VALLETON Henri Jacques

Par Gauthier Langlois

Né le 3 juillet 1825 à Bergerac (Dordogne), mort en 1886 à St. George Hanover Square à Londres ; étudiant en médecine puis commerçant et homme de lettres ; quarante-huitard de tendance communiste, franc-maçon, administrateur de plusieurs clubs.

Fils de Etienne Valleton, serrurier et de Marthe Brun. Il est parfois dit né à Sarlat et se prénommer Henri, Henri Jacques, Jacques-Henri ou encore Jacques H.

Il monta à Paris pour faire des études de chirurgie ; il y demeurait 5 rue d’Enfer (VIe arr.).

Avec la révolution de février 1848 Valleton s’investit dans la propagande républicaine démocratique et sociale. Il devint animateur de plusieurs clubs républicains. En septembre 1848 il ouvrit, avec le professeur de mathématique Édouard Merlieux, le « Club Saint-Antoine ». Merlieux en était le président, Louis-Charles Thomas le vice-président, Charles-Sylvestre Muirson et Jacques-Henri Valleton en étaient les secrétaires. En faisaient également partie un autre professeur de mathématiques, Jean-Marie-Édouard Vidal, un homme de lettres, Barnabé Chauvelot, un ancien adjoint au maire de l’ancien XIIe arr., Jean-Baptiste Joseph Bocquet et un certain Piboin. Le « Club Saint-Antoine » possédait également une succursale sous le nom de « Club du Vieux-Chêne » ou des « Vieux-Chênes » qui se réunissait dans le cabaret du même nom, au 67 rue Mouffetard (Ve arr.).

Le bureau du « Club Saint-Antoine » et la plupart de ses orateurs étaient entièrement acquis aux idées de Proudhon. Les propos qui étaient tenus constituaient pour les autorités une excitation à la haine et des attaques contre la propriété. En effet, après les journées de juin, le gouvernement conservateur de Cavaignac avait restreint considérablement la liberté d’expression. Par la loi du 28 juillet 1848 les clubs étaient soumis à la surveillance de la police et fréquemment fermés. Ainsi le « Club de Saint-Antoine » fut suspendu par ordonnance du tribunal. Peu après Jacques-Henri Valleton ouvrit le « Club des Acacias » dans la salle de bal des Acacias, rue du même nom (XVIIe arr.), mais ce club fut suspendu de même. Barnabé Chauvelot loua alors la salle de la Reine Blanche au 104 de la rue Saint-Antoine (IVe arr.) et, par une déclaration du 28 octobre ouvrit le « Club de la Reine Blanche » dont il était le président et Merlieux le vice-président. Enfin, après la fermeture de la Reine blanche, Merlieux créa le « Club Sainte-Marine » au 6 impasse Sainte-Marine (IVe arr.). Jacques-Henri Valleton présida également le « Club de Charonne ».

Pour les propos qu’ils avaient tenus ou tolérés, Valleton et ses amis furent jugés à plusieurs reprises par la Cour d’assise de la Seine. Dans son audience du 28 novembre, la Cour accusa Merlieux d’avoir, dans une séance du « Club du Vieux-Chêne » du 25 septembre, toléré la discussion de propositions contraires à l’ordre public. Ces propositions, signées de Barnabé Chauvelot, de Bocquet et de Piboin, attaquaient l’Assemblée nationale, la bourgeoisie, la propriété. Pour ces faits la cour condamna Barnabé Chauvelot, Bocquet et Vidal à un an de prison et 1000 francs d’amende ; Merlieux, Muirson et Valleton à trois mois de prison, 500 francs d’amende et 5 ans d’interdiction de droits civiques ; Thomas à 200 francs d’amende et 2 ans d’interdiction de droits civiques. En appel, dans l’audience du 30 décembre, Bocquet fut condamné à six mois de prison et 1000 francs d’amende, Vidal à un an de prison et 1000 francs d’amende, Merlieux à cinq mois et 500 francs d’amende ; Thomas, Muirson et Valleton furent acquittés.

Valleton et ses amis comparurent encore devant cette cour le 7 février 1849. Pour les propos qu’ils avaient tenu le 16 octobre au « Club de Cambronne » présidé par Valleton, ils furent condamnés aux peines suivantes : Merlieux à un an de prison et 500 francs d’amende ; Valleton à deux mois de prison, 200 francs d’amende et trois ans d’interdiction de droits civiques ; Muirson à un mois de prison, 200 francs d’amende et deux ans d’interdiction de droits civiques ; les frères Charles et Henri Dupouey à 200 francs d’amende chacun. Pierre Bouclier, un chauffeur illettré qui tenait lieu de secrétaire fut acquitté.

On le voit, ces différentes condamnations étaient de véritables atteintes à la liberté de réunion et d’expression. Les avocats de la défense s’en étaient plaint à chaque audience. Quant à Valleton et Merlieux, ils avaient adressé une pétition à l’Assemblée nationale contre la persécution des clubs, dans laquelle ils affirmaient : « Il vaudrait mieux dire franchement aux défenseurs de la République démocratique et sociale : Vous n’avez pas le droit de réunion ; mais agir de la sorte, c’est du despotisme, c’est de l’arbitraire, c’est de la ruse constitutionnelle, c’est un raffinement de persécution ». Charles Delescluze, dans son journal La Révolution démocratique et sociale, protestait régulièrement contre ces atteintes liberticides en rapportant les débats de ces audiences.

Valleton publia aussi plusieurs brochures de propagande, notamment avec son ami Armand Lévy, qui partageait avec lui le même idéal politique, l’adhésion à la franc-maçonnerie et le soutien au nationalisme dans les pays de l’Est. C’est ainsi qu’il publia des lettres de deux hommes politiques, le roumain Dimitrie Brătianu (1818-1892) et le hongrois Dániel Irányi (1822-1892). Comme son ami il collabora également à plusieurs journaux, tels que le Journal de Bordeaux, Le Sud (Toulouse). Il participa, avec Eugène Dumetz, Suzanne Melvil-Bloncourt et Louis Huguier, à la publication des discours politiques de Mirabeau.

Après le coup d’état de Napoléon III il s’installa à Bordeaux. En 1863 il y dirigeait une société appelée le Comptoir de l’Union commerciale. Intégré à la bourgeoise locale, il appartenait, en 1865, à la « Société littéraire et artistique de Bordeaux ». Puis il s’installa à Londres. Il était en 1872 marchand et l’un des membres de la Société Dalton, Scott, et Company, 61, Great Tower-street. Avec son associé Jules Émile Planque il avait déposé un brevet pour l’invention d’une amélioration dans la fabrication du pain, des biscuits et patisseries. En 1875 il était directeur de l’Agence générale et commerciale, 13 A Henriette street Cavendish square.

Parallèlement à ses activités commerciales, Valleton s’était beaucoup investi dans la franc-maçonnerie. En 1866-1867 il présidait à Bordeaux la « Loge Française élue écossaise et de l’amitié réunies », avec le titre de vénérable. Entre 1874 et 1879 il appartenait à la « Grande Loge des Philadelphes » qui réunissait les frères français républicains installés dans la capitale britannique. Il en était l’orateur en 1874. Et c’est à ce titre qu’il prononça aux obsèques du franc-maçon Pierre Simard à Londres un discours de tonalité spiritualiste. Dans la Loge des Philadelphes figuraient plusieurs fondateurs de l’Association Internationale des Travailleurs et nombre de proscrits communards. Ses fréquentations montrent qu’il restait fidèle à ses idées de jeunesse. Mais faute d’avoir pu contribuer à réformer la société, il voulait réformer la Franc-maçonnerie. En 1873 il fit paraître en France une brochure intitulée Maçonnerie du rite occidental... Nécessité d’une nouvelle religion ou d’une réforme maçonnique, En 1877 il publia dans le Monde Maçonnique, une proposition tendant à supprimer dans la Constitution la référence à l’existence de Dieu. The Freemason, l’équivalent anglais du Monde Maçonnique, qualifia sa proposition de socialisme maçonnique, et affirma qu’il souffrait de communisme dans son cerveau.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210495, notice VALLETON Henri Jacques par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 15 janvier 2019, dernière modification le 2 mars 2020.

Par Gauthier Langlois

ŒUVRE : Quatre mots : citoyens, République démocratique et sociale, Metz : impr. de C. Dieu, 1848. — Démocratie sociale, par les citoyens Armand-Lévy et Henri Valleton,... I. Introduction. Le vieux monde et le monde nouveau. Du gouvernement dans la démocratie, Paris : Propagande démocratique et sociale, 1849. — Les Émeutiers ! les deux lundis, par les citoyens Armand-Lévy et Henri Valleton, Paris : impr. de Lacour, 1849. — La France parlementaire, recueil complet des discours et rapports prononcés par les principaux orateurs depuis 1789 jusqu’à nos jours... T. I, 1re série. Mirabeau, Paris, 1851. — Lettres hongro-roumaines. (Par Dimitrie Brătianu et Dániel Irányi), Paris : bureau de la "France parlementaire", 1851. — Du Principe des assurances, Bordeaux : impr. de Bissei, 1863. — Société littéraire et artistique de Bordeaux. Rapport de la commission de contrôle. Compte de l’exercice 1865. M. H. Valleton, rapporteur, Bordeaux : impr. de A. Lavertujon, 1866. — Maçonnerie du rite occidental... Nécessité d’une nouvelle religion ou d’une réforme maçonnique, Saint-Germain : impr. de E. Heutte, 1873.

SOURCES : Lucas, Alphonse, Les Clubs et les Clubistes, Paris, E. Dentu, 1851, p. 249-250. — Delmas, Curiosités révolutionnaires : Les affiches rouges ; reproduction exacte et histoire critique de toutes les affiches ultra-républicaines placardées sur les murs de Paris depuis le 24 février 1848, Paris, D. Giraud et J. Dagneau, 1851, p. 302-304. — Gazette des tribunaux, 29 novembre 1848, 8 février 1849.— Journal de Toulouse, 9 décembre 1848, p. 3. — Le moniteur universel, 31 décembre 1848, p. 2. — The London Gazette, 27 septembre 1872, p. 4494, 1er octobre 1875, p. 4694. — The Freemason, 2 juin 1877. — BnF, FM Fichier Bossu (309), Valleton H.

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