ROQUIER-DROUILLAS Jeanne

Par Gilles Pichavant

Née le 29 novembre 1933 à Rennes ; Employée des chèques postaux aux PTT ; militante CGT à Rouen, puis à Rennes, membre de la CE fédérale.

Jeanne Drouillas naquit à Rennes le 29 novembre 1933. Sa petite enfance fut marquée par le militantisme de son père, Émile Drouillas, au tout début de la 2e guerre mondiale. Celui-ci, militant communiste, ancien responsable de la CGTU, puis après la réunification avait été secrétaire adjoint de l’union locale CGT et secrétaire du bâtiment. Le 26 septembre 1939, toute la famille fut réveillé à quatre heures du matin par des policiers venus faire signer à son père l’ordre de dissolution du PC et perquisitionner à la recherche d’archives. Sa sœur Renée naquit cette année là, et après cette naissance, sa mère ouvrit une épicerie de quartier. Son premier souvenir de la guerre fut le bombardement de Rennes par l’aviation allemande le 17 juin 1940. L’épicerie fut sinistrée et pillée. Son père était absent, mobilisé à la frontière italienne, blessé et en convalescence dans sa famille du coté de Limoges.

Après l’armistice, son père, démobilisé, reprit son métier de maçon. Clandestinement, il recruta des résistants et les organisa par groupes de trois. le 30 juin 1941, Jeanne Douillas vécut son arrestation à la maison par les allemands. Il fut emprisonné à Rennes, puis à Compiègne. Déporté à Auschwitz il y mourut le 1er octobre 1942.

Sa mère avait remonté son épicerie, mais par suite des tracasseries de toutes sortes, perquisitions nombreuses, elle dut la vendre en toute hâte et sans discussion de prix, pour emmener ses enfants à l’abri à la campagne à Langon, près de Redon.

Le 1er octobre 1945, Jeanne Douillas rentra en 6ème au Lycée de Rennes. Ce fut grâce aux camarades de son père, les militants du syndicat du bâtiment, dont Marcel Modot* qui lui-même avait été interné à Voves pendant plus de deux ans, que la famille put bénéficier d’un modeste logement de deux pièces réquisitionné à Rennes. Sa mère travailla à divers « boulots » précaires avant d’être recrutée comme femme de ménage dans les écoles de la ville.

Jeanne Drouillas était déjà connue par les militants CGT, comme « fille à Laporte » (c’était le nom de son père dans la clandestinité). Par exemple, elle accompagna le trésorier du syndicat du bâtiment lorsqu’il se déplaçait pour verser des aides pécuniaires aux blessés de la répression policière après les grèves. Elle aidait à la confection de jouets pour l’arbre de Noël de la Maison du Peuple. Elle participait aussi aux manifestations du 1er Mai, où sa mère était chargée du pointage des cartes syndicales, puis elles défilait dans les rues de la ville.

Elle interrompit ses études après la première partie du baccalauréat en classe de première, pour passer le concours d’entrée aux PTT. Reçue au concours, le 19 novembre 1952 elle commença à travailler aux Chèques Postaux de Rouen comme Agent d’exploitation. Dès janvier 1953, elle avait sa carte syndicale CGT dans la poche. Rouen était un centre d’enseignement où l’on restait peu, où les syndiquées CGT étaient peu nombreuses, et où les militants CGT se heurtaient à beaucoup de difficultés. Au bout d’un an de présence, elle passa un examen de titularisation, puis, prêta serment au Palais de Justice avec les autres jeunes reçues.

Lors de la grande grève d’août 1953, à laquelle elle participa avec enthousiasme, elle rencontra une déléguée des Chèques Postaux de Paris qui lui apprit que, pour les pointages et les annotations des extraits de comptes, on y disposait de stylos Bic, alors qu’à Rouen les employées en étaient toujours au crayon papier, bien souvent très court très usé, et très difficilement remplaçable. Lorsque le personnel reprit le travail, elle en fit part à deux ou trois collègues les plus proches, et leur proposa de faire une délégation auprès du chef de centre pour lui demander de remplacer nos crayons papier par des stylos Bics. Elles y sont donc allées, mais, surprise, elles furent suivies par presque toutes les filles des groupes. Le chef de centre, interloqué par cette foule de femmes devant sa porte, leur donna satisfaction sans réticence.

Cette année là Jeanne Drouillas fut élue membre de la Commission Exécutive du syndicat départemental CGT des PTT de la Seine Inférieure. Elle devint la secrétaire de la section CGT des Chèques postaux de Rouen, alors situés Boulevard de la Marne, dans les locaux de la direction départementale des PTT. Elle fut chargée de l’activité du syndicat en direction des femmes.

Lors du congrès de l’Union départementale CGT de Seine-inférieure, tenu les 14 et 15 novembre 1953, elle fut élue membre suppléante de la Commission administrative (CA). A cette époque elle avait 19 ans et habitait 7 rue Georges Clémenceau à Mont St Aignan (76).

Le 1er avril 1954, Jeanne Drouillas fut mutée aux chèques postaux de à Rennes. Elle prit immédiatement contact avec les militants syndicaux. A la différence de Rouen, la syndicalisation y était assez poussée, et le syndicat bien organisé. Elle fut intégré dans l’organisation, et fut élue au bureau départemental du syndicat CGT des PTT d’Ille-et-Vilaine. Lors du congrès de 1954 de l’Union locale CGT de Rennes, elle fut élue au bureau de l’union locale.

A l’Union locale, elle y fit la connaissance de Raoul Roquier* avec lequel elle se maria en juin 1955. Il était employé de la Sécurité Sociale, en disponibilité d’un an comme permanent syndicat. Elle passa le concours externe de contrôleur des PTT avec succès, et fut nommée sur place le 1er janvier 1955.

Un premier enfant, un fils, naquit en avril 1956, puis un second en février 1959 ; cette deuxième naissance fut prématurée de deux mois, bien que la maman resta alitée pendant 4 mois. Malgré les certificats médicaux, on lui avait refusé un service allégé et fut maintenue au travail sur machine. Pour cet enfant, bien sûr, elle n’eut pas de congé prénatal, et le congé postnatal correspondit au maintien du bébé en couveuse au centre hospitalier. Jeanne Roquier fut donc obligée de prendre un congé sans solde de 3 mois à sa sortie de couveuse. Un troisième fils naquit en janvier 1963. Bien évidemment, l’activité de militante de Jeannette en fut, bien sûr, affectée. Une anecdote : à cette époque, le chef du personnel partant à la retraite, s’était « promené » dans les services en serrant la main de chaque employée, elle fut la seule qu’ostensiblement il évita.

Après en avoir rempli la fonction à titre provisoire (et gratuit) pendant une longue période, Jeanne Douillas devint Contrôleur divisionnaire (CTDIV), dont l’appellation populaire était celle de "surveillante". En juillet 1974, sur sa demande, elle fut mutée à la CNE (Caisse Nationale d’Épargne). Elle passa SUEC2 (Surveillante de catégorie 2) par ancienneté.

C’est à ce titre qu’elle fut élue en 1984 à la Commission Administrative Paritaire Nationale sur la liste présentée par la fédération CGT des PTT, et par suite devint membre de la Commission Exécutive fédérale, ce qui la fit fréquenter les services de la Bourse Montreuil.

Au début des années 1970, elle écrivit un livre avec sa sœur, Renée Thouanel-Drouillas*, sur l’histoire de son père à la demande syndicat du bâtiment, qui fut publié à compte d’auteurs, avec souscription. Intitulé « Émile Drouillas dit Laporte » il fut diffusé à plus de 2000 exemplaires.

Jeanne Roquier prit sa retraite en juin 1987. Presqu’aussitôt, on lui demanda de participer aux initiatives du Bicentenaire de la Révolution Française. Elle fut choisie comme secrétaire de l’association départementale « Vive 89 ». Grosse activité pendant quatre ans : recherches de documentation et notamment aux archives départementales, réunions diverses, édition et rédaction d’un bulletin départemental Vive 89 en Ille-et-Vilaine (10 numéros de 24 pages consacrées à la chronique départementale de l’époque et son analyse), confection de tableaux et diapositives servant de base à des réunions publiques, qui furent prêtés ensuite aux écoles, et pour exposition dans les mairies. Organisation de conférences avec le concours d’historiens universitaires. Pour terminer un bulletin interne à l’adresse des adhérents. Son état de santé la contraignit d’y mettre fin : intervention chirurgicale et surveillance post-opératoire. Une seconde dégradation de santé avec près de 6 mois d’hospitalisation lui infligea un douloureux et contraignant handicap.

Toujours active en 2019, elle a la joie et la fierté de compter cinq petits-enfants et leurs conjoints et quatre arrière-petits-enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article209167, notice ROQUIER-DROUILLAS Jeanne par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 29 novembre 2018, dernière modification le 5 avril 2019.

Par Gilles Pichavant

Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, de Roquier-Drouillas Jeanne, et Thouanel-Drouillas Renée, publié à compte d’auteur.

SOURCES : Arch. de l’Union départementale CGT de Seine-Maritime — Arch. du Syndicat CGT des PTT de Seine-Maritime. — Biographie d’Émile Drouillas sur le site Mémoire vive. — Témoignages de Jeanne Roquier-Drouillas.

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