PASSOT Charles, Henri

Par Yves Jégouzo

Né le 14 mai 1896 à Fourchambault (Nièvre), mort en déportation à Birkenau le 29 décembre 1942 ; ouvrier en tôlerie automobile chez Renault à Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine) ; militant communiste de Boulogne-Billancourt et de Granville (Manche).

Charles Passot au volant de sa voiture "As de trèfle"

Charles Passot naquit dans une commune voisine de Garchizy (un des plus vieux sites sidérurgiques du centre de la France, fondé sous le Second Empire), dans une famille ouvrière. Son père, ajusteur, était sympathisant socialiste.
Avant la Première guerre mondiale, Charles Passot était ouvrier en tôlerie automobile chez Renault à Boulogne-Billancourt. Sur la butte du Chapeau Rouge, il assista au dernier grand meeting de Jean Jaurès, accompagné de sa jeune sœur Marie-Louise, alors âgée de douze ans. En août 1914, son frère Jean-Baptiste (le père de Madeleine Passot épouse Jégouzo) fut arrêté et écroué pour avoir manifesté contre la guerre à l’appel. Les frères Passot furent des militants socialistes de Boulogne-Billancourt. L’un d’eux Émile Passot, fut élu au conseil municipal en 1919.

En 1920, lors de la scission du congrès de Tours, Charles Passot, comme son frère Émile, choisit le Parti communiste. Sa sœur y adhéra en 1923. Militant communiste, Charles Passot est sur la ”liste rouge” du patronat : ouvrier hors pair en carrosserie, il peut trouver facilement du travail, mais dès que son nouvel employeur apprend son engagement, il est licencié.
Dans les années 1920, Charles Passot partit s’établir à Granville dans la Manche. Dans les années 1930, il ouvrit un petit atelier de tôlerie-carrosserie, se mettant à son compte comme artisan.
À Granville, Charles Passot poursuivit son activité militante, avec ses camarades Louis Blouet, Léon Lamort et René Longle, notamment dans la période du Front populaire. Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste présenta Charles Passot comme candidat au conseil général dans la circonscription de Mortin.

À l’automne 1939, quand le Parti communiste fut dissout et interdit, les quatre camarades de Granville furent interdits de séjour et envoyés en résidence surveillée. À l’été 1940, après le début de l’occupation, ils revinrent à Granville et commencèrent à reconstituer le Parti communiste dans la clandestinité.

Pendant cette période, son frère Émile, fut arrêté, jugé et condamné à sept mois de détention pour son activité communiste. Écroué à la Maison centrale de Poissy, il est libéré juste avant la mise en œuvre de la politique des otages.

Le 22 juin 1941, Charles Passot, marié, père d’un enfant, fut arrêté à son domicile, boulevard Louis-Dior à Granville. D’abord détenu à la prison de Granville, il fut transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne dans l’Oise, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122), où il fut enregistré sous le matricule 1327. Pendant cette détention, il correspondit avec ses proches par l’intermédiaire de sa sœur Marie-Louise, alors infirmière assistante sociale au dispensaire municipal de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Le 28 octobre, son nom figura sur une liste de dix-huit otages établie par la Felkommandantur 722 de Saint-Lô. Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Passot fut sélectionné avec plus d’un millier d’otages, la grande majorité désignée comme communiste et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées contre l’armée allemande Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus furent conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train partit à 9 h 30. Le voyage dura deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrirent principalement de la soif. Le 8 juillet 1942, Charles Passot fut enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45951 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants furent entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passèrent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous furent conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils furent répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils furent envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Charles Passot fut dans la moitié des membres du convoi qui restaient dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale”. Il mourut à Birkenau le 29 décembre 1942, selon les registres du camp.

Sa nièce Madeleine, arrêtée le 3 mars 1942, après sa détention au secret dans le quartier allemand de la prison de la Santé, arriva au fort de Romainville le 20 août. Là, elle apprit que son oncle Charles avait été déporté. Dans un mot sorti clandestinement et adressé à ses parents Jean-Baptiste et Marie, qui soutenaient les résistants et assuraient la liaison entre les prisonnières et le parti communiste clandestin, elle écrit : « … l’ami de Normandie doit travailler de force, car tout le camp de Compiègne a été vidé et les prisonniers envoyés là-bas [en Allemagne] ». Dans un de ses derniers mots clandestins avant son propre départ, Madeleine indique qu’il a pu être déporté vers la Galicie, en Pologne. Enfin, dans un ultime message avant le passage par Compiègne, elle écrit : « Je retrouverai, peut-être l’ami de la Manche. » Le 26 janvier 1943, lorsqu’elle arriva à Auschwitz, Charles Passot avait disparu depuis deux mois. Lors de la quarantaine, les rescapées du convoi peuvent écrire en Allemand sous la censure nazie, elle interrogea alors ses parents : « …je voudrais aussi savoir quelque chose de l’oncle Charles ». En février 1944, elle écrit : « Charles est probablement chez grand-mère [décédé !], ce qui n’est pas du tout étonnant. »

Après la guerre, une photographie de Charles Passot fut exposée pendant un temps dans la vitrine de la permanence du Parti communiste à Granville). Parmi les ”45000” rescapés, Georges Gourdon notamment se souvint de lui et témoigna.

Grâce aux démarches de Louis Blouet, Charles Passot fut reconnu comme “Déporté Résistant” (il avait d’abord été homologué comme “Déporté politique” en 1953). La mention “Mort en déportation” fut apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-02-1996).

En avril 2009, grâce à l’obstination de Génia Oboeuf, présidente de la FNDIRP de la Nièvre, sa nièce Madeleine obtint qu’une plaque commémorative à la mémoire de Charles Passot soit apposée sur le Monument aux morts de Fourchambault, sa ville natale ; dévoilée le jour du souvenir national de la déportation. Madeleine décéda le 19 septembre 2009.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210487, notice PASSOT Charles, Henri par Yves Jégouzo, version mise en ligne le 13 janvier 2019, dernière modification le 3 décembre 2020.

Par Yves Jégouzo

Charles Passot au volant de sa voiture "As de trèfle"

SOURCES : Site Mémoire Vive des convois des ‘45000’ et des ‘31000’ d’Auschwitz-Birkenau. — Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 416. — Yves Jégouzo, Madeleine dite Betty, Déportée résistante à Auschwitz-Birkenau, L’Harmattan, collection Graveurs de mémoire, Paris juin 2001. —Roger Arnould, Le convoi des “45000” d’Auschwitz, état des lieux, 1980. — De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Évrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001. — Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France,L’Humanité n° 14152 du vendredi 17 septembre 1937, page 4. — Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-22. — Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué). — Livre-Mémorial de la FMD, tome 1, 10 mai 2004, page 625, convoi I.74.

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