BERGER-VOLLE Mélanie (Méla)

Par Henry Destour

Née le 8 octobre 1921 à Vienne (Autriche) ; corsetière, vendeuse, employée municipale. Militante antinazie et antifasciste, passeuse de mémoire.

Fille d’Adolf Abraham Berger, représentant de commerce et d’Eugénie Salamon son épouse. Elle se maria à Lucien Volle le 15 juin 1965.
La famille Berger avait deux enfants et habitait un quartier ouvrier mais n’affichait pas d’engagement politique militant même si ses sympathies allaient au Parti social-démocrate ; Mélanie fut d’ailleurs membre du mouvement d’enfants, les Faucons rouges. En Autriche, après la défaite et le démembrement de l’Empire, la crise de 1929 exacerba la misère, les privations et les tensions sociales. Dans les années 30, la propagande des nazis autrichiens, galvanisés par l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne en 1933, se fit de plus en plus agressive.
A 14 ans, Mélanie apprit le métier de corsetière mais, après avoir terminé l’école professionnelle, son horreur du nazisme et son désir de changer le monde la poussèrent à s’engager dans l’action politique. En 1934, alors qu’elle n’avait que 13 ans, elle avait assisté aux manifestations ouvrières de février cruellement réprimées et aux mouvements de juillet contre la tentative de putsch des nazis. Après l’interdiction des partis d’opposition qui les contraignit à la clandestinité, elle rejoignit l’Organisation socialiste révolutionnaire, formée par des opposants sociaux-démocrates, qu’elle quitta rapidement pour rallier le RKÖ (Communistes révolutionnaires d’Autriche), groupe fondé en 1935 par Georg Scheuer, Joseph Hindels et des dissidents du Parti et des Jeunesses communistes. Mélanie entra alors dans l’action clandestine sous le pseudonyme de Nelly. Le 15 mars 1938, elle assista, le cœur brisé et la rage au ventre, au discours de Hitler venu célébrer l’Anschluss à Vienne sur la place des Héros, dans la Hofsburg. Pour les opposants, l’étau policier se resserra plus encore.
Avec deux camarades, dont Arthur Streicher, elle décida de gagner la France, « pays de la liberté ». Elle traversa l’Allemagne en auto-stop, réussit à entrer en Belgique et rejoignit Bruxelles alors que ses amis étaient retenus à la frontière : « Ce fut un très mauvais moment, je n’avais que seize ans, sans adresse, sans connaissance de la langue, entièrement livrée à moi-même… » Avec l’aide du Comité d’accueil aux réfugiés, elle trouva un travail et parvint à renouer avec ses camarades qui avaient fini par entrer eux aussi. Le groupe se reconstitua partiellement à Anvers où elle s’était installée avec Georg Scheuer. En septembre 1938, habillée en garçon, elle passa la frontière française avec ses amis au milieu d’ouvriers frontaliers. A Lille, puis à Paris, ils furent aidés par des trotskystes. Une autorisation inespérée, due à la consonance française de son nom, lui permit d’y séjourner régulièrement et elle accueillit ses camarades clandestins jusqu’à la déclaration de guerre où ces derniers durent rejoindre le camp des Milles. Alors qu’elle disposait d’un affidavit pour émigrer aux États-Unis, elle décida de rester en Europe pour mieux combattre le nazisme. A la déclaration de guerre, ressortissante d’un pays ennemi, elle fut assignée à résidence à Clermont-Ferrand qu’elle quitta en juin 1940, à l’arrivée des troupes allemandes.
Après un moment d’errance dans le sud de la France, accompagnée d’une amie, elle put reprendre contact avec un camarade du RKÖ (devenu, depuis l’Anschluss, le RKD : Communistes révolutionnaires d’Allemagne). Au printemps 1941, un groupe du RKD se reconstitua et s’installa dans une ferme à proximité de Montauban où le maire Fernand Bales accueillait des réfugiés antifascistes. Mélanie y retrouva Scheuer et d’autres militants qui s’étaient enfuis du camp des Milles, profitant de la désorganisation de la débâcle. Sous le pseudonyme d’Anna, elle prit part à la propagande auprès des soldats allemands : distribution et collage de tracts et de papillons, contacts individuels, diffusion du journal Fraternité prolétarienne…
Le 20 janvier 1942, la police française l’arrêta dans un appartement qu’elle louait en ville pour la fabrication de ce matériel. Scheuer réussit à s’enfuir tandis que Mélanie était interrogée à plusieurs reprises et durement frappée avant d’être transférée à la prison Saint Michel de Toulouse. Le 18 décembre 1942, elle fut condamnée par la Section spéciale de la cour d’appel de Toulouse à 15 ans de travaux forcés et 20 ans d’interdiction de séjour pour distributions de tracts « dans une intention communiste ou anarchiste » et pour avoir conduit une activité « ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre de la Troisième Internationale communiste. » D’abord emprisonnée à Toulouse elle fut rapidement transférée à la prison pour femmes des Baumettes à Marseille.
Mélanie parvint néanmoins à rétablir le contact avec Georg Scheuer pour mettre au point un plan d’évasion qui fut mis à exécution à l’Hôpital de la Conception où elle avait été admise d’urgence en raison d’un ictère. Le 15 octobre 1943, alors que Georg attendait sur la rue dans un taxi, un camarade habillé en agent de la Gestapo, accompagné d’une femme en uniforme de la Croix-Rouge et de deux hommes - dont un soldat allemand gagné à leur cause - la firent sortir. Elle put gagner un logement sûr avant d’être acheminée vers Dijon, puis vers Lyon. Sitôt guérie, elle reprit son action clandestine avec l’aide de résistants français et accomplit plusieurs missions d’agent de liaison entre Lyon et Paris où elle se fixa après la Libération.
Mélanie était alors une réfugiée apatride ne pouvant accéder à un emploi régulier et louer un logement. Accueillie par des amis, elle alterna des activités épisodiques dans la confection et des travaux de ménage. Le 15 juillet 1947, elle épousa Roger Essel, un instituteur, et obtint la nationalité française ; elle put devenir commerçante foraine et vendre sur les marchés de la bonneterie et des articles qu’elle confectionnait. Après la perte d’un jeune enfant, le couple décida de partir à Madagascar, où Mélanie travailla dans un laboratoire, avant de se séparer de son mari et de divorcer en 1958. Elle regagna Paris en 1957 puis se rendit dans la capitale autrichienne pour revoir ses parents. Elle y rencontra Lucien Volle, résistant français, journaliste-rédacteur à la Fédération Internationale des Résistants, qu’elle épousa le 14 juin 1965. Ils vécurent une dizaine d’années à Vienne où elle occupa un emploi de vendeuse dans un magasin de mode avant d’en devenir la responsable.
En 1967, le couple regagna Paris où Lucien devint correcteur de presse. Mélanie occupa des emplois de vendeuse et d’employée. En 1969, ils s’installèrent à Drancy où elle fut recrutée comme hôtesse à la mairie. Au début des années 70, elle rejoignit le Parti communiste français dont elle est encore adhérente. Elle n’y occupa ni responsabilité politique ni mandat électif mais consacra son activité militante à la lutte antifasciste, à la dénonciation des crimes nazis et à la mémoire de la Résistance en organisant des expositions, des échanges, des jumelages, des conférences auprès des scolaires. Elle siégea au conseil national de la FNDIRP et au bureau départemental de la Seine-Saint-Denis de l’ANACR. Elle fut également membre du bureau national de l’Association France-RDA et trésorière du syndicat CGT des employés municipaux de Drancy.
Après leur retraite, en 1982, Mélanie et Lucien Volle quittèrent la région parisienne pour Brive-Charensac, près du Puy-en-Velay (Haute Loire) où Lucien était une figure de la Résistance ; il présidait la section départementale de l’ANACR qu’il avait fondée et Mélanie devint secrétaire départementale de la FNDIRP. Tous deux y poursuivirent leur action : témoignages, commémorations, colloques, publications, concours national de la Résistance… Après le décès de son mari le 4 août 2012, elle déménagea à Saint-Etienne (Loire).
En 2018, elle déploie toujours une inépuisable énergie, elle est membre du conseil national de l’ANACR, présidente d’honneur et membre du conseil scientifique du Mémorial de la Résistance et de la Déportation de Saint-Etienne. Elle a reçu toutes les distinctions honorifiques de la Résistance ainsi que la Médaille des évadés ; elle est chevalier des Palmes académiques, de l’Ordre national du mérite et de la Légion d’honneur. Elle est également décorée de la Médaille d’or de la République autrichienne, pour acte de résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210289, notice BERGER-VOLLE Mélanie (Méla) par Henry Destour, version mise en ligne le 10 janvier 2019, dernière modification le 22 juillet 2021.

Par Henry Destour

SOURCES : Archives de Mélanie Berger-Volle. — Vaggiani Renée, " Une femme de l’ombre : Méla Volle née Berger", in Histoire sociale de la Haute-Loire, n° 5, année 2014, pages 76-89. — Berger-Volle Mélanie, "Ma Résistance", in Etrangers antifascistes à Marseille 1940-1944, sous la direction de Robert Mencherini, Marseille, éditions Gaussen, 2014, pages 47-56. — Site bataillesocialiste.wordpress.com : Bourrinet Philippe : Biographie de Georg Scheuer. — Entretiens Mélanie Berger-Volle et Henry Destour, décembre 2018.
DENIS Cécile, Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes, (thèse de doctorat réalisée sous la direction d’Hélène Camarade, soutenue publiquement le 10 décembre 2018 à l’université Bordeaux-Montaigne)

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