GAY Jeanne, Désirée, née Véret

Par Jacques Cana

Née le 4 avril 1810 à Paris, morte à Bruxelles vers 1890 ; Rédactrice de La Politique des Femmes, en 1848 (Voir Wahry Pierre). Fondatrice du club de l’Emancipation des Femmes. Voir Deroin Jeanne, Niboyet Eugénie. Membre de l’Association internationale des Travailleurs.

De famille ouvrière, Désirée Véret fut convertie à la doctrine de Saint-Simon en 1832.
De caractère combattif et même exalté, elle remit à Louis-Philippe, lors d’une revue, le 10 juin 1832, une supplique où elle lui demandait de « réaliser une vaste organisation industrielle ».
Au mois de juillet 1832, avec une autre saint-simonienne, Marie-Reine Guindorf, elle publia un journal doctrinal pour les femmes. Ce journal, qui devait durer un peu plus d’un an et devait passer sous la direction de Suzanne Voilquin, s’appela d’abord La Femme libre ; il prit ensuite pour sous-titre Apostolat des Femmes, puis il s’appela La Femme de l’Avenir et enfin la Femme nouvelle, tout en demeurant saint-simonien.
Désirée Véret, qui, le 31 août 1832, adressait une déclaration passionnée à Enfantin, ne parait pas avoir attiré son attention. Dès le mois d’octobre, elle se sépara du saint-simonisme et se rallia au fouriérisme. Au printemps de 1833, elle partit pour l’Angleterre, comme couturière. Il semble qu’elle ait eu un contrat de quatre ans. Elle fréquenta à Londres une amie d’Owen, Mrs Wheeler, et, par elle, entra en rapport avec les cercles owénites. A son retour en France, elle semble avoir eu une brève aventure avec Victor Considerant, peu avant le mariage de celui-ci. A la fin de 1837, elle épousa un partisan français d’Owen, Jules Gay, qu’elle avait connu en Angleterre. Un fils, Jean, naquit au début de 1838.

Désirée essaya de fonder, à Châtillon-sous-Bagneux, dans une propriété de sa belle-mère, une maison d’enfants, sous le nom d’institut de l’Enfance. Cette entreprise échoua. Le ménage connut alors des années difficiles. De temps en temps, Désirée Gay intervenait auprès d’Enfantin pour tenter de faire obtenir une place à son mari dans les chemins de fer, en Algérie, etc... Il lui arriva d’autre part d’écrire dans certains journaux socialistes, Le Nouveau Monde, Le Populaire. En 1842, son second fils reçut le prénom d’Owen.

En 1848, dès le 2 mars, elle remit à Louis Blanc deux adresses au Gouvernement provisoire. Dans la première, elle demandait l’aide du gouvernement pour « les femmes du travail et du dévouement obscur ». Dans l’autre, de façon plus concrète, elle demandait que soient nommés des délégués auprès de la Commission du travail pour « pourvoir à l’organisation du travail des femmes, et qu’il soit créé des restaurants nationaux, des buanderies et des lingeries nationales « où le peuple trouverait à bon marché des aliments sains et des soins d’ordre et de pauvreté qu’ils ne peuvent se procurer dans l’isolement ». Le 5 mars, elle reprenait et développait le même projet. Le 5 avril, elle fut choisie par les femmes de son arrondissement pour figurer « parmi les cinq déléguées qui doivent les représenter auprès du Gouvernement provisoire ».
Le 31 mai, dans La Voix des Femmes, elle signait avec Jeanne Deroin et Eugénie Niboyet, une lettre à Étienne Cabet, le félicitant d’avoir demandé, dans une réunion icarienne, l’émancipation immédiate des femmes.
En juillet-août, elle créa le journal La Politique des Femmes où elle se mit en scène dans un dialogue entre une bourgeoise et une socialiste et où elle exposa ses idées. La Politique des Femmes devint L’Opinion des Femmes dont Désirée Gay partagea la direction avec Jeanne Deroin. Elle fut également associée avec celle-ci à la direction de l’Association de Chemises et Nouveautés, 44, rue Richelieu, alors domicile des Gay, puis, 23, faubourg Saint-Denis. À cette association, le Conseil d’encouragement pour les associations ouvrières alloua 12 000 fr le 20 juillet 1849. Le 16 août, Désirée Gay renonçait à percevoir cette somme « ne se trouvant pas en position » d’en profiter.
Dans l’été 1849 les Gay semblent avoir été à l’origine d’une ambitieuse « Association des travailleurs de toutes les Professions et de tous les Pays ». Huit autres personnes figurent au nombre des fondateurs de cette « association d’un nouveau genre », cinq cuisiniers, (Pierre Alliot, Joseph Pialoux, Désiré Grout, Félix Lefèvre, Joseph Tréheux), une corsetière Julienne Sébert (épouse Frémaux), une lingère Henriette Vignot (épouse Alliot) ainsi que la femme de Tréheux, Elisabeth Antoinette Christal. Il s’agissait de créer en communauté à Châtillon-sous-Bagneux un établissement qui assurerait à la fois des fonctions de restaurant, de pension de famille (pour personnes âgées et orphelins) et d’école pour le premier âge. Les vastes perspectives de l’association, qui espérait créer des succursales dans toute l’agglomération parisienne et au delà, avortèrent. En butte aux persécutions de l’administration, et à l’hostilité d’une partie de la population de la commune, qui voyaient en ses membres des « communistes », l’association périclita au printemps 1850 et semble avoir disparu dans l’été.
Sous l’Empire, Désirée Gay dirigea, rue de la Paix, un commerce de modes qui semble avoir prospéré et pour lequel elle eut une récompense à l’Exposition de 1855. Mais il lui fallut s’expatrier avec son mari lors des poursuites que celui-ci encourut et en raison desquelles il préféra quitter la France. (Voir Gay Jules). Ils firent des séjours de durées diverses en de nombreuses villes. En 1868-1869, ils habitèrent à Genève.
Désirée Véret fit partie de l’Internationale (elle signa, avec son mari, le programme de l’Alliance internationale de la démocratie socialiste) et présida temporairement la section des Femmes. À ce titre, elle a « envoyé souvent des télégrammes, des chèques à l’Internationale de Genève pour le compte du Comité central qui chargeait les femmes de ce soin » (Correspondance avec Considerant). C’est alors que son mari édita un ouvrage d’elle : Éducation rationnelle de la première enfance. Manuel à l’usage des jeunes mères.
En 1876, le ménage s’installa à Bruxelles. Elle aida son mari dans des travaux de bibliographie. Entre 1880 et 1890, elle perdit ses deux fils, son frère et son mari. Elle vécut seule, presque aveugle, s’intéressant toujours aux questions sociales et aidant de ses faibles ressources le parti socialiste belge. Elle échangeait avec Victor Considerant une correspondance pleine de réminiscences et de nostalgie.
Au physique, elle n’avait pas « cette beauté, ce charme indéfinissable qui unit, qui lie à tous. Au moral, sa pensée tout artistique ne permettait pas à Désirée de rester attachée à une œuvre de longue haleine ». C’est une de ses amies saint-simoniennes qui parle. Un rapport de police l’appelle « une espèce de folle ». Elle-même se dit enthousiaste et apparaît tant soit peu mystique. Elle a voulu se dévouer et faire œuvre sociale utile ; elle a cherché à jouer un rôle et ce n’est sans doute pas par hasard qu’elle a tenté de s’attacher à Enfantin, « Père » des saint-simoniens, à Considerant, chef de file des fouriéristes, pour épouser finalement celui qui espérait, au moment de leur mariage, devenir en France le représentant de l’école owénite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article208779, notice GAY Jeanne, Désirée, née Véret par Jacques Cana, version mise en ligne le 11 novembre 2018, dernière modification le 23 mars 2022.

Par Jacques Cana

SOURCES : Archives saint-simoniennes (Bibl. Arsenal). - Archives fouriéristes. (Arch. Nat.), notamment correspondance avec Victor Considerant. - Archives d’Etat (Genève). - Procès-verbaux du Conseil d’Encouragement pot, les Associations ouvrières.- Correspondance de Robert Owen (Coopérative Union, Manchester). - La Femme Libre, La Politique des Femmes. Le Populaire, Le Nouveau Monde.
L’essentiel de la biographie de Désirée Véret est dû à M. Jacques Cana. Les recherches faites à Genève, l’ont été par M. Marc Vuilleumier. — Statuts de l’« Association des travailleurs de toutes les Professions et de tous les Pays » (BN, 8-LB55-1051 ; sur Gallica). La République, 4 janvier et 15 octobre 1850 ; Le Constitutionnel, 5 mars 1850.

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