TARBY Adrienne [TARBY Alexandrine Alphonsine, dite] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Marianne Enckell, Dominique Petit

Née le 27 mars 1862 à Paris, morte le 20 décembre 1938 à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) ; blanchisseuse ; membre de la colonie L’Essai à Aiglemont (Ardennes).

Son père d’Adrienne Tarby, Louis-Joseph Tarby, tourneur-mécanicien, 41 rue Keller à Paris aurait été franc-maçon.
Avant son mariage, elle demeurait avec sa mère 19, rue Letellier à Paris.
Le 1er mars 1882, elle donna naissance à Paris (IVe arrondissement) à Fernande Marie Tarby, née de père inconnu. Elle demeurait alors rue de la Roquette.
Elle se maria le 21 octobre 1882 avec Victor, Xavier Lequien, ajusteur. Le mariage légitima Fernande devenue Lequien.

Adrienne Tarby avait deux filles : sa fille aînée Fernande Lequien dite Georgette (1882-1942) épousa en 1903 un jeune frère de Fortuné Henry, Jules, Paul, Emmanuel (1879-1934). Sa fille Marguerite Andrée (1895-1970) vécut avec sa mère à la colonie L’Essai depuis le printemps 1904.
Elle évoqua son installation à la colonie lors de la visite d’un groupe de journalistes de Charleroi : « ... notre interlocutrice, Adrienne, et sa fille Andrée, amies de Henry, étaient venues de Paris en vacances de Pâques, et elles s’y étaient si bien trouvées qu’elles avaient décidé d’y demeurer »
Souvent présentée comme la maîtresse de Fortuné Henry, avant son arrivée à Aiglemont, en particulier par Francis Jourdain, elle expliqua elle-même, aux journalistes belges, les raisons de sa venue à Aiglemont : « Toujours par la lecture du Libertaire, ce fut moi la troisième personne attirée ici. J’y vins peut-être bien en curieuse, mais je trouvai tout de suite à m’occuper, soignant le linge, faisant la lessive... Cependant je ne songeais pas à rester. Je disais toujours : j’attendrai telle et telle date, puis je partirai ; les fraises, le dernier délai fixé, vinrent, et je ne suis pas partie. Vous voyez, je ne le regrette pas, je suis heureuse ».

Francis Jourdain, fit un portrait à charge, misogyne et contradictoire d’Adrienne Tarby, selon lui Fortuné Henry « avait eu la fâcheuse idée d’aller chercher, je ne sais où, pour l’installer à la cuisine de la colonie, une ancienne maîtresse qui n’avait jamais dû être (illisible) – ni jeune d’ailleurs – et était devenue d’une hideur rare, maigre, petite, dépenaillée, traînant la savate, ventre en avant, braillant derrière un binocle fêlé, posé de travers sur un (illisible) nez pincé, la mégère était gracieuse comme le chardon, aimable comme la teigne. Ce laideron vindicatif n’était pas arrivé depuis huit jours que les colons, depuis longtemps sevrés de cotillons, en tombaient tous amoureux. Tous et surtout l’excellent Mounier, l’intellectuel de l’équipe, un beau gars barbu, plein de santé, venu de Suisse pour fuir le monde, et dont la misanthropie n’altérait pas la bonne humeur. Il couchait dans une pièce grande comme un mouchoir, sur deux planches, sans matelas, ni couverture. Cet ascète doux et joyeux n’avait d’yeux que pour l’épouvantail qui partageait le lit de Fortuné. Celui-ci était le seul à ne manifester au monstre ni adoration, ni sympathie.
Peut-être cependant en était-il jaloux, sans trop s’en rendre compte lui-même, trouvant mille prétextes pour laisser éclater son courroux. Il y eut des disputes, des scènes violentes, voir des larmes, des coups, et des envois clandestins de vers inspirés par le désir ou par le chagrin ».
Selon Jourdain, Mathilde, la femme de Liard-Courtois ne pouvait pas s’entendre avec Adrienne Tarby.

La Gazette de Charleroi en fit une tout autre description : « Une jeune femme vient au-devant de nous et nous souhaite cordialement la bienvenue, en se mettant à notre disposition pour visiter la colonie... ». Continuant à faire la visite de la colonie au journaliste : « Voyez, nous dit notre aimable interlocutrice, la camarade Adrienne, en nous conduisant dans une vaste chambre réservée au couple de camarades qui a déjà deux enfants, près du lit est la couchette qui attend le prochain colon dont la naissance est imminente... »
Le Journal de Charleroi soulignait pour sa part que lors de leur visite, Adrienne Tarby les reçut aimablement et souriante. Ce jour-là les hommes de la colonie étaient absents, partis pour la journée, planter des pommes de terre.
Décrivant la répartition des tâches au sein de la colonie, Adrienne Tarby déclara : « Les femmes s’occupent de la cuisine, du linge, de la lessive, de la basse-cour, des fleurs, chacun à son poste. Moi, j’ai le soin de la maison et des canards. L’autre camarade s’occupe des poules et des lapins, etc... Les hommes vont au champs, défricher, labourer, semer, récolter ». Elle présenta la colonie comme l’œuvre de Fortuné Henry. Lors de la visite, elle montra sa chambre et celle de Fortuné car « chaque camarade et chaque compagne a sa chambre ».

André Mounier confirma dans sa brochure, la division du travail entre les hommes et les femmes : « Ce fut un véritable soulagement aux colons - il y avait alors des camarades de passage - de ne plus avoir à faire la cuisine, la vaisselle et surtout la lessive ».
Le journal l’anarchie qui n’avait guère de sympathie pour l’expérience d’Aiglemont publia le témoignage d’ E. Roberolle, un charpentier venu de Paris où Adrienne Tarby était évoquée fugacement : Lors d’une querelle d’argent avec lui, venu à Aiglemont pour monter la charpente d’une maison, « Fortuné sauta sur moi et me gratifia de quelques coups ; puis craignant avec juste raison, que je prenne l’attaque, il me lâcha soudain, et courut vers sa chambre à coucher, en hurlant : Adrienne ! Mon revolver ! Mon revolver ! ». Finalement des colons l’empêchèrent de faire usage de son arme.
Le couple partit, en juillet 1908, et s’établit à Champigny-sur-Marne. Les deux filles d’Adrienne vivaient à proximité, ou avec eux ; c’est là qu’elle mourut en 1938.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210140, notice TARBY Adrienne [TARBY Alexandrine Alphonsine, dite] [Dictionnaire des anarchistes] par Marianne Enckell, Dominique Petit, version mise en ligne le 4 janvier 2019, dernière modification le 3 octobre 2021.

Par Marianne Enckell, Dominique Petit

SOURCES : Céline Beaudet, "Vivre en anarchiste". Milieux libres et colonies dans le mouvement anarchiste français : des années 1890 aux années 1930, thèse, Nanterre 2012. — Langlois, Généalogie d’Adrienne Tarby, Site geneanet.org — Francis Jourdain, « Né en soixante-seize. La colonie d’Aiglemont », Revue Europe, juin 1952 — l’anarchie, 8 février 1906. — G. Narrat, Milieux libres. Quelques essais contemporains de vie communiste en France. Thèse de doctorat, 28 octobre 1908. — Léo Taxil, La France maçonnique, 1888. — La Gazette de Charleroi, 11 juin 1905 — Le Journal de Charleroi, 15 et 16 juin 1905.

ICONOGRAPHIE : Agence Rol. Gallica, agrandissement

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