Par Jacques Debesse
Né le 10 juillet 1932 à Pérenchies (Nord) ; mort le 3 septembre 2006 à Étampes (Essonne) ; comptable, cadre technique ; jociste à Lille (Nord) en 1947, fédéral JOC devenu trésorier national puis secrétaire général de la JOC (1957-1962), responsable national du « Loisir populaire » (1962-1965) ; secrétaire CFDT à la section de SEV Marchal à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) de 1966 à 1968, secrétaire général du Syndicat général des travailleurs de l’automobile (SGTA-CFDT) et permanent de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFDT) de 1968 à 1979, membre du Conseil fédéral puis de la Commission exécutive de la Fédération générale de la Métallurgie (FGM-CFDT) de 1968 à 1977, secrétaire confédéral CFDT (1981-1989), trésorier national et secrétaire général adjoint de l’Union confédérale des retraités (UCR-CFDT) de 1991 à 1997.
Fils de Marcel, Désiré Penin, menuisier, et d’Isabelle, Henriette, Joseph Perche, ménagère, Fernand Penin entra à la SNCF comme apprenti chaudronnier après avoir obtenu le certificat d’études primaires en 1946. Il se syndiqua à la CFTC, devint membre de la commission des jeunes CFTC de Lille (Nord) et adhéra à la section JOC de Pérenchies. Il milita également au groupe local de « Loisir populaire », activité de la JOC au service des jeunes travailleurs, qui organisait chaque année plusieurs camps durant les congés, des soirées culturelles et sorties théâtrales. Il contribua au lancement et au développement d’une bibliothèque populaire. Il devint responsable local et fédéral de la JOC.
Employé dans diverses entreprises, il obtint le CAP d’aide-comptable en 1950 et poursuivit ses études en cours du soir au CNAM pour obtenir la qualification de comptable. Incorporé en Algérie pour accomplir ses obligations militaires, il milita ouvertement pour la paix, malgré les dangers encourus du fait de cette opposition à la politique française et aux autorités militaires.
De retour en France, Fernand Penin retrouva ses responsabilités locales à la JOC, mais accepta, en 1957, un transfert en région parisienne pour assumer la responsabilité de trésorier permanent national puis, en 1960, de secrétaire général de la JOC, au sein du siège national du mouvement, au 12 avenue de la Sœur Rosalie à Paris (XIIIe arr.). Fernand Penin présenta le rapport doctrinal Action jociste et efficacité lors du 36e conseil national de la JOC, du 30 octobre au 1er novembre 1960, à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine). En sa qualité de secrétaire général, il participait aux réunions du Comité directeur de l’organe Loisir populaire, qui lui demanda, fin 1962, de devenir responsable national du « Loisir populaire », dont le siège se trouvait également au 12 avenue de la Sœur Rosalie à Paris. Il animait de nombreux stages de responsables de camps de vacances pour les jeunes travailleurs avec un sens aigu de la pédagogie et de l’organisation.
Il quitta le « Loisir populaire » en 1965 pour être embauché chez Renault et devint membre du conseil du syndicat Renault des travailleurs de l’automobile (SRTA-CFDT). Il fut ensuite embauché en 1966 à la SEV Marchal, équipementier automobile à Issy-les-Moulineaux, comme comptable. L’entreprise vétuste comptait 2 800 salariés dont 1 800 femmes, ainsi que de nombreux immigrés, pour la plupart sans qualification, assujettis à des conditions de travail pénibles et des cadences épuisantes. Fernand Penin impulsa une dynamique à la section syndicale CFDT, avec la mise en pratique de la pédagogie acquise à la JOC (voir, juger, agir). Chaque délégué était muni d’un carnet dans lequel il notait les anomalies et dangers constatés sur les postes de travail. Ces indications constituaient la base de débats, d’analyses et de décisions d’actions de la section syndicale qu’il représentait au conseil du syndicat général des travailleurs de l’automobile (SGTA-CFDT) dont il devint membre du bureau. Les ouvriers occupèrent l’usine le 17 mai 1968, dans une atmosphère tendue du fait du refus total de dialogue de la part de la direction – voir Josée Doyère, « D’un piquet à l’autre dans la métallurgie », Le Monde, 9 mai 2008 . Bien que les cadres ne participassent pas au mouvement de grève, Fernand Penin tira une certaine fierté de voir les « cols blancs » déposer une partie de leur salaire dans les paniers sous les banderoles des ouvriers grévistes, dans la rue, au nez et à la barbe de la direction. Il fut licencié en fin d’année 1968.
Fernand Penin fut embauché comme permanent à l’UPSM en février 1969, devenant secrétaire général du SGTA, en remplacement de Guy Guingant, avec la fonction de trésorier de l’Union. Au nom du SGTA, il intervint au congrès confédéral des 6 au 10 mai 1970 à Issy-les-Moulineaux pour présenter un amendement au rapport financier, réclamant une part de cotisation plus importante pour les syndicats. L’amendement fut repoussé par vote à main levée. Sa qualité de trésorier ne s’arrêtait pas à une gestion comptable de la structure. Bien que chacun des syndicats composant l’union conservât ses orientations, positions et autonomie de vote lors des différents congrès de la CFDT, Fernand Penin impulsa une politique financière commune aux syndicats de l’UPSM, au service de l’action syndicale et du développement, concrétisant une solidarité régionale dans la métallurgie. Outre les documents de gestion des cotisations communs à l’ensemble des sections syndicales CFDT de la métallurgie en région parisienne, les moyens d’imprimerie, de communication, notamment les bulletins d’information CFDT-Métaux-Paris, de formation syndicale, les moyens techniques et humains de secrétariat, les actions stratégiques, prioritaires dans tels secteurs ou entreprises étaient décidées et financées, en coordination entre les syndicats de l’Union.
En cette période dite des « Trente glorieuses », le développement économique s’accompagna de l’implantation, notamment chez Citroën et Simca-Chrysler à Poissy (Yvelines), de « syndicats maisons », dont certains d’obédience d’extrême droite. La répression, l’humiliation, les violences physiques s’abattaient sur les militants CFDT et CGT de ces entreprises . Sous l’impulsion de Fernand Penin, la protection juridique s’organisa, continuatrice de l’action de Guy Guingant, et une stratégie juridique vit le jour à l’UPSM, en lien avec le service juridique confédéral animé par Jean-Paul Murcier*. L’association d’information juridique des travailleurs (AIJT) fut créé en 1972, embauchant de jeunes juristes, notamment Jean-Michel Gaullier, et en 1974 Christian Cottet*, accompagnait techniquement la politique juridique au service de l’action syndicale décidée en commun par les syndicats de l’Union.
Également en cette décennie 1970, dans la métallurgie, les secteurs de la mécanique générale et surtout de l’automobile, en pleine croissance industrielle, étaient en quête de main-d’œuvre immigrée. De nombreux travailleurs recrutés directement du sud de l’Europe et du Maghreb étaient embauchés, modifiant sensiblement la sociologie de plusieurs entreprises. Le SGTA fut choisi, en accord avec la confédération et la fédération de la métallurgie (FGM-CFDT) pour accueillir en 1971, Alberto González Marcos – alias Manolo Garcia –, jeune espagnol clandestin de l’Union sindical obrera (USO), chargé de conduire une politique syndicale en direction des travailleurs immigrés. Alberto González Marcos fut intégré au bureau du SGTA et, de concert avec Fernand Penin, un groupe de traducteurs fut organisé pour permettre la communication en langue arabe, espagnole, portugaise, turque et yougoslave. Des sessions de formation pour sensibiliser les militants français à l’action pour l’égalité des droits de tous les travailleurs furent animées par Fernand Penin et Alberto González Marcos. Une stratégie de développement en direction des travailleurs immigrés fut ainsi impulsée au sein de l’UPSM, avec des retentissements dans toute la CFDT. Un secrétariat national des travailleurs immigrés, animé par Pierre Evain fut créé au sein du secteur international confédéral.
Fernand Penin fut signataire, au côté de nombreux responsables de la CFDT, de la pétition nationale appelant à rejoindre le Parti socialiste en participant aux « assises du socialisme ». Cet appel rendu public en juin 1974 suscita des oppositions dans l’organisation syndicale et notamment au sein du SGTA dont il était secrétaire général. Un amendement du SGTA, mettant en minorité Fernand Penin, repris par l’ensemble des syndicats de l’UPSM, fut présenté au congrès de la FGM à Grenoble en novembre 1974. Cet amendement au rapport d’activité, qui mettait en cause l’engagement de fait de la CFDT dans les assises du socialisme, au nom de l’indépendance syndicale, fut rejeté par le congrès, n’obtenant que 35 % des mandats.
Il avait été élu au conseil fédéral lors du congrès de la FGM-CFDT de Rouen en avril 1968, reconduit comme désigné par l’UPSM au congrès de Dijon en mai 1971, où il fut élu à la commission exécutive de la FGM en remplacement de Claude Michelot, puis de nouveau désigné au congrès de 1974 à Grenoble. Il ne se représenta pas au congrès de Strasbourg en novembre 1977, car il était en recherche de reconversion professionnelle. Il continuait à assurer la comptabilité, ainsi que les comptes de bilan et de résultat de l’UPSM, mais fut remplacé en 1976 par Alain Trentarossi au poste de secrétaire général du SGTA et par Jacques Debesse comme trésorier de l’UPSM.
Il fut embauché le 21 mai 1979, en qualité de cadre technique, au service diffusion de « Montholon-service », organe créé par la CFDT, délivrant les prestations de librairie, de fournitures de la confédération, ainsi que l’édition et la diffusion des brochures et ouvrages de l’organisation et de partenaires de la CFDT. Le bureau national de la CFDT des 7 et 8 octobre 1981 décida d’employer Fernand Penin comme secrétaire confédéral à compter du 1er novembre 1981. Il fut affecté au secteur « économique-emploi-éducation permanente », sous la responsabilité de Michel Rolant, membre de la commission exécutive confédérale. En 1982, au départ de Michel Rolant de la Commission exécutive, il fut affecté au secteur « emploi-formation », où il suivit les négociations à l’UNEDIC, sur le travail précaire, l’AFPA. Il fit partie de la délégation confédérale qui négocia l’accord national avec le patronat sur la retraite à soixante ans qui fut signé le 4 février 1983. En 1985, il rejoignit le secteur financier, sous la responsabilité de Pierre Héritier trésorier confédéral, où il eut en charge la gestion de la presse confédérale. Il instaura et structura le service de l’envoi mensuel à tous les adhérents de la CFDT de la revue CFDT magazine. Il fit valoir ses droits à la retraite dans le cadre d’un fonds national de l’emploi, et quitta son activité à la confédération le 17 novembre 1989.
Dès sa retraite, il prit des responsabilités dans les Unions locales de retraités de Juvisy-sur-Orge (Essonne) puis d’Étampes (Essonne), dont il devint président. Il y assurait des permanences hebdomadaires pour l’information, les droits et l’aide juridique des retraités, mentionnées dans les bulletins municipaux. Il participa également aux travaux des Unions territoriales de retraités (UTR-CFDT) de l’Essonne et de la région Ile-de-France. Il fut élu trésorier national de l’Union confédérale des retraités (UCR-CFDT) au congrès de La Pommeraye (Maine-et-Loire) en avril 1991, puis secrétaire général adjoint au congrès de La Grande-Motte (Hérault) en mai 1994. Particulièrement attentif au sort des retraités dont la carrière professionnelle avait été chahutée et marquée par la précarité, au sort des veuves aux carrières incomplètes, il fut également exigeant sur le service aux adhérents en particulier sur la presse. Il fut un acteur essentiel dans la mise en place en 1995 et de l’envoi direct au domicile de chaque adhérent retraité du Bulletin du Retraité. Il participait aux comités de rédaction et rédigeait des informations pratiques, des dossiers concrets sur la Sécurité sociale, la fiscalité et des argumentations solides, complètes, au service des adhérents et structures en difficulté. Il quitta sa responsabilité de secrétaire général adjoint en 1997, mais continua d’assurer un travail de conseil à l’UCR, suspendu durant la maladie de Jeanne-Marie, son épouse.
Atteint d’un cancer, il décéda le 3 septembre 2006 à l’hôpital d’Étampes. Il avait eu une fille, Nicole, née le 10 août 1963. Il s’était marié avec Jeanne-Marie Renard, le 10 mai 1975, décédée en janvier 2004. Il avait habité à Perrenchies, Paris (XVIe arr.), Juvisy-sur-Orge et Étampes.
Par Jacques Debesse
SOURCES : Arch. UPSM-CFDT, interfédérales et confédérales CFDT. — Roger Beaufils, « Un nouveau au Centre national », Pleine vie, 73, février 1963. — Raoul Cappanera, Masses ouvrières, 238, mars 1967. — Assises du socialisme, premières signatures, Tribune socialiste, 623, 15 juin 1974. — Le 35e congrès de la CFDT du 6 au 10 mai 1970, « Intervention de Fernand Penin », Syndicalisme hebdo, 14 mai 1970. — « Retraite à 60 ans : c’est signé », Syndicalisme hebdo, 1951, 10 février 1983. — « Fernand Penin quitte la Confédé, pas la CFDT », Syndicalisme hebdo, 11 janvier 1990. — « Fernand Penin, un des piliers de l’UCR-CFDT est décédé », Retraité militant CFDT, octobre 2006. — Étampes info, 601, 12 mars 2004 ; 617, 10 septembre 2004 ; 631, 14 janvier 2005. — Acte de décès, Étampes, année 2006/228.