Saint-Jean-en-Val (Puy-de-Dôme), Sarpoil, 27 décembre 1943

Par Eric Panthou

Le 27 décembre 1943, un convoi du maquis FTP Gabriel-Péri est arrêté par un barrage allemand. Quatre résistants sont fusillés immédiatement et un cinquième meurt brûlé dans le véhicule où il se cachait.

Représentation de l’attaque de Sarpoil parue dans La Voix du Peuple, organe de la fédération communiste du Puy-de-Dôme.

Le camp Gabriel-Péri, était très actif dès 1943 et avait enlevé quelques jours auparavant un camion Ford, une ambulance militaire et divers matériels de l’armée allemande. Et 48 heures avant Noël, les maquisards avaient récupéré à l’abattoir de Riom les vivres entreposés destinées aux officiers allemands de Clermont et Royat pour fêter Noël.
Cette unité était très mobile pour éviter d’être repérée. On l’avait alerté sur les mouvements nombreux des Allemands et la Milice, c’est pourquoi les dirigeants décidèrent de se déplacer des Combrailes au nord ouest du département, vers la Haute-Loire au sud-ouest.
L’unité était stationnée à Vergheas quand le maire vint informer les maquisards qu’une attaque allemande imminente se préparait contre eux. Au nombre d’une quarantaine et peu armés, les hommes n’étaient pas en mesure de s’opposer aux Allemands et partirent immédiatement au Sapt, près de Saint-Germain-l’Herm, après être passés par des routes détournés pour éviter les GMR. Là, le maquis a la malchance d’être dénoncé par une jeune femme habitant Clermont-Ferrand et de passage dans sa famille au moment des fêtes de Noël. Mais là encore, le maquis est prévenu de l’intervention via des agents des PTT. Pour éviter le barrage sur la route de Parentignat, il est décidé de tourner sur la route direction Ardes-sur-Couze.
Durant l’après-midi, René Crozet, Paul Langlois, je chauffeur, et Paul Maraval, alias l’Araignée, descendirent chez le garagiste du Vernet-la-Varenne.
Vers 19 heures, alors que la neige était abondante, le convoi partit en direction d’Ardes-sur-Couze. C’est au cours de ce déplacement de Saint-Germain-l’Herm vers les bois de Fournol qu’il fut intercepté. Le commandant Max, Jean Rochon, était parti rendre compte à l’état-major départemental FTP à Clermont-Ferrand. Pendant son absence, Charles Jouan alias Charlot qui assurait l’intérim, apprit que les Allemands étaient au courant de leur présence à Sapt, aussi décida-t-il de rejoindre la route Issoire-La Chaise-Dieu.
Le premier véhicule, une voiture 402 Peugeot, était conduit par Charles Jouan, en compagnie de Robert Delmas, le commandant du camp, dit Lucien. Charles Jouan démarra en trombe quand arrivant à un barrage allemand à Sarpoil, on lui ordonna de descendre. Les hommes de la 402 tirèrent sur les Allemands sans que ceux-ci purent riposter, et la voiture put s’enfuir.
Les Allemands ont alors tiré sur l’ambulance qui arrivait avec 4 hommes à bord et ils abattirent le chauffeur, Paul Langlois, et son voisin, Jean Casanova alias Gaston. L’ambulance chavira dans le fossé. Raymond Aurousset fut blessé très gravement en sortant, comme ce fut le cas de René Crozet dit Jimmy, qui était à l’arrière et détenait un fusil mitrailleur. Il faillit être abattu une première fois à bout portant alors qu’il était au sol, mais la proximité de maisons avec des lumières allumées permirent à ses camarades d’abattre l’Allemand. Lui et Raymond Aurousset, dit Frédo furent alors emmenés à Issoire dans le but de les faire parler. Aurousset est mort sur la table d’opération. Crozet fut soigné et parvint à s’enfuir après sa guérison, pour rejoindre le maquis.
Les hommes dans le dernier véhicule, le camion eurent le temps de sauter à terre, mais étaient insuffisamment armés.

Une balle mit le feu à un bidon d’essence puis aux grenades offensives à proximité, ce qui fit brûler l’ambulance où étaient cachées des grenades et du plastic, mais aussi Jean Casanova. Son corps ne fut retrouvé, carbonisé, que le lendemain.
Paul Langlois, dit Richard, et Jean Guillaume, dit Léo avaient été tués immédiatement. Une dernière victime est désignée sous le nom de Patriote belge dit Raoul. Il s’agit d’Henri May.
Les échanges de tirs avec le reste des maquisards firent sans doute plusieurs victimes côté allemand. Un article paru dans le journal de l’ANACR du Puy-de-Dôme en 1972 parle de 37 Allemands allongés au sol, tués pour la plupart, chiffre certainement démesurément exagéré. René Crozet affirme que les gendarmes et policiers d’Issoire lui déclarèrent que les Allemands avaient eu entre 45 et 50 morts ou blessés.

C’était la première fois qu’une formation armée de la Résistance en Auvergne affrontait l’armée allemande.
Depuis, une stèle a été élevée par les habitants de Sarpoil.
Ce récit a été établi par deux gendarmes de Sauxillanges, réquisitionnés par les Allemands et qui furent témoins de ces événements.
C’est grâce à une enquête menée plusieurs décennies après par René Crozet que Jean Casanova fut identifié. En 1972, le patriote inconnu brûlé vif était présenté comme un dénommé Raoul et belge alors que dès 1947, son nom, Henri May, figurait sur l’état des morts ayant appartenu au Camp Gabriel-Péri.
Les photographies de quatre des victimes, non identifiées, sont conservées au sein d’une archive privée.
Liste des victimes :
Raymond AUROUSSET
Jean CASANOVA
Jean-Louis GUILLAUME
Paul LANGLOIS
Henri MAY

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article208259, notice Saint-Jean-en-Val (Puy-de-Dôme), Sarpoil, 27 décembre 1943 par Eric Panthou, version mise en ligne le 3 novembre 2018, dernière modification le 11 novembre 2021.

Par Eric Panthou

Représentation de l’attaque de Sarpoil parue dans La Voix du Peuple, organe de la fédération communiste du Puy-de-Dôme.
Stèle en hommage aux 5 victimes à Saint-Jean-en-Val

Sources : SHD Vincennes, 19 P 63/5 : état des morts ayant appartenu au Camp Gabriel-Péri. — Philomén Mioch, Les tribulations d’un ouvrier agricole, Nîmes, 1984, 254 p. — « C’était ainsi... Le combat de Sarpoil », Résistance d’Auvergne, n°5, janvier 1972. — "La Bataille de Sarpoil. Extraits du témoignage de Monsieur Crozet ancien résistant et rescapé de ce combat - écrits déposés en Mairie et reproduits tels qu’ils ont paru dans le Bulletin municipal de Saint-Jean-en-Val n°19 de juillet 1986", Le Vigilant, mars 2007, 4 p. — Témoignage de René Crozet, le 13 juillet 1996, 7 p. dactyl., conservé à la mairie de Saint-Jean-d’Heurs. — « Tué à Sarpoil », photographies de quatre résistants tués, archive privée, Clermont-Ferrand.

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