COURTIEU Paul, Ernest [pseudonyme dans la Résistance : Gilbert]

Par Claude Willard

Né le 20 mai 1921 à Cardet (Gard), mort le 5 octobre 2013 à Argenteuil (Val-d’Oise) ; OS du bâtiment ; militant communiste, responsable des JC des Bouches-du-Rhône (décembre 1941-décembre 1942), arrêté et emprisonné, secrétaire fédéral des Bouches-du-Rhône du PCF (1949-1951), directeur de l’École centrale du PCF (1951-1956), membre du comité central (1956-1976) ; déporté.

Le père de Paul Courtieu, Jules, était ouvrier agricole ; sa mère, Julie née Fort, outre son travail ménager (deux enfants), accomplissait quelques travaux saisonniers dans le vignoble.
Après l’école primaire jusqu’au certificat d’études, Paul Courtieu suivit un cours complémentaire à Nîmes, obtint le Brevet élémentaire en octobre 1937, puis effectua une année à l’école primaire supérieure de Bagnols-sur-Cèze (Gard) où il fut surveillant d’internat jusqu’en juillet 1939. Depuis l’âge de onze ans, pour aider sa famille, il se livrait durant ses vacances à des travaux comme manœuvre maçon et comme vendangeur.
Paul Courtieu adhéra à la JC, en janvier 1937, à Saint-Geniès, où habitaient ses parents depuis 1928. Plusieurs facteurs concoururent à cet engagement. D’abord, le milieu familial : un père de gauche (qui avait voté pour Cachin en 1910) et la misère quotidienne, les fins de mois difficiles ; la fréquentation d’un immigré italien, Félix Raimondo, ayant participé aux grèves révolutionnaires de Turin en 1917, et du secrétaire de la cellule de Saint-Geniès, André Lafont*, qui lui prêtait l’Humanité et de nombreux livres (comme Et l’Acier fut trempé). Sa passion de la lecture, qui jamais ne s’apaisa, mûrit sa réflexion. Sa principale activité militante fut alors la solidarité à l’Espagne républicaine.
Bien que régulièrement premier de sa classe, Paul Courtieu échoua, en 1938, à l’entrée à l’École normale. Malgré l’insistance du directeur de l’EPS, il décida d’abandonner ses études et revint habiter chez ses parents en 1939. Il devint d’abord manœuvre dans la maçonnerie, puis, en 1939-1940, ouvrier agricole. De janvier à mars 1941, il travailla à l’usine de réglisse Car à Moussac.
Le 1er septembre 1939, sans être membre de cet organisme, Paul Courtieu assista à Alès à une réunion très restreinte (9 présents) du comité fédéral de la JC, pour analyser la situation et les tâches qui en découlaient. Durant l’été 1940, Alain Lefort, qui voulut se « mettre sur la touche » pour « raison familiale » (mariage et attente d’un enfant), confia à Paul Courtieu la tâche de regrouper les adhérents du PCF de Saint-Geniès. Allant à bicyclette à Nîmes, notamment chez la famille Vergnolle, il en rapportait L’Humanité clandestine qu’il diffusait.
Au début de mars 1941, la JC chargea Paul Courtieu d’organiser le mouvement dans le nord du Gard. Installé à Alès, il travailla à l’usine Alais-Froges et Camargue de Salindres, jusqu’à son passage dans la clandestinité en septembre 1941. Les groupes de la JC reconstitués éditaient et diffusaient L’Avant-Garde.
En novembre 1941, sous le pseudonyme de Gilbert, il fut envoyé à Marseille pour se consacrer à la JC des Bouches-du-Rhône ou d’une partie du département sous la fausse identité de Georges Rambert. Il travaillait en liaison avec Jean Vigne puis Jean Garnotel alias Vincent, responsables du parti clandestin. Il dira à la police avoir été chargé d’abord de diffuser des tracts, puis d’assurer la responsabilité de la JC départementale, et enfin, en juillet 1942, d’avoir eu en charge la direction interrégionale, assurée auparavant par Jean Burles, pour les Bouches-du-Rhône, la Côte-d’Azur et la Corse. Il précisa que l’état de la JC dans la région était catastrophique après les vagues d’arrestations de 1941. De décembre 1941 à janvier 1942, il parvint à regrouper trente militants dans les Bouches-du-Rhône qu’il fit monter à cent quatre-vingt en septembre 1942, répartis, outre Marseille, dans une dizaine de communes, dont Aix-en-Provence, Arles, La Ciotat, Miramas. Il participa vraisemblablement à la mise en place de groupes FTP à partir d’éléments JC et dira avoir organisé le premier sabotage de voie ferrée dans ce cadre à Orgon, en octobre 1942. Paul Courtieu fut arrêté le 7 décembre 1942, après l’arrestation de Maurice Tribes*, responsable régional du PC, et la saisie de documents chez lui. La police trouva dans son logement de nombreux tracts de la JC, des Vie du Parti, un stencil pour l’impression de L’Etudiant et de L’Avant-Garde. Elle trouva également un drapeau tricolore portant les inscriptions « 1914-1918 » et « Mort aux Boches », plus vingt amorces de détonateur, deux engins à retardement et 16 mètres de cordon Bickford. Il fut déféré devant la section spéciale de la cour d’appel d’Aix-en-Provence avec Maurice Tribes et un autre responsable régional du parti, Jean Garnotel*, plus seize autres militants marseillais et aixois. Il fut condamné, le 21 juillet 1943, à 10 ans de travaux forcés pour reconstitution de ligue dissoute, soit la plus lourde peine de la fournée. En septembre, à l’issue d’une deuxième comparution, cette fois pour activité terroriste pour avoir confié deux fusils mitrailleurs à un ouvrier-boulanger de Gémenos, il reçut en prime sept ans de travaux forcés.
En prison à Marseille (Chave), à Aix et, du 9 novembre 1943 au 30 mai 1944, à la Centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne), Paul Courtieu participa à l’activité communiste, notamment à la rédaction de journaux (L’Aube de la Liberté à Chave, Le Jeune Enchaîné à Eysses) ; à Eysses, il appartint au triangle de direction JC (avec Jean Mérot). Déporté à Dachau (18 juin 1944-11 mai 1945), il tomba très gravement malade (œdème de la face, tuberculose) et ne fut sauvé que par la solidarité internationale et l’habileté du chirurgien qui lui fit un pneumothorax.
Rentré en France, Paul Courtieu se maria, le 28 juillet 1945, avec Marguerite Garnier (combattante volontaire de la Résistance) et partit se soigner au sanatorium du Plateau d’Assy (du 1er août au 30 décembre 1945).
Bien que de santé toujours fort précaire, Paul Courtieu reprit ses activités militantes à Marseille. Il fut élu en 1947 au comité fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône, responsable à l’éducation et directeur des écoles fédérales ; en 1948, il siégea au bureau fédéral, en 1949, au secrétariat fédéral, chargé de l’organisation. À la fin de 1950, outre ses fonctions de secrétaire fédéral, il assuma les fonctions de secrétaire départemental du Mouvement de la paix, où il déploya un effort très particulier en direction des chrétiens. Il était en 1950 membre du bureau de l’Amicale des déportés, résistants, patriotes de Dachau.
De novembre 1951 à juillet 1956, Paul Courtieu fut placé à la direction de l’École centrale du PCF, à Viroflay (Seine-et-Oise, Yvelines). Là, il fit « sur le tas » sa « formation pédagogique » et compléta ses connaissances théoriques. Il fut en même temps affecté à la section idéologique, que dirigeaient François Billoux*, Georges Cogniot*, Victor Joannès*.
En juillet 1956, de nouveau gravement atteint, Paul Courtieu apprit à la lecture de l’Humanité qu’il avait été élu au comité central par le XIVe congrès du Havre. Ne pouvant plus assurer la lourde tâche de directeur de l’École centrale, il devint responsable à l’éducation, d’abord sous la direction - très effacée - de Jeannette Vermeersch*, puis après 1962 sans « tuteur ».
À la fin de 1966, habitant Malakoff, il fut élu au comité fédéral des Hauts-de-Seine, responsable de l’activité en direction des intellectuels (jusqu’en mai 1971). Il fut membre du secrétariat fédéral en 1967-1969. Sa femme, Marguerite, née le 20 juin 1925, secrétaire, était conseillère municipale communiste de Malakoff en 1965.
En mars 1971, après une nouvelle très grave hémorragie digestive, Paul Courtieu fut, en mars 1971, sur pression de Gaston Plissonnier*, élu conseiller municipal de Nanterre (1971-1976). Mais, arguant de sa santé, Courtieu refusa le poste de maire et fut envoyé à Prague pour représenter le PCF au comité de rédaction de La Nouvelle Revue Internationale (mai 1971-septembre 1973). En cette période de montée de « l’eurocommunisme », Paul Courtieu, appuyé par Jean Kanapa*, mena, comme président de la Commission des pays capitalistes, la lutte pour un fonctionnement plus démocratique de la Revue et pour le respect des contributions originales de chacun des partis.
À partir de septembre 1973, Paul Courtieu travailla, avec Claude Poperen*, au secteur des Fédérations. Pour raisons de santé, il demanda à ne pas être réélu au comité central (XXIIe congrès, février 1976). Jusqu’en 1985 (date d’une nouvelle opération), il mena de front ses activités à la section d’organisation et à la fédération du Val-d’Oise, notamment au secrétariat de la section de Sannois, où il habitait. Il travailla aussi à la « Polex », sur le pays qu’il connaissait le mieux, la Tchécoslovaquie.
Il participa en 1995 à la rédaction de la brochure intitulée 1938-1945 : Les communistes face à la tourmente dans les Bouches-du-Rhône.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20935, notice COURTIEU Paul, Ernest [pseudonyme dans la Résistance : Gilbert] par Claude Willard, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 novembre 2021.

Par Claude Willard

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, dossier 148 W 293 (note du 15 décembre 1951), 148 W 294 (note du 14 octobre 1952) 8 W 40 et 212, dossier de la section spéciale (affaire Tribes, Garnotel, Courtieu, etc. et affaire Courtieu-Confetti). — La Marseillaise, 11 juillet 1947, 14 mars 1950, 2 octobre 1951, 22 juillet 1956. — Léo Lorenzi, Pascal Posado et 150 témoins, ⎨Les communistes face à la tourmente dans les Bouches-du-Rhône⎬, Marseille, Fédération du PCF des Bouches-du-Rhône, 1995. — Interview de 1997. — Site Match ID, Acte n°1007, Source INSEE : fichier 2013, ligne n°487217. — Notes de Jean-Claude Lahaxe et de Renaud Poulain-Argiolas. — Renseignements Jean-Marie Guillon.

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