DERKENNE Jean, alias Gérard.

Par Jules Pirlot

Julémont (aujourd’hui commune de Herve, pr. Liège, arr. Verviers), 17 août 1907 – Herstal (pr. et arr. Liège), 10 juin 1993. Ouvrier dans les transports en commun, syndicaliste, militant du Parti communiste de Belgique (PCB), résistant, militant du Parti communiste wallon et du Parti du travail de Belgique.

Fils d’un fermier, Jean Derkenne, orphelin de mère, étudie l’électricité à l’École de mécanique et d’électricité de la ville de Liège. Il aide son père et exerce des petits métiers dont celui de garçon de ferme, jusqu’à son embauche comme monteur en ligne à la compagnie des Tramways unifiés liégeois. Vers 1927, il effectue son service militaire au 12ième de Ligne, comme mitrailleur lors de l’occupation de la Ruhr.

En 1931, Jean Derkenne adhère à un syndicat affilié au Parti ouvrier belge (POB) et à la Jeune garde socialiste (JGS), mais dès 1932, il manifeste des sympathies pour le communisme. Dès 1934, il milite au sein de l’Association des Amis de l’URSS et au Secours rouge international (SRI). Plus tard, il accueille, avec son épouse qui partage ses convictions, un petit espagnol, fils de républicain : il rentrera en Espagne en 1940.

Bien qu’il ait pris sa carte, à l’occasion du Pacte germano-soviétique en 1939 pour marquer sa solidarité, Jean Derkenne n’est pas connu comme communiste. Il échappe ainsi aux arrestations de juin 1941. Le PCB lui confie la charge de l’édition de la presse clandestine dès 1940. Derkenne traverse toute la guerre dans une semi-illégalité et, au final, son bilan est impressionnant. Dans un rapport qu’il rédige, il déclare avoir édité « 39 titres dont Le Drapeau rouge et Liberté qui paraissent de 1940 à 1944 sans interruption, ainsi que La Meuse, organe du Front de l’Indépendance. À quoi s’ajoutent trois millions de tracts et papillons ». Il dit avoir « consommé 105 bidons d’encre, 600 stencils, 4 700 kg de papier et utilisé 19 permanents illégaux ».

En novembre 1944, Jean Derkenne est envoyé comme cadre du PCB dans la fédération d’Ourthe-Amblève dont il est originaire. C’est à ce poste qu’il vit la Bataille des Ardennes (hiver 1944-1945). Sa santé est ébranlée. Après une hospitalisation, il ne retrouve pas d’emploi de permanent politique. Il faut dire que, dès la Libération, il avait commencé à critiquer la direction du PCB. Son dossier à la Commission de contrôle des cadres (CCC) s’épaissit. Il est accusé de semer la zizanie dans la Fédération liégeoise. Il rédige un mémoire, probablement en 1947, dont il adressera une version définitive en 1949 à Benoit Frachon et Jacques Duclos du Parti communiste français (PCF), leur demandant de le faire parvenir au Kominform à Moscou pour « dénoncer les errements du PCB », c’est-à -dire la fusion syndicale, la participation au gouvernement d’après-guerre et l’autoritarisme de la direction. S’ensuit une longue procédure d’exclusion.

La ligne incarnée par Edgar Lalmand et Jean Terfve* est défaite au Congrès du parti de 1954. Une nouvelle direction dominée par les liégeois, Ernest Burnelle et René Beelen, est mise en place. Jean Derkenne demande sa réintégration. Elle est proposée par la fédération liégeoise. La Commission de contrôle marque son accord. Derkenne est de nouveau membre du PCB mais recommence ses critiques. Cette fois, il s’en prend à la nouvelle ligne qui abandonne le principe de « parti d’avant-garde » et l’objectif de la « dictature du prolétariat ».

En 1963, très logiquement, Jean Derkenne suit Jacques Grippa* dans sa scission prochinoise qui, en Wallonie, s’appelle Parti communiste wallon (PCW) mais rapidement il se dispute avec l’entourage de ce dernier et quitte le parti en proie à de multiples scissions. Ayant repris son métier d’électricien, il termine sa carrière au Grand Bazar de la place Saint-Lambert à Liège. Il se consacre au syndicalisme dans les grands magasins, rétablit des contacts infructueux avec le PCB et termine sa vie politique comme membre du Parti du travail de Belgique (PTB). Il a l’occasion de visiter la Chine.

Jean Derkenne s’éteint en 1993. Solidaire, organe du PTB, lui consacre deux articles. L’un retrace son parcours militant, l’autre est un hommage rendu par Louis Neuray.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article209247, notice DERKENNE Jean, alias Gérard. par Jules Pirlot, version mise en ligne le 2 décembre 2018, dernière modification le 29 novembre 2022.

Par Jules Pirlot

SOURCE : CArCoB, dossier CCP n° 2330.

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