DREYFUS Roland, Michel

Par Jean-Sébastien Chorin

Né le 8 février 1913 à Fortaleza (Ceara, Brésil), exécuté sommairement le 14 août 1944 à Sathonay-Village (Ain, Rhône depuis 1967) ; employé de banque, comptable ; résistant.

DREYFUS Roland, Michel
DREYFUS Roland, Michel
Source : Arch. Dép. Rhône, 3460W2

Roland, Michel Dreyfus était le fils de Simon Dreyfus et de Fernande Lévy. Avant-guerre, il demeurait à Strasbourg (Bas-Rhin). Il exerçait la profession d’employé de banque. Le 29 septembre 1940, il se maria avec Simone, Fanny Meyer. Ils eurent une fille née en 1943.
Pendant la guerre, Roland Dreyfus se réfugia à Limoges (Haute-Vienne). Il fut le directeur du Comité d’assistance aux réfugiés de cette ville. Il travailla avec Julien Samuel, directeur régional de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) afin d’assurer une protection aux Juifs, enfants et adultes, menacés d’arrestation par les Allemands ou de transfert en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Roland Dreyfus et Julien Samuel assuraient la liaison avec la direction du STO et les services de la préfecture de la Haute-Vienne (Edmond Dauphin et René Tomasini). Grâce à Roland Dreyfus, de nombreuses personnes obtinrent de faux papiers et furent cachés sous des noms d’empreint dans la campagne du Limousin.
Par la suite, Roland Dreyfus partit pour Lyon (Rhône). Afin de cacher son origine juive et de travailler sans difficulté, il vécut sous la fausse identité de Roland, Robert Dreonnet, né le 8 février 1911 à Metz (Moselle), de nationalité française, marié, un enfant, sous-officier de réserve, prisonnier évadé. Il demeurait dans un appartement situé 69 rue Duguesclin (VIe arr.), Il était chef-comptable au Service des Oléagineux Métropolitains. A Lyon, Roland Dreyfus assurait une liaison avec des assistantes sociales de l’OSE. D’après Simone Dreyfus, il s’occupait de faciliter le passage en Suisse d’enfants juifs pourchassés.
Le vendredi 28 juillet 1944, vers 18h15, Roland Dreyfus quitta son bureau en emportant la paie du personnel (environ 38000 francs) pour régler les salaires le lendemain matin. Il rentra chez lui puis quitta son domicile vers 19h15 pour se rendre chez Henriette Bing, une vieille dame juive, qui devait lui avoir fait réparer une paire de chaussures. Vers 20 heures, alors qu’il était chez elle, 24 avenue du Maréchal Lyautey, la police allemande fit irruption et arrêta la vieille dame. Roland Dreyfus tenta de s’enfuir. Il descendit dans l’allée de l’immeuble et se retrouva devant porte close. Rattrapé, il fut arrêté sous la fausse identité de Roland Dreonnet. Soupçonné « d’activité terroriste », il fut conduit au siège de la Gestapo, place Bellecour et passa la nuit dans les caves. Le lendemain, il fut transféré à la prison de Montluc et incarcéré dans la cellule 52. D’après Simone Dreyfus, des miliciens et des hommes du Parti populaire français (PPF) avaient également été impliqués dans l’arrestation de son mari.
Le 29 juillet, dans la matinée, quatre hommes armés de mitraillettes pénétrèrent dans l’appartement de Roland Dreyfus et ressortirent peu de temps après avec des valises.
Simone Dreyfus, qui se trouvait à Saint-Florent-sur-Cher (Cher), apprit l’arrestation de son mari par des amis. Elle se rendit aussitôt à Lyon.
Le 13 août 1944, Roland Dreyfus fut conduit place Bellecour. Son codétenu Georges Cros-Coitton écrivit après-guerre à Simone Dreyfus, qu’à son retour d’interrogatoire, « Monsieur Dréonnet » lui avait confié qu’il était victime d’« un gros malentendu, qu’on le prenait pour un espion américain [...] et qu’il ne savait pas comment prouver qu’il y avait erreur. » Georges Cros-Coitton ajouta dans sa lettre : « espion américain (étant donné probablement qu’il était né en Amérique du sud, ce qui était porté sur ses papiers d’identité) ». Cette précision laisse perplexe. Roland Dreyfus avait-il dit à Georges Cros-Coitton que les Allemands le soupçonnaient d’espionnage parce qu’ils connaissaient son vrai lieu de naissance ou Georges Cros-Coitton fit-il cette hypothèse seulement après avoir appris la véritable identité de Roland Dreonnet grâce à Simone Dreyfus ? Dans tous les cas, cette accusation est frappante et permet de se demander si, effectivement, les Allemands ne connaissaient pas la véritable identité de Roland Dreyfus, puisque le lieu de naissance inscrit sur sa fausse carte était Metz et non une localité américaine.
Le lundi 14 août 1944, entre 8h30 et 9h30, Roland Dreyfus fut à nouveau extrait de sa cellule. D’après Georges Cros-Coitton, des hommes vinrent le chercher en annonçant « Police », lui indiquant ainsi qu’il était désigné pour un interrogatoire. Georges Cros-Coitton précisa que l’expression « sans bagage » ne fut pas prononcée. Les Allemands n’avaient donc peut-être pas encore décidé d’exécuter Roland Dreyfus. L’un de ses camarades lui prêta sa chemise neuve afin qu’il soit plus présentable. La sienne était en lambeaux car il avait tenté de la nettoyer avec un produit caustique. Roland Dreyfus devait rendre cette chemise après son interrogatoire. Impossible d’affirmer s’il fut effectivement conduit au siège de la Gestapo et si, lors d’un interrogatoire, la découverte d’une information le conduisit à la mort. Des hommes en civil, armés de mitraillettes, le transportèrent en voiture à Sathonay-Village (Ain, Rhône). La Citroën Traction Avant arriva sur la place du village vers 10h30. Le chauffeur s’arrêta un instant, sans doute pour s’orienter, puis se dirigea vers la route de Vancia. A la sortie du bourg, il s’arrêta à nouveau et demanda à une dame s’il roulait bien sur la route de Vancia. Après confirmation, le conducteur reprit dans la même direction et s’arrêta à 200 mètres environ, en face d’un verger. La fille aînée des propriétaires du verger passa au même moment. Elle vit trois hommes armés sortirent de l’automobile. Un quatrième homme était resté à l’intérieur du véhicule. Les trois hommes attendirent qu’elle s’éloigne et d’un regard appuyé lui firent comprendre qu’elle ne devait pas s’attarder. Au même moment, une seconde dame passa à côté du verger. L’homme resté dans la voiture la regarda tristement. Il semble que Roland Dreyfus ait été conduit dans un premier temps dans le verger où eut lieu une discussion qui dura un quart d’heure environ. Vers 11 heures, on l’amena de l’autre côté de la route, derrière un ancien mur de fortification. Là, il fut exécuté de deux balles de revolver dans la nuque. Des agriculteurs entendirent les coups de feu. Ils s’approchèrent et découvrirent le corps de Roland Dreyfus. A côté de lui, ses papiers d’identité avaient été brûlés. Il n’en restait qu’un petit tas de cendre.
D’après Simone Dreyfus et le maire de Sathonay-Village, Roland Dreyfus fut abattu par des miliciens. Par ailleurs, Pierre Mazel précise dans le fascicule numéro 1 du Mémorial de l’oppression, qu’un gendarme remarqua que l’automobile des assassins passa sans difficulté un barrage gardé par une sentinelle allemande.
Le cadavre de Roland Dreyfus resta deux jours sur le lieu de l’exécution, le temps qu’un cercueil soit réalisé. Il ne put être identifié. Le seul indice trouvé sur son corps fut son alliance portant l’inscription « Simone et Roland le 29-9-1940 ». Il était vêtu d’un complet noir et d’une chemise blanche. La police le photographia et releva ses empreintes. Le corps de Roland Dreyfus fut inhumé au cimetière de Sathonay-Village. Le 1er juillet 1946, Simone Dreyfus, demeurant 4 square de la Poste à Limoges, reconnut formellement son mari grâce à la photographie du corps de la victime et l’alliance qui lui fut restituée. Roland Dreyfus fut également identifié grâce à ses empreintes.
Au Service historique de la défense (SHD) de Vincennes, il existe un dossier administratif de résistant à son nom (orthographié Dreyfuss) mais il ne fut pas homologué. Une plaque fut posée, route de Vancia, sur l’ancien mur de fortification, à l’endroit où Roland Dreyfus fut exécuté : « A la mémoire de Roland Michel Dreyfus victime de la barbarie nazie Mort pour la France à 31 ans fusillé par la Gestapo le 14 août 1944 ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article209589, notice DREYFUS Roland, Michel par Jean-Sébastien Chorin, version mise en ligne le 13 décembre 2018, dernière modification le 26 novembre 2020.

Par Jean-Sébastien Chorin

DREYFUS Roland, Michel
DREYFUS Roland, Michel
Source : Arch. Dép. Rhône, 3460W2

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3335W29, 3335W10, 3335W12, 3335W26 (fichier Montluc, fiches et dossiers de Roland Dreyfus, Henriette Bing), 3460W2 (procès-verbal d’identification du corps), 3808W119 (Mémorial de l’oppression), 3460W4 (photographie et signalement du cadavre), 4544W23 (procès Barbie).— SHD, Vincennes, inventaire de la sous-série GR16P (dossiers administratifs de résistants).— Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression. Fascicule 1 : Région Rhône-Alpes, 1945.— Site Internet de Yad Vashem.

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