ADAM Jean-Jacques

Par Jean-Paul Salles

Né le 17 août 1955 à Coutances (Manche) ; employé à la SNCF à Caen (Calvados) puis à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; militant de la CFDT puis de la CGT, de Révolution !, de la LCR, du NPA, puis d’Ensemble et de la France Insoumise à Marseille (13/14e arrondissement).

Jean-Jacques Adam naquit à Coutances (Manche) dans une famille d’origine paysanne. Son grand-père était agriculteur et son père employé SNCF au plus bas de l’échelle. Sa mère, sans profession, travaillait à la ferme, ferme reprise par son frère décédé en 2001. Sa sœur travaillait à France-télécom. Après l’obtention du BEPC et de son BEP à l’ École nationale de l’industrie laitière près de Saint-Lô, il fut embauché et presqu’aussitôt licencié par une usine fromagère. C’était en 1973, le début de la crise. Ayant déposé une demande d’embauche à la SNCF, il fut pris presqu’aussitôt. Il commença à travailler à 18 ans. Beaucoup plus tard, en 1999, il obtint un Diplôme Universitaire (DU) d’Analyse pluridisciplinaire de situations de travail. Et après validation des acquis professionnels, toujours à l’Université d’Aix-en-Provence il réussit un Master d’Ergologie. Ensuite il suivit des cours du soir en ergonomie au CNAM d’Aix-en-Provence.
Dès l’enfance il s’interrogea sur le catéchisme, refusant de croire à des choses non démontrées scientifiquement. Il mena une rude bataille dans sa famille pour ne plus aller à l’église, ce qu’il obtint après la communion. Sa politisation date de l’époque où il était élève de l’École nationale de l’industrie laitière, au moment des mobilisations contre la loi Debré. Il vit sur les murs des affiches de l’Agence de presse Libération et prit connaissance de Politique hebdo. À Rouen, au moment de son entretien d’embauche à la SNCF, il eut en main La Taupe rouge, bulletin local de la Ligue communiste. Employé tout d’abord à la gare de triage de Mézidon (Calvados) il travaillait de nuit. Il n’a pas accompli le travail le plus dangereux, celui « d’enrayeur » consistant à arrêter les wagons avec un sabot. Son BEPC lui avait permis d’obtenir un autre emploi qui consistait à noter la destination des wagons dès qu’un train arrivait. Armé d’un papier et d’une planche il faisait 10 à 15 trains par nuit. Un train mesurant 750 mètres, il fallait être un bon marcheur et ne pas craindre les intempéries. Mais le plus difficile était de travailler de nuit, ce qui altérait sa santé. Aussi, après avoir réussi un examen, il travailla au bureau de la gare de Caen, à partir du 1er mai 1977.
C’est par un jeune en formation à Mézidon pour devenir mécanicien de route qu’il connut le groupe Révolution ! Outre les atermoiements du PC lors de la mobilisation contre la loi Debré, ce qui l’éloigna de ce parti et de la gauche réformiste en général, ce fut leur attitude au moment du coup d’État au Chili. L’ampleur de la répression mais aussi le fait que les réformistes aient refusé que les masses s’arment, tout cela le fit beaucoup réfléchir. De plus le Parti communiste français lui apparaissait comme un défenseur de la politique familiale, « ce discours moraliste n’empêchant pas, dit-il, certains militants d’avoir discrètement une maîtresse » (2001). À Caen, Révolution ! était une organisation assez importante (une centaine de militant.e.s, soit deux fois plus que la LCR), très active. Beaucoup de militants étaient étudiants, mais certains travaillaient au CHU, aux PTT. L’organisation avait des sympathisants à la Saviem, à la Société métallurgique de Normandie (SMN), elle avait même réussi à faire embaucher un militant dans cette entreprise. De plus, Révolution ! formait une petite communauté. Des militants partageaient le même appartement, avec « un phénomène de phalanstère » : « Les discussions allaient bon train, c’était sympathique. Bien que communistes au plan théorique et politique, le mode de vie était plutôt libertaire, on discutait beaucoup des textes de Léo Ferré » (Entretien, 2001, in Salles, 2004).
Sur le plan syndical, à son entrée dans la vie active, il adhéra à la CFDT. Mais à son retour du Service militaire effectué à Beauvais en 1975-76, sur injonction de sa cellule – il est toujours à Révolution ! -, il adhéra à la CGT-cheminots. En 1979-80, malgré la désapprobation de la direction de son syndicat, avec deux camarades cheminots, ils organisèrent le soutien à Solidarność. La collecte parmi leurs collègues de la gare de Caen fut un succès, plus limité aux ateliers, le poids de la direction syndicale hostile à l’initiative étant plus fort. Avec cet argent ils achetèrent du matériel ronéo qu’ils décidèrent de convoyer en train jusqu’à Lublin. Malgré quelques difficultés pour traverser la RDA – ils avaient pourtant obtenu un transit-visum à l’ambassade parisienne -, ils parvinrent à bon port. Ils assistèrent même à une réunion où était présent Lech Walesa, en principe interdite aux journalistes étrangers, au grand étonnement de Bernard Guetta l’envoyé spécial du journal Le Monde qu’ils croisèrent. « Nous avons connu une effervescence digne de Mai 68. Dans le train, nous rencontrons un vieux couple polonais qui nous laisse son appartement et va dormir ailleurs. Un jour, en pleine grève des taxis, un taxi nous amène sans nous faire payer » (Entretien, 2001). Leurs camarades cheminots de Lublin réquisitionnèrent même le bus du syndicat pour leur faire visiter le camp de Maidanek. À la fois camp de prisonniers, camp de concentration et d’extermination, ce camp est situé à 2 kilomètres au sud de Lublin. De retour, il ne fut pas possible de créer un comité de soutien à la gare de Caen, mais cela ne les empêcha de revenir deux fois en Pologne.
À partir du 1er octobre 1983, à sa demande, il fut muté à Marseille tout d’abord comme agent administratif à l’Établissement Commercial Trains de Marseille jusqu’en 1992 puis à Ligne Nouvelle 5 (LN5, chantier de construction du TGV de Marseille à Valence) jusqu’en octobre 2000. Il sera ensuite Coordinateur Sécurité du personnel à l’établissement Équipement de Marseille Côte Varoise avec le statut de Maîtrise, puis Conseiller Prévention Voyageurs des régions de Marseille et de Montpellier, avec le statut de Cadre, jusqu’à sa retraite en août 2010. Tout au long de ces années, militant de la CGT il fut délégué du personnel et secrétaire du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Lors du grand conflit de 1986, il fut membre du Comité de Liaison des Cheminots, appelant à élargir et à poursuivre le mouvement, ce qui l’amena à se heurter à la direction de la CGT. Par contre, lors du grand mouvement d’opposition à la réforme des retraites portée par le Premier Ministre Alain Juppé, à l’automne 1995, il n’eut pas à affronter la direction de son syndicat, ayant lui-même créé la section CGT à LN5.
Tout au long de ces années, Jean-Jacques Adam continua à militer à l’extrême gauche. Avec l’organisation Révolution !, il participa à la tentative d’unification avec la Gauche ouvrière et paysanne (GOP), tendance maoïsante du PSU, dans le cadre de l’Organisation communiste des travailleurs (OCT) (fondée les 4-5 décembre 1976, l’OCT disparut très vite, à la fin de l’année 1978 (voir Lanuque-Salles, 2008). Après cet échec, Jean-Jacques Adam avec plusieurs dizaines de camarades de l’ex-Révolution ! décida de rejoindre la LCR. Il fut, pour cette organisation, candidat suppléant lors des législatives de 1988 et 3e sur la liste Marseille 100% à Gauche aux élections municipales de mars 2001. En 2009, il participa à la création du NPA, mais membre de la tendance Gauche Anticapitaliste (GA), il le quitta en 2012 pour rejoindre Ensemble et la France Insoumise. Il milita dans la section des 13/14e arrondissements de Marseille. Il apprécia, dans les organisations d’extrême gauche qu’il a fréquenté, la liberté du débat. Il note le sérieux de la formation donnée par la Ligue à ses militants : « La formation était plus importante (qu’à Révolution !), mais l’individualisme plus grand aussi » (Entretien, 2001).
Toujours syndiqué et membre du bureau du syndicat CGT des Cheminot.e.s retraité.e.s de Marseille, il appartient à la commission Communication qui publia un petit journal quasi trimestriel, dans lequel il écrit régulièrement des articles anti-fascistes. Il est en effet également membre de VISA 13 (Vigilance et initiative syndicale anti-fasciste), une organisation qui s’emploie à aider les syndicats, par des initiatives de formation notamment, à combattre l’extrême droite dans l’unité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article209249, notice ADAM Jean-Jacques par Jean-Paul Salles , version mise en ligne le 2 décembre 2018, dernière modification le 7 septembre 2022.

Par Jean-Paul Salles

SOURCES : François Le Gros, La LCR à Caen de 1973 à 1978, Université de Caen, Maîtrise, 1990-91. —Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire et ses militant.e.s (1968-1981). Étude d’une organisation et d’un milieu militant, Paris I, Panthéon-Sorbonne, Thèse d’Histoire, 2004, volume III, Entretien avec Jean-Jacques Adam à Marseille, le 22 août 2001, p.562-568. — Jean-Guillaume Lanuque et Jean-Paul Salles, « Trotskismes », in Antoine Artous, Didier Epsztajn, Patrick Silberstein, dir., La France des années 68, Syllepse, 2008, p.783-794. —Jean-Paul Salles, « De la LCR au NPA : l’impossible mutation ? », in Pascal Delwit, dir., Les partis politiques en France, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2014.
Documents fournis par Jean-Jacques Adam et un entretien téléphonique avec lui, le 30 novembre 2018.

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