce dernier, par ordre du 6 septembre 1943, à l’usine de phosphates de Castelnau-Durban (Ariège). Dès le 7 septembre, il se trouvait à Castelnau-Durban. Il est mentionné que, deux jours après, le 9 septembre il fut dirigé vers le camp de Noé (Haute-Garonne). Mais s’il y est réellement allé, il n’y resta pas car, par la suite, il fut signalé comme travaillant à Castelnau-Durban. Il quitta clandestinement l’usine de Castelnau-Durban et gagna le maquis que les FTPF venaient d’établir dans la ferme abandonnée de Ponce, dans la commune de Camarade (Ariège), située comme Castelnau-Durban dans le massif pré-pyrénéen du Plantaurel comme, aussi, Rimont. La commune de Camarade faisait partie de cette zone du Plantaurel, autour du Mas d’Azil (Ariège) où était installée une communauté protestante plutôt favorable à la Résistance.

À l’origine du maquis de Camarade, nous trouvons Roger Thévenin alias « Alain ». Ce jeune catholique de Morez (Jura) avait quitté les chantiers de jeunesse de Castillon (Ariège) où il avait été affecté. La postière résistante de Rimont le mit en contact avec les FTPF qui étaient en train de se structurer en Ariège sous la direction de Jean Gaudillat de Saint-Girons (Ariège), du Toulousain Léon Balussou, de l’ancien interbrigadiste Alexis Audéon et du Provençal Albert Busa basés aussi dans le Plantaurel oriental à Pailhès (Ariège). Thévenin, intégré à cette ébauche d’état-major des FTPF ariégeois, forma avec des réfractaires au STO, dans les environs de Rimont, l’un des tous premiers maquis ariégeois de cette mouvance, avec celui de Péreille. Thévenin responsable politique du maquis en assurait la direction avec Jean Géraud, le responsable militaire. Le maquis établit ensuite ses cantonnements successifs sur le territoire de la commune de Camarade, d’abord à la ferme de Las Fustes et ensuite à la ferme abandonnée de Ponce. C’est là que Sigler intégra le maquis. Un autre travailleur du GTE détaché à Castelnau-Durban, le Russe Serge Kirilov, gagna aussi de maquis de Camarade à la ferme de Ponce. Le maquis rassemblait une dizaine de maquisards ravitaillés par Louis Pons.

La conduite de ce maquis fut trop imprudente, les mesures de précaution élémentaires n’étant pas prises. Jean Lagrèze, des Basses-Pyrénées, nouveau COR (commissaire à l’organisation régional) des FTPF ariégeois, le constata lors d’une « inspection ». Les mesures qu’il préconisa ne purent endiguer le mal . Sipo-Sd et collaborationnistes étaient au courant de la présence du maquis à Camarade. La veille du 17 novembre 1943, deux faux réfractaires vinrent à Camarade où ils demandèrent qu’on leur indiquât la localisation du maquis. Ils étaient en fait un Allemand de la Sipo-SD et un Français de Saint-Girons (Ariège) membre des groupes d’action collaborationnistes « Justice sociale « et du PPF (Parti populaire français). Le 17 novembre 1943, à quatre heures du matin, des Allemands occupèrent Camarade. Au hameau de Lavielle, ils arrêtèrent Camille Gros, né en 1886. Cultivateur, aubergiste, débitant de boissons et cordonnier né en 1886, Gros avait été naïvement trop bavard. Ils s’emparèrent de son fils Jean-Marie Gros et de son valet de ferme le jeune réfugié républicain espagnol Alberto Fajardo. Accompagnés de ces deux otages, ils investirent la ferme de Ponce. Ils y arrivèrent sans encombre car la sentinelle, Michel Grankowski qui s’était endormi sous ses couvertures, sur lesquelles étaient tombés 5 cm de neige pendant la nuit. Ce dernier, seul témoin survivant de la scène put réchapper du massacre qui allait suivre. Deux soldats entrèrent dans la grange, mitraillette au poing et tirèrent aussitôt.
Il est probable qu’ils tuèrent Moïse Sigler à ce moment-là, car son cadavre fut le seul que l’on retrouva près de la porte d’entrée. Son corps fut le seul qui ne fut brûlé que sur le dos dans l’incendie qui suivit, provoqué par des tirs d’armes automatiques et surtout de grenades incendiaires qui enflammèrent rapidement la paille et les réserves de bois entreposées dans l’édifice. On pense que Sigler a pu : soit être alerté par le bruit des Allemands soit surpris par l’entre inopinée des Allemands alors qu’il s’apprêtait à relever de son tour de garde Michel Grankowski. Les autres cadavres, entièrement consumés, se trouvaient au nombre de six dont cinq furent identifiés. André Chaubet, Alberto Fajardo Luís, Jean Géraud, Jean-Marie Gros, Roger Thévenin. Le sixième celui d’un inconnu fut confirmé par Gaston Escaich, secrétaire de mairie de Camarade qui procéda à l’inhumation des cadavres dans le cimetière communal du hameau de Lavielle, lieu où ils reposent toujours. Cet inconnu pouvait être celui d’un homme d’un maquis voisin de passage à Ponce. Il pourrait être celui de Laurent Ferrer.

Une stèle a été érigée et une plaque apposée afin de perpétuer le massacre du 17 novembre 1943. Six noms y furent gravés. La victime inconnue n’y est pas mentionnée. Chaque année, une cérémonie est célébrée en mémoire des FTPF morts à Camarade.
Voir Camarade (Ariège), 17 novembre 1943

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article208149, notice SIGLER Moïse par André Balent, version mise en ligne le 30 octobre 2018, dernière modification le 23 avril 2022.

Par André Balent

SOURCES : Arch. Dép. Ariège, 64 J 23, fonds Claude Delpla, dossier Sigler Moïse et autres fiches issues du ministère des Anciens combattants. — Site camarade.arize-lèze.fr consulté le 29 octobre 2018. — Site histariège, consulté le 30 octobre 2018. — Site MemorialGenWeb consulté le 29 octobre 2018. — Le Petit journal, édition de l’Ariège, hebdomadaire, 15 novembre 2017.

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