COURTOIS Jean, Maurice, Georges

Par Yves-Claude Lequin, Gilles Morin

Né le 21 août 1912 à Damparis (Jura), mort le 11 avril 1992 à Damparis ; instituteur ; syndicaliste et militant socialiste ; député du Jura en 1945 et 1946 ; membre du comité directeur de la SFIO (1946-1971).

Fils d’un tailleur de pierre, Henri Courtois, et d’une couturière, Eugénie Boucaud, orphelin de guerre en 1915, Jean Courtois connut une enfance assez difficile. Sa mère resta veuve avec trois enfants en bas âge. Élève à l’école communale de Damparis, boursier, il entra à l’École primaire supérieure de Dôle en 1925 puis à l’École normale d’instituteurs de Lons-le-Saulnier en 1929. Il sortit de l’École normale en 1932, fut nommé adjoint puis directeur d’école à Damparis et adhéra au Parti socialiste SFIO. À cette époque il était avant tout pacifiste, antimilitariste, diffusant par exemple La Patrie humaine ou Le Barrage de René Gérin. Après une année d’enseignement, il fit son service militaire au 60e RI, en 1934 et était mobilisé en février lors des événements. De retour à la vie civile, il entra aussitôt dans l’action militante. Il s’attacha d’abord à former des comités Amsterdam-Pleyel dans la région de Dôle et de Damparis et fonda également une section locale du Comité des femmes contre la guerre et le fascisme dont la présidente était la femme de Maurice Didier, communiste, ainsi qu’un groupe théâtral, une chorale, un groupe gymnique, etc. Il participait peu après à la rédaction du Front comtois, journal local fondé en décembre 1935 pour diffuser les idées du Front populaire. Lors d’une réunion à Damparis, en janvier 1937, selon le rapport de l’envoyé du Parti communiste, secrétaire du comité antifasciste, son intervention s’en prenait « violemment contre le parti développant une argumentation trotskiste ».

Après les grèves de juin 1936, il participa à l’organisation syndicale ; ainsi fut constituée une Union locale CGT de Damparis dont il était le secrétaire, Maurice Didier étant secrétaire adjoint. En juin 1936, il constitua des syndicats dans les usines Solvay à Tavaux, Jacob Delafon, à la Société générale des fonderies et dans des usines textiles. Jacob Delafon, directeur de l’usine de Belvoy, avec lequel il entra en conflit, s’efforça de le faire révoquer de ses fonctions d’instituteur. Dans le cadre de cette UL, il forma, avec des militants locaux du SNI, un collège du Travail, destiné avant tout aux ouvriers.

En même temps, il était secrétaire adjoint du SNI pour le Jura et membre de la commission administrative de l’Union régionale CGT Ain-Jura ; membre des Combattants de la paix, il continuait également à militer à la SFIO où il était le principal défenseur du courant pacifiste, tendance Paul Faure*. Il développait aussi sa propagande pacifiste dans le bulletin La Voix syndicale.

Au congrès fédéral du 29 mai 1938, il présenta, avec Demaizière, une motion se réclamant de cette tendance qui obtint 44 % des mandats. Il fut peu après délégué au congrès national SFIO de Montrouge (Noël 1938). Il venait d’être déplacé à la suite de la grève du 30 novembre 1938 à laquelle il avait pris une part active et il profita du congrès pour demander à Léon Blum* d’intervenir auprès de Jean Zay, ministre radical-socialiste de l’Éducation nationale. Il put ainsi retrouver son poste à la rentrée.

En 1939, de nouveau mobilisé, il fut affecté au 66e RI, mais fut cassé de son grade de sergent pour propagande pacifiste. Début 1940, une dénonciation accusait madame Courtois, institutrice à Damparis en remplacement de son époux, de propagande défaitiste. L’enquête infirma cette accusation.

Démobilisé en 1940, il fut déplacé par arrêté ministériel le 12 novembre 1940 et mis en résidence surveillée dans un village isolé de la forêt d’Othe dans l’Yonne (Bœurs-en-Othe) où il demeura pendant les quatre années de l’Occupation. Il fut inscrit en décembre 1940 sur une liste d’individus se livrant à des « activités communistes dans la région du Jura ». En août 1944, il fut nommé membre du Comité cantonal de Libération de Cerisiers (Yonne) comme représentant des MUR, dont il aurait été chef de secteur. De retour dans le Jura libéré fin septembre 1944, il fut intégré dans le Comité de Libération de Dole et dans le Comité départemental de Libération du Jura où il représenta la CGT - et se trouva chargé de reconstituer les municipalités de la région.

Bon orateur, très actif selon une note des RG, Courtois accéda également à de nouvelles responsabilités syndicales et politiques : en octobre 1944, il fut nommé secrétaire général de l’Union départementale CGT, en principe à titre provisoire, en attendant le retour des camps de Charles Veillon* qui occupait cette fonction avant la guerre ; mais à son retour en 1945, celui-ci ne reprit pas cette fonction. En février 1946, après le congrès de l’UD, Jean Courtois abandonna cette responsabilité pour ses mandats électoraux mais, en 1947, semble être devenu un dirigeant de l’UD-Force ouvrière. Mais c’est Marcel Ruffet qui fut élu en 1946, secrétaire général de l’UD CGT puis de FO. Il bénéficiait d’un congé de longue durée et vécut de 1945 à 1970 la vie de permanent politique ou syndical.

En 1945, il apprit qu’il avait été nommé maire de Damparis ; il administra cette bourgade jusqu’en 1965, créant un cercle laïque et diverses œuvres coopératives. En 1965, sa liste fut battue par la liste communiste qui conserva la municipalité aux élections de 1971.

Très influent dans la SFIO départementale, sans porter atteinte à la place toujours prépondérante du directeur de la Fraternelle de Saint-Claude, Henri Ponard*, il fut présenté, contre sa volonté selon lui, par la fédération comme tête de liste aux élections à la Constituante en octobre 1945 et fut élu député socialiste du Jura, ce qui l’amena à surseoir provisoirement à son activité syndicale ; il fut réélu en juin 1946, contre Edgar Faure, mais fut battu par celui-ci en novembre de la même année. Pendant ces deux législatures, il fut vice-président de la commission du Travail et de la Sécurité sociale et s’attacha aux problèmes de la retraite des vieux, pour lesquels il fit adopter une importante loi des mutilés du travail.

Il était également membre de la commission exécutive du groupe socialiste en juin 1946.

À cette époque enfin, il accéda à des responsabilités nationales qu’il conserva parfois plus de vingt ans. Il aurait présidé la réunion de la Mutualité où fut rédigée la motion de « redressement » qui devait conduire à la défaite de Daniel Mayer* et à l’élection de Guy Mollet* au secrétariat général en août 1946. En août 1946, il devint membre du comité directeur de la SFIO et le demeura jusqu’en 1971, soit pendant vingt-cinq ans. Secrétaire général des Jeunesses socialistes, jusqu’en 1948, il abandonna cette fonction pour celle de secrétaire administratif du groupe socialiste. Mais, il conservait des responsabilités aux JS et fut délégué adulte en 1959 et 1960.

Membre du bureau de la SFIO en 1952-1957, élu conseiller de l’Union française de 1955 à la dissolution de cette assemblée en 1959, il fut secrétaire administratif du groupe socialiste à l’Assemblée nationale en 1950-1968. Il était membre de la commission de réintégration au congrès de 1957.

Sur le plan local, à partir des élections municipales de 1945, ses affrontements étaient très vifs avec les communistes. Ces derniers, qu’il ne ménageait pas, lui rappelant régulièrement ses positions munichoises, ce qu’il admettait. Très laïc, il n’avait pas de contact avec le MRP et combattait vivement le RPF, n’oubliant jamais de rappeler qu’il « se méfiait des généraux ». Sur le plan politique, il se rallia à la Troisième force et s’opposa localement au secrétaire fédéral Socié* qui prônait la non-participation du parti au gouvernement en 1948-1949. Les élections sénatoriales de 1948, où il obtint moins de voix que son colistier, montraient que l’influence de celui-ci grandissait en sa défaveur auprès des élus et des militants. Il fut secrétaire fédéral adjoint en mai 1953, puis secrétaire fédéral en 1959.

Courtois prit position pour la communauté européenne de défense (CED) en 1952-1954. Contre la Constitution en 1958, il fit prendre le 29 août position en ce sens par la section de Dôle et rompit avec Guy Mollet. Il signa la motion Gazier au congrès national de 1960. Membre du comité exécutif national de la FGDS le 6 décembre 1965, il fut secrétaire administratif du groupe parlementaire FGDS en 1968. Il se vit confier plusieurs missions pour le parti à l’étranger, notamment en Italie.

Après sa défaite électorale de novembre 1946 face à Edgar Faure, il entra, pour un mois au cabinet de Léon Blum sous la direction d’Ernest Labrousse et fut par la suite attaché au cabinet de Daniel Mayer*, ministre du Travail.
Hormis ses fonctions syndicales et municipales dont il a été question ci-dessus, il eut surtout un rôle national et se fixa d’ailleurs à Paris : pendant toute cette période, lorsque les ministres de l’Éducation nationale étaient socialistes (Naegelen*, Depreux*, Lapie*), il fut mis à leur disposition y compris sous la Ve République, avec André Boulloche ; il entra aussi au cabinet de Gaston Roux lorsque celui-ci fut ministre.

Après avoir été une dernière fois candidat aux élections législatives de juin 1968, Courtois abandonna ses fonctions au secrétariat du groupe socialiste en octobre 1969, remplacé par son adjoint Éric Hintermann* et se retira définitivement à Damparis l’année suivante. Il continua à militer, participant par exemple régulièrement aux réunions de l’OURS créé par Guy Mollet.

Marié le 20 avril 1935 à Tavaux avec Marie-Thérèse Maréchal, il était père de deux enfants.

En 1971, Jean Courtois abandonna toutes ses responsabilités politiques et syndicales.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20942, notice COURTOIS Jean, Maurice, Georges par Yves-Claude Lequin, Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 27 octobre 2011.

Par Yves-Claude Lequin, Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., F/1a/3240. F/1cII/242. CAC, 20060012/7. — RGASPI, 517, 1, 1864. — Arch. Dép. Jura, M suppl. 46, M suppl. 239, M suppl. 330. — Arch. OURS, dossiers Jura. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Cahiers et Revue de l’OURS, n° 204, 1992. — Bulletin intérieur, n° 111, 113, 114, 116. — Profession de foi, législatives 1958. — Témoignages de Maurice Bruillard, décembre 1974 et de Jean Courtois, janvier 1974.

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