ARLAUD Marguerite, née Dumont [Pseudonyme dans la Résistance : LINE ou GUITOU]

Par Eric Panthou

Née le 3 janvier 1926 à Thiers (Puy-de-Dôme) ; résistante au sein des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique, agent de liaison pour les Francs-tireurs et partisans (FTP).

Les parents de Marguerite Dumont étaient bouchers. La famille était laïque mais Marguerite a fait sa communion. Elle vécut auprès de ses grands parents maternels dans le village de Chauchat jusqu’à l’age de six ans. Ils étaient monteurs de couteaux à domicile.
Marguerite vint ensuite vivre chez ses parents et alla à l’école de Turelet, son institutrice Madame Desserin la marqua à vie dans sa façon de penser, de faire. Marguerite assista à l’arrestation du mari de Madame Desserin, qui ne revint pas de déportation.
Titulaire du Certificat d’études, elle alla ensuite comme elle dit à l’école de Pétain, sort de Lycée professionnel thiernois où les jeunes filles apprenaient la cuisine, la couture. Ses parents étant bouchers, son père décida de ne pas lui faire suivre, au grand regret de marguerite, une école de cuisine, mais cela resta sa passion.
Elle s’est mariée le 5 décembre 1945 et eut deux filles nées en 1946 et 1951 qui, elles aussi, sont investies dans le travail de mémoire de la Résistance à travers leur action au sein du Cercle d’études de la deuxième guerre mondiale à Thiers et de l’ANACR.

Sous le régime de Pétain, c’est par le biais des amicales laïques que les jeunes thiernois continuent de s’organiser politiquement et sont amenés à faire le lien avec la Résistance.
Marguerite Dumont entre en avril 1943 au sein des Forces unies de la jeunesse patriotique, organisation créée nationalement par le Parti communiste, et dirigée localement par son frère René Dumont. En septembre 1943, alors que son frère fuit Thiers pour entrer dans la clandestinité, elle lui succède. Marguerite, jeune fille de 17 ans, devient alors Line. « Ce n’était pas par courage, plutôt par insouciance, par audace, par conviction aussi face à une injustice que l’on ressent et à laquelle on se sent obligé de s’opposer, d’aller au combat », résume-t-elle. Créé en 1942 par son frère, ce groupe de résistants est constitué d’élèves du collège Audembron de Thiers et de fils d’ouvriers. Ils ne se connaissent que par prénom et sont aidés par la population locale qui veille à les protéger.
L’action du groupe se traduit par des distributions de tracts dans les boîtes aux lettres, le vols d’une machine à écrire à l’école nationale de Thiers ou des tickets d’alimentation à la mairie de Dorat, pour nourrir les maquisards.
Le chef des FTP, le lieutenant Victor Baudry, dit Mercier, ne disposant plus de son agent de liaison, Line est alors recrutée pour assurer cette mission dans les mois précédant la Libération. Son contact était un dénommé Normand, un ingénieur chargé des remontées mécaniques à la station du Lioran (Cantal). Elle était également sous les ordre de René Règne ainsi qu’André Roy alias Pierre.
Elle circulait à vélo, de Thiers à Giroux, Ambert, Vertolaye ou Valcivières. Le trajet était long et montagneux et elle mettait régulièrement 3 jours pour accomplir sa mission, couchant dans des granges. En mai 1944, alors qu’elle rentrait d’Ambert, elle s’écroule, épuisée et déshydratée, devant la sous-préfecture. Son médecin lui impose le repos total et c’est en convalescence au à Montaigut-le-Blanc qu’elle apprend que Thiers a été libéré par la Résistance à la suite de combats, le 25 août. Elle siégea peu après au sein du Comité de Libération de Thiers.
La vie reprend son cours. « Après la Libération, on n’avait rien, pas de métier, pas d’argent, aucune formation, il a fallu se débrouiller », indique-t-elle. On l’embauche au quotidien La Liberté -ou La Nation- à Clermont-Ferrand. Elle « s’occupe des chats écrasés » mais rend aussi compte « des procès de collabos et de miliciens à Riom ».
A l’été 1945, à l’occasion d’un bal, elle rencontre Simon, son futur mari, originaire de Marseille et revenu fleurir la tombe de son frère François Arlaud, résistant comme lui dans la région de Thiers, tué le 17 août 1944.
Après son mariage, Marguerite Arlaud partit vivre quelques temps à Marseille puis la famille revint à Thiers où la vie fut difficile avec deux enfants et un seul salaire. En 1949, elle dut être hospitalisée au sanatorium Clémentel pour une tuberculose contractée depuis la fin de la guerre. Elle fit une rechute en 1956.
Ce n’est qu’après la mort de son mari, que Marguerite commença à parler de cette période à d’autres personnes car pour son mari, la mort de François fut toujours une plaie vivante. Chaque année la famille allait se recueillir là où François avait été tué, au Pont du Fraisse.
Elle vit maintenant dans le village de Chochat, à proximité de Thiers et reste investie dans le travail de mémoire en apportant son témoignage de Résistance, notamment auprès des élèves. Militante de toujours de l’ANACR, Marguerite a sans doute appartenu au Parti communiste dans l’après-guerre, participant à l’activité du parti avec des réunions, des distributions.
A l’occasion du 70éme anniversaire de la Libération de Thiers, elle a reçu la médaille de la Ville de Thiers et celle de l’Assemblée nationale.
Ses deux filles sont elles-mêmes des militantes engagées ; sa fille plus jeune fit partie du RCTD mouvement contre le maire Front national de Toulon, Dominique devenant quant à elle présidente locale de l’ANACR de Thiers et secrétaire générale du cercle d’études 2e guerre mondiale de Thiers.
La mère de Marguerite, Thérèse Dumont-Paccaud, fut la première femme à siéger au conseil municipal de Thiers.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210239, notice ARLAUD Marguerite, née Dumont [Pseudonyme dans la Résistance : LINE ou GUITOU] par Eric Panthou, version mise en ligne le 6 janvier 2019, dernière modification le 9 août 2022.

Par Eric Panthou

SOURCES : Entretien téléphonique avec Marguerite Arlaud, 10 avril 2018.— La Montagne, édition Thiers-Ambert, 2 juin 2017.— “Line, une révoltée qui résiste au temps”, La Montagne, Thiers Ambert, 6 mai 2011.— “Pour le 70e anniversaire de la Libération de la ville : hommage ému et émouvant”, La Montagne, Thiers Ambert, 26 août 2014 .— Courriel de Dominique Leray-Arlaud, sa fille, à Eric Panthou, le 7 janvier 2019.

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