COUTANT Robert, Henri

Par Yves Le Maner, Gilles Morin

Né le 14 janvier 1908 à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), mort le 15 juillet 1978 à Sommaing (Nord) ; employé de bureau, dessinateur industriel, puis journaliste ; syndicaliste et militant socialiste du Nord, délégué national à la propagande et membre du comité directeur (1947-1959) de la SFIO ; député du Nord (juin-novembre 1946, 1951-1958).

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Robert Coutant était fils et petit-fils de député. Son grand-père, Jules Coutant, ami de Guesde et de Vaillant, fut maire d’Ivry-sur-Seine et élu député de la Seine en 1893 ; il fut à l’origine, à Ivry, du parrainage civil dont le jeune Robert fut le premier bénéficiaire. Son père, Henri Coutant, fut élu à la Chambre en 1913 sous l’étiquette « républicain socialiste », alors qu’il était détaché du ministère des Finances au Maroc. Réélu en 1914, il fut fait prisonnier en 1916, mais retrouva son siège de député en 1919, siégeant sur les bancs du Bloc national.

Après avoir brillamment passé le baccalauréat à l’âge de dix-sept ans, Robert Coutant commença à travailler comme employé dans une compagnie d’assurances. A la différence du grand-père et du père, il était prêt à accepter la discipline d’un parti. Aurait-il appartenu pendant son adolescence, aux "Faucons rouges" ? La naissance du mouvement en France n’est pas antérieure à 1932. Quoi qu’il en fût, il adhéra à la SFIO en 1927, avec la volonté, initialement sentimentale, de se placer aux côtés du monde ouvrier. Après le service militaire, il s’établit à Raismes (Nord) où il se maria le 27 septembre 1930. Il travaillait alors à l’usine "Franco-Belge" comme dessinateur industriel. Nommé secrétaire de la section SFIO de Raismes en 1932, il fut élu, en 1936, trésorier de la section syndicale CGT réunifiée de l’usine Franco-Belge, alors dirigée par Ruth. Cette même année fut créée à Paris une Fédération des techniciens, dissidente de la CGT, animée par des militants trotskistes. La majorité de la section syndicale des techniciens de Valenciennes et de ses environs se rallia à la nouvelle fédération et Coutant prit la tête de la section ainsi affiliée, Fiévez dirigeant de son côté la minorité restée fidèle à la CGT. Très dynamique, proche de la base ouvrière, la section des techniciens de Valenciennes obtint en 1937 l’une des meilleures conventions collectives de la région Nord, grâce à l’action de ses militants. L’année 1938 donna lieu à de profonds bouleversements au sein des groupements socialistes et syndicalistes du Valenciennois. Membre du comité des intellectuels antifascistes, Coutant se trouva, dès 1936, en désaccord profond avec la politique étrangère menée par le gouvernement Blum. Partisan d’une attitude plus ferme à l’égard des régimes fascistes, il se plaça dans la tendance pivertiste. En 1938, avec de nombreux socialistes valenciennois, il rejoignit le PSOP que venait de créer Marceau Pivert*. Il était noté dans une fiche policière comme « secrétaire à la propagande très actif », organisant des réunions privées à son domicile, s’efforçant de constituer une équipe d’orateurs et de propagandistes. La même année, le syndicat autonome des techniciens s’engagea dans la « grève interdite » lancée par la CGT. Après l’échec du mouvement en novembre 1938, Coutant fut licencié et le syndicat se disloqua. Profondément découragé, mis à l’index par le patronat après les grèves de novembre 1938, il connut sept mois de chômage, dut se résoudre à regagner Paris, d’où il était originaire, et parvint à se faire embaucher chez Citroën. Mobilisé en septembre 1939, il fut placé en affectation spéciale à l’usine du Quai de Javel. Classé comme « militant révolutionnaire dangereux » par la police de Vichy, Coutant dut, dès l’automne 1940, se soustraire régulièrement aux recherches de la police. Sous l’Occupation, il appartint, aux côtés de Mayeux, au groupe de résistance « Libération-Nord ».

Choisi comme rédacteur du journal socialiste Nord-Matin, en novembre 1944, il fut également chargé, par la SFIO qu’il avait rejointe, de réorganiser les sections du Valenciennois. Il appartint à la commission exécutive fédérale SFIO du Nord de 1945 à 1959 qui le désigna comme secrétaire fédéral à la propagande.

En juin 1946, Robert Coutant fut élu député dans la troisième circonscription du Nord sur la liste conduite par Eugène Thomas* et Raymond Gernez* ; situé en 3e position, il succédait à Madeleine Léo-Lagrange* qui n’était pas représentée par la fédération. Il fut secrétaire de la commission travail et Sécurité sociale de l’Assemblée, pour laquelle il déposa plusieurs propositions de résolution à caractère social, et membre de la commission de l’équipement national et de la production industrielle. Toujours situé en 3e position sur la liste socialiste, Robert Coutant ne fut pas réélu en novembre 1946, la SFIO perdant un siège car ses suffrages régressaient régulièrement dans sa circonscription (35 % des exprimés en octobre 1945, 29 % en juin 1946 et 25,5 % en novembre 1946). En 1947, il fut l’un des organisateurs de la tendance Force ouvrière, menant le combat au printemps pour une véritable parité avec les ex-unitaires sur les listes aux élections à la Sécurité sociale, menaçant de présenter des listes indépendantes. Sous son impulsion, « jamais encore, depuis la Libération, la lutte menée par les socialistes n’avait atteint une telle virulence, aussi bien sur le plan politique que sur le plan syndical », notait un rapport des RG de la Sûreté nationale du 5 mars 1947 (Arch. Nat. F/1a/4737).

Il fut directeur adjoint de cabinet d’Augustin Laurent*, ministre d’État dans le gouvernement Léon Blum* (décembre 1946-janvier 1947), puis chargé de mission au cabinet d’Eugène Thomas*, secrétaire d’État aux PTT de juillet 1950 à mars 1951.

Robert Coutant occupa durant toute la IVe République une place importante dans l’appareil national de la SFIO, comme spécialiste des questions ouvrières. Élu au comité directeur de 1947 à 1959 (sauf, une démission provisoire après l’élection de Provo comme député en janvier 1953), il occupa surtout l’un des postes de délégué national à la propagande en 1949-1951. La direction socialiste le désigna comme responsable des Groupes socialistes d’entreprises le 1er octobre 1947 (il le demeura jusqu’en 1951) et il appartint à la commission nationale ouvrière de 1950 à 1957, puis fut désigné comme responsable de la commission travail de la commission nationale d’études de la SFIO en 1958. Il fut par ailleurs délégué adulte des Jeunesses socialistes en 1950 et appartint au conseil d’administration du Populaire en 1954-1958. Militant de Force ouvrière, il présenta le texte sur les rapports avec les organisations syndicales au congrès de 1952. Il avait présenté la motion nationale majoritaire au congrès national extraordinaire des 13-14 décembre 1949 et siégea à la commission des résolutions du conseil national de décembre 1957 et à la commission chargée d’étudier les problèmes de politique économique et sociale au conseil national des 3-4 mai 1958.

Robert Coutant, qui avait été candidat sans succès à l’élection au Conseil de la République en 1948, fut réélu député en juin 1951 et en janvier 1956. Il bénéficiait du recul du MRP qui permit l’élection d’un troisième député socialiste à la plus forte moyenne. Il siégea dans les mêmes commissions qu’en 1946 (travail, Sécurité sociale, production industrielle). Il eut une activité législative colossale, déposant des propositions, rapportant des projets de loi (pas moins de onze pages de la table des débats de l’Assemblée, note le Dictionnaire des parlementaires) et intervint fréquemment à la tribune, notamment sur les lois de finances. En 1956, il fut désigné comme secrétaire de l’Assemblée et en octobre 1957 comme président de la commission du travail et de la Sécurité sociale. Il fut, notamment, rapporteur des propositions de loi mettant en place les grandes réformes sociales du gouvernement Guy Mollet* et du ministre Albert Gazier*, sur la gestion de la Sécurité sociale, la troisième semaine de congés payés, le fonds national vieillesse et sur le remboursement des honoraires et frais médicaux.

L’année 1958 marqua un tournant dans son itinéraire. Avec Rachel Lempereur* et Arthur Notebart*, il refusait le retour au pouvoir du général de Gaulle et s’opposa à la direction fédérale conduite par Augustin Laurent qui approuvait Guy Mollet et sa politique lors des événements de mai. Après avoir refusé de voter l’investiture du général de Gaulle le 1er juin, et les pleins pouvoirs le lendemain, il appuya la motion d’Albert Gazier* qui appelait à rejeter la Constitution de la Ve République au congrès d’Issy-les-Moulineaux en septembre 1958. Les minoritaires étant battus au congrès fédéral, Robert Coutant décida de ne pas se représenter aux législatives de novembre 1958, estimant que son électorat, foncièrement modéré, ne pouvait comprendre son opposition de principe à la Constitution de la Ve République.

Il se replia alors sur ses mandats municipaux. Conseiller municipal de Valenciennes de 1947 (il avait conduit la liste socialiste) à 1959, R. Coutant devait être élu maire de Somain-sur-Écaillon en 1965. Il se démit de son mandat à l’issue des événements de Mai 1968, le conseil municipal, à dominante rurale, ayant désavoué le soutien accordé par Coutant aux mouvements de grève ; il conserva cependant son siège de conseiller municipal. Bien qu’ayant pris sa retraite en 1968, il continua de militer activement au sein du Parti socialiste. Désigné par la fédération socialiste du Nord, il fut candidat aux élections législatives de 1973 dans la 19e circonscription du Nord pour faire obstacle à la candidature de Donnez, maire de Saint-Amand-les-Eaux qui avait été exclu du Parti socialiste en 1967 pour avoir refusé l’Union de la gauche. Son désistement au second tour permit l’élection du candidat communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article20986, notice COUTANT Robert, Henri par Yves Le Maner, Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 23 août 2021.

Par Yves Le Maner, Gilles Morin

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

SOURCES : Arch. Nat., F/1a/3382 ; F/1cII/205 ; CAC, 20010216/114/3032. — Arch. Dép. Nord, M 595/35. — Arch. OURS, dossier personnel. — Liliane Guignard-Perrein, Les Faucons rouges 1932-1950, thèse 3e cycle, histoire, Paris 10-Nanterre, 1982. — Hugo Iéria, Les Militants ouvriers du Valenciennois de 1919 à 1939, mémoire de maîtrise, Lille, 1974. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Bulletin intérieur de la SFIO, n° 107. — Rapports de congrès fédéraux du Nord, 19451967. — DPF, tome 3, op. cit. — État civil d’Ivry-sur-Seine.

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