CHARNAY Maurice

Par Revu et complété par Julien Chuzeville

Né le 30 janvier 1856 à Mâcon (Saône-et-Loire) ; mort le 11 août 1916 à Paris (XVIIe arr.) ; docteur en droit ; journaliste ; militant parisien du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, puis du Parti socialiste SFIO.

Marie Antoine Charnay, dit Maurice Charnay, fut, à Paris, un des jeunes militants du Parti allemaniste, propagandiste, candidat, journaliste. Il semble avoir commencé à écrire dans Le Parti ouvrier, journal dirigé par Jean Allemane, en mars 1891.

Maurice Charnay s’adonna particulièrement à l’action antimilitariste du POSR. Sa brochure Catéchisme du soldat, où il écrivait que la patrie « est une idée fausse et un mensonge », lui valut un procès en janvier 1894. Il fut condamné à 100 francs d’amende et six mois de prison. Il militait alors dans le VIe arr. de Paris. Il fut incarcéré en février à la prison Sainte-Pélagie, d’où il écrivit des articles publiés dans Le Parti ouvrier sous le pseudonyme Biribi. Il fut libéré en août 1894.

Il fut ensuite un des combattants actifs du POSR dans la bataille dreyfusarde. Peu après le procès de la fin de 1894, dans le silence général de la presse socialiste, Maurice Charnay fut le premier à protester contre un jugement prononcé dans l’irrégularité.
Au lendemain de la cérémonie de dégradation, il écrivit dans Le Parti ouvrier (7-8 janvier 1895) un article intitulé : « S’il disait vrai », qui faisait écho aux protestations d’innocence du condamné :
« Mais, si c’était vrai, que Dreyfus fût innocent, écrivit Charnay, qu’il n’eût rien livré à l’Allemagne, qu’il fût la victime d’une fatalité, hasard ou épouvantable machination ! Si l’on avait cherché à poursuivre en lui l’israélite... Si le gouvernement avait inventé un simulacre de trahison, fabriqué des pièces, sacrifiant Dreyfus, comme son choix aurait pu tomber sur tout autre - la raison d’État n’a pas de loi - afin de surexciter le chauvinisme, de faire une diversion utile, au moment où le socialisme commence à pénétrer dans l’armée !...
« Ce n’est pas aux socialistes, qui tournent en dérision l’infaillibilité du pape, simple symbole de ralliement, de croire à l’infaillibilité de soldats, jugeant avec toutes leurs passions d’hommes et leurs préjugés professionnels ; à ceux qui sont visés par tous les moyens de répression, y compris le huis clos, rétabli exprès pour eux dans les procès politiques, à prendre pour un acte de foi un jugement rendu à huis clos ; à ceux qui ont toujours été décimés par les cours martiales, qu’on veut encore y déférer en se servant du prétexte hypocrite de la trahison, à s’incliner devant les cours martiales. C’est pourquoi, hurler comme la foule, excitée par les journalistes et les gouvernants, serait pour les socialistes la dernière des lâchetés. »

En 1896, 1897 et 1898, il prit la défense de Dreyfus dans plusieurs articles du Parti ouvrier. En janvier 1898, il reprochait à Jaurès de ne pas se prononcer en faveur de l’innocence de Dreyfus.
C’est dans le cadre de l’Affaire Dreyfus que Charnay polémiqua avec le journal L’Intransigeant, anti-dreyfusard, ce qui aboutit à un provocation au duel de la part de Daniel Cloutier. Ce dernier blessa Charnay à la main lors du combat, le 3 juin 1898 (La Petite République, 26 mai, 29 mai et 4 juin 1898).

En 1896, candidat au conseil municipal dans le quartier Saint-Victor (Ve arr.), sur 5 514 inscrits et 4 350 votants, il vint en tête de trois candidats socialistes avec 598 voix sur 1 160. En 1900, dans le quartier d’Auteuil (Paris, XVIe arr.) sous l’égide de comités socialistes indépendants, il recueillit 906 suffrages sur 5 412 inscrits et 4 217 votants. Deux ans auparavant, en 1898, dans la 1re circonscription du XVIe arr. (quartier de la Muette et d’Auteuil), il groupa 1 392 électeurs au premier tour des élections législatives sur 10 447 inscrits et 7 791 votants. Au second tour, il fut battu avec 1 961 voix par les 2 836 de Beauregard, professeur à la Faculté de droit de Paris.

Au premier congrès général des organisations socialistes françaises de Paris, salle Japy (décembre 1899) qui suivit les rapprochements opérés dans la lutte dreyfusarde, Maurice Charnay représenta le syndicat des mouleurs en fer d’Étampes. Au congrès d’unité à Paris, salle du Globe (avril 1905), il portait un mandat du Cher. Au congrès national SFIO à Nîmes (février 1910), il était délégué de l’Allier.

Charnay était vers 1897-1899 au syndicat national des chemins de fer comme employé du siège. Il publia des articles dans la Tribune de la Voie ferrée, portant généralement sur la législation et la réglementation du travail. Il écrivit probablement aussi dans Le Réveil des travailleurs de la voie ferrée.

Après le retrait de certains groupes du réseau de l’État du syndicat national et la création du « Groupe syndical des travailleurs des chemins de fer de l’État », Charnay effectua au cours de l’année 1899 une tournée de propagande syndicale sur ce réseau en faveur du syndicat national.

Accusé de recevoir des subsides de l’Union catholique des chemins de fer, il fut exclu du syndicat national après le congrès extraordinaire de décembre 1909 (Les Cheminots dans l’histoire sociale de la France, Fédération nationale des cheminots CGT, Paris, 1967).

Il écrivit notamment dans Le Cri du Peuple, dans La Petite République, dans Le Parti ouvrier, à la Revue socialiste, dans L’Humanité nouvelle, au Monde nouveau et dans le Mouvement socialiste où il fit connaître les réalisations municipales étrangères et développa les théories du socialisme municipal.
Il cofonda en mars 1899 la Revue de jurisprudence ouvrière, qui était mensuelle.

Son mariage religieux (en 1898 ?) fut - comme à l’accoutumée au POSR - vivement critiqué par les militants de ce parti (cf. Le Parti Ouvrier, 4 juin 1898).

En février 1914, il fut élu membre du conseil du Syndicat de la presse socialiste (L’Humanité, 9 février 1914).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article2106, notice CHARNAY Maurice par Revu et complété par Julien Chuzeville, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 23 novembre 2022.

Par Revu et complété par Julien Chuzeville

Photographie de Maurice Charnay par Gerschel, publiée dans l’ouvrage Les Défenseurs de la justice. Affaire Dreyfus. 150 portraits, Stock, 1899.

ŒUVRE : L’Alsace-Lorraine vingt ans après, imprimerie J. Allemane, Paris, 1892, 58 p. — Le Logement gratuit, Allemane, 1893. — Catéchisme du soldat, Librairie socialiste, Paris, 1893, 16 p. (I.F.H.S. : 14 A S. 136). Des extraits de cette brochure de Charnay sont republiés dans Crosse en l’air, le mouvement ouvrier et l’armée, Maspero, 1970. — Almanach socialiste illustré : M. Charnay assura cette publication pendant quelques années à partir de 1895. — Législation directe et parlementarisme, Paris, 1895. — Contre la Banque de France, brochure, Librairie socialiste, Paris, 1897. — Le Gaz à 15 c. par la régie communale, brochure, Paris, Association ouvrière, 1903. — Le Salaire des cheminots, brochure, Paris, 1910. — Les Allemanistes, t. V, in Histoire des Partis socialistes en France, publiée sous la direction d’A. Zévaès, Paris, 1912, 112 p.

SOURCES : Arch. Nat. C 5361, dossiers électoraux et F7/13 661, 21e congrès extraordinaire. — Arch. PPo., Ba 1413, note du 30 juillet 1899. — Compte rendu sténographique du congrès de Paris, salle Japy, 1899, p. 469. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes III, op. cit., p. 171 et 177. — M. Poujade, Les Allemanistes à Paris, DES, Paris. — M. Dommanget, La Chevalerie du Travail française, Lausanne, 1967. — Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979. — La Lanterne, 29 janvier 1894. — La Petite République, 5 février 1894. — Le Parti ouvrier, 1er mars et 17 août 1894. — Acte de décès.

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