DELAMARCHE Étienne, Paul

Par Gauthier Langlois

Né le 12 octobre 1834 à Fayl Billot (Haute-Marne), mort le 24 mars 1901 à Mont-le-Franois, (Haute-Saône) ; militaire puis commis principal à l’octroi de Paris ; fondateur ou administrateur de plusieurs sociétés mutualistes ; commandant des volontaires du fort de Montrouge pendant la guerre franco-prussienne, il se rallia aux Versaillais pendant la Commune.

Fils de Pierre-Philippe Delamarche, postillon (1807-1859) et de Claire Flamiski (1813-ap. 1834).

Engagé volontaire en 1855 dans le 19 régiment d’infanterie, il participa en 1855-1856, au siège de Sébastopol et reçut à ce titre la médaille de la guerre de Crimée attribuée par la reine Victoria. En 1859 il participa à la compagne d’Italie pour laquelle il fut encore médaillé. Il quitta l’armée en 1862 avec le grade de sergent major et devint commis à la direction de l’octroi de Paris.

Tout le temps que lui laissait son emploi, il le consacrait, paraît-il, à des oeuvres d’instruction et d’émancipation sociale. Il fut le créateur, en 1861, de la première bibliothèque populaire de Paris. En 1866 il prit une part active au fonctionnement de la Société de secours mutuel des employés du commerce et de l’industrie. En 1867 il était l’un des fondateurs, avec Louise Michel, Marguerite Tinayre et Fortuné Henry, de la Société coopérative des équitables de Paris. Il s’agissait d’une société coopérative de consommation et d’éducation inspirée de l’exemple anglais de la Société des équitables pionniers de Rochdale.

Pendant la guerre franco-prussienne il s’engagea dans la Garde nationale. En août 1870 il en fut élu capitaine. Puis il organisa, le 1er novembre 1870, le bataillon des volontaires de Montrouge, qu’il dirigea avec le grade de commandant puis de lieutenant-colonel. Il garda le fort de Montrouge, avant poste de Paris face aux Prussiens, et participa le 19 janvier 1871 à la bataille de Buzenval destinée à rompre l’encerclement. Après l’armistice il reçut, le 29 janvier 1871, la Légion d’honneur en tant que lieutenant-colonel du 53e régiment de la Garde nationale.

Ayant tenté de dissuader ses hommes de servir le pouvoir insurrectionnel de la Commune il fut menacé et, le 18 mars 1871, quitta Paris pour se réfugier à Versailles dans la famille de sa femme. Le 26 avril il fut nommé par les Versaillais commandant de la garde nationale du XIVe arrondissement. Mais ce commandement ne fut effectif qu’à partir du 23 mai, à l’entrée des troupes versaillaises dans le XIVe arr. Démobilisé le 8 juin il reprit ses fonctions à l’octroi de Paris tout en demeurant officier de réserve.

Jules Boulabert, dans le feuilleton « Les Vaincus » publié dans Le Cri du peuple, accusa Delamarche d’avoir, pendant la semaine sanglante, présidé la cour martiale de la rue des Fourneaux et de s’être acquitté avec férocité de cette sanguinaire mission. Il tenait ces informations d’André Belot, mort depuis sur les pontons. Delamarche attaqua le journal en diffamation. Dans l’audience du 5 décembre 1885 de la Cour de la Seine, les témoins cités par lui, d’anciens gardes nationaux ayant servi sous ses ordres ou des anciens fédérés, affirmèrent que loin d’avoir été cruel envers les fédérés prisonniers, il en sauva plusieurs et n’avait jamais présidé cette cour martiale. Lui-même affirma qu’il n’avait exercé aucun pouvoir avant son arrivée, le 24 mai, à la mairie du XIVe arrondissement où il se chargea de réorganiser les services administratifs et de distribuer des secours à la population. Sa défense conclut : « En un mot, au lieu d’user de son pouvoir pour faire de la réaction, il est directement intervenu entre les belligérants, usant de son autorité pour sauvegarder les droits de l’humanité et tendre la main aux victimes de la guerre civile ». Des témoins ajoutèrent que son humanisme le rendit suspect aux yeux des autorités versaillaises, qu’il fut pour cela arrêté le 9 juin 1871 et fit l’objet jusqu’en 1877 de quinze enquêtes de police. Il avait effectivement été jugé le 21 juin 1871 devant le Tribunal correctionnel de la Seine pour « usurpation de fonctions » mais avait été acquitté.

Le Cri du peuple fut condamné. Mais bien qu’ayant gagné son procès Delamarche restait considéré par des anciens communards comme un traître. Ainsi Édouard Merlieux tenta de l’exclure de l’Association philotechnique et, n’ayant pas réussi, envoya en mars 1886 une lettre au journal La Justice où il dénonçait la présence de ce « collaborateur ». Pour rétablir son honneur Delmarche publia une brochure contenant le procès-verbal du procès. Puis il se consacra à nouveau à ses activités de bienfaisance.

En effet, dès la paix revenue, Delamarche avait repris, selon un des témoins du procès, « son activité de propagande en faveur des oeuvres d’instruction et de bienfaisance pour effacer le souvenir des épreuves passées, pour en prévenir le retour il fallait prendre corps à corps ces deux ennemis de toute civilisation et de toute liberté : l’ignorance et la misère. » Le 21 juillet 1871, il créa la « Bibliothèque des Amis de l’Instruction du 14ème arrondissement » au 25 rue de la Tombe-Issoire. Et après avoir participé à la fondation de la plupart des bibliothèques populaires du département de la Seine, il les réunit au moyen d’un syndicat dont il prit la présidence. Cette initiative lui permit, en 1887, de recevoir les palmes académiques. Il reçut la même année une distinction comme vice-président de la société de secours mutuel des employés de l’octroi à Paris. Il était également le fondateur de la Société de prévoyance des anciens volontaires de Montrouge, le vice-président de la caisse des écoles, le secrétaire chargé de protéger les enfants employés dans les ateliers et manufactures, et un membre influent de la section de Montparnasse de l’Association philotechnique.

Il se retira en 1892 à Mont-le-Franois (Haute-Saône) dont il devint le maire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210472, notice DELAMARCHE Étienne, Paul par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 13 janvier 2019, dernière modification le 29 novembre 2020.

Par Gauthier Langlois

SOURCES : Arch. nat., Dossier de la Légion d’honneur LH/699/16. — Arch. dép. de Paris, D3U6/1. — Dolivet, Charles, Histoire de la garde nationale et des bataillons mobilisés du IXe arrondissement - Avant et pendant le siège de la capitale, année 1870-1871, Paris, chez l’auteur, 1872, p. 28, 70-75, 161. — Le Cri du Peuple, 12 et 15 avril 1885. — Le Rappel, 7 décembre 1885La Justice, 11 mars 1886, p. 1. — Journal officiel, 14 juillet 1887, 30 décembre 1887, p. 5795, 10 avril 1888, p. 1518.— Généalogie de Étienne Delamarche sur Geneanet. — Jean-Claude Farcy, « Delamarche – Etienne Paul », La répression judiciaire de la Commune de Paris : des pontons à l’amnistie (1871-1880), Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], 26 septembre 2019.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable