PLANQUE Paul, Cyprien, Armand [alias « André PAGÈS » et « Jacques » dans la clandestinité en Aveyron]

Par André Balent

Né le 2 novembre 1906 à Branoux-les-Taillades (Gard), mort le 10 août 1944 à Decazeville (Aveyron) des suites de blessures alors qu’il tentait d’échapper aux Allemands ; militant communiste puis communiste clandestin du Gard ; militant de la CGTU puis de la CGT réunifiée ; résistant (PC clandestin, GGT clandestine, OS, Front national, FTPF) du Gard et de l’Aveyron

Fils d’Albert, Paul, mineur de charbon et d’Émile Roux, Paul Planque naquit dans une commune cévenole de la vallée du Gardon d’Alès, limitrophe du grand centre minier de la Grand-Combe et de la Lozère.

Sa famille, modeste, était de de religion protestante. La mère de Paul Planque mourut alors qu’il était encore jeune. Bien que sa scolarité eût été très satisfaisante, il dut quitter l’école à quatorze ans pour rejoindre son père à la mine. Au contact d’un milieu professionnel organisé aux plans syndical et politique. Dans les années 1930, il travaillait à la Compagnie minière de Rochebelle, à Alès, où il fut élu délégué mineur à la sécurité. Militant du Parti communiste (PC) et de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU), il devint un des dirigeants de la Fédération régionale des Mineurs CGT réunifiée en 1935. Cette année-là l’expulsion de militants communistes de nationalité espagnole parmi lesquels Amador Alvarez, mineur, et sa fille Camélia âgée de dix-neuf ans fut décidé. Seul un mariage de celle-ci avec un Français pouvait l’éviter. L’inclination réciproque qu’éprouvaient Paul Planque et Camélia Alvarez précipita la décision d’un mariage dont l’organisation fut émaillée par des péripéties destinées à empêcher que les autorités en interdisent la célébration qui eut finalement lieu à Alès dont la mairie était entre les mains des communistes.

Pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), son beau-père Amador Alvarez s’engagea dans les rangs républicains. Il mourut d’ailleurs au combat en 1937. Entre temps, Paul Planque avait manifesté le désir de rejoindre les rangs des Brigades internationales. Son beau-père l’en dissuada lui demandant de prendre soin de sa famille et d’organiser la solidarité avec la cause de la République espagnole à Alès et dans le Gard. Il participa avec sa femme à la mise en place d’actions de soutien à l’Espagne républicaine dans le cadre de Secours rouge alésien et il mit à disposition des candidats à l’engagement dans les Brigades internationales son appartement du 37 rue de la Tisserie à Alès : de là ils gagnaient Sète où ils s’embarquaient clandestinement sur des bateaux à destination de Barcelone. Lui-même et son épouse s’installèrent au n°40 où vivaient sa belle-mère, son beau-frère et sa belle-sœur.

Après la signature du pacte germano-soviétique et avant même la dissolution formelle du Parti communiste le 26 septembre 1939, il fut licencié de la mine de Rochebelle, sans égards pour sa fonction de délégué du personnel.

Mobilisé en septembre 1939, il obtint une affectation spéciale car père de deux enfants en bas âge. Il fut ainsi affecté à la mine de plomb de Roqueredonde, à la limite du Gard et de l’Hérault. Ce fut à ce moment-là que le PC lui demanda de prendre en charge le secteur de Pézenas (Hérault) où il procéda à des distributions clandestines de tracts. Caché au Parc Lépine à 3 km de Pézenas, route de Caux (Hérault), il était en contact avec un militant communiste, Pierre Cancel, qui distribuait à Pézenas les tracts que Planque lui remettait. L’arrestation de Cancel par la police française (en 1944, il fut arrêté par la police allemande et déporté à Buchenwald dont il put sortir après la libération du camp) incita Planque à quitter Pézenas. Quelques mois plus tard, il fut embauché à la sablière de l’entreprise d’Henri Volpillière, entrepreneur de Salles-du-Gardon (Gard) qui embaucha en 1939 puis à l’été 1940 des militants communistes interdits de travail dans les mines de charbon.

En effet, démobilisé en septembre 1940, il ne put se faire embaucher dans les mines de charbon d’Alès. Les compagnies l’avaient mis à l’index. Après avoir obtenu des emplois précaires, il trouva un emploi à la mine de pyrite du Soulier à Saint-Martin-de-Valgalgues (Gard). Il s’attela alors à la mise en place d’une organisation communiste clandestine. Il participa ainsi à la formation du triangle de direction du PC gardois. Cette reconstitution du PC s’effectua à partir de cadres syndicaux souvent issus des communes industrielles du bassin d’Alès. Parmi ceux qui collaborèrent à cette tâche avec Paul Planque : sa femme Camélia, Roger Tribes, Victorin Duguet, Ferdinand Guiraud, Arthur Vigne. Tout en continuant de diriger l’action communiste clandestine, la prudence qu’il s’imposait ne l’empêcha pas, à l’hiver 1941, de planter, avec son beau-frère Amador Alvarez, un drapeau rouge sur le puits de la mine Sainte-Marie de Rochebelle. La reconstruction de l’appareil clandestin du PC put prendre forme grâce à des réunions tenues, soit dans un mas du hameau de Pourcayrargues (dans la montagne, entre Alès et La Grand-Combe) soit, rue Tisserie au domicile de la famille Alvarez. Il fut aussi un des créateurs (avec Yvan Floutier) et membres de l’Organisation spéciale (OS) du PC dans le Gard : centré sur Alès, elle avait des membres à Beaucaire, Pont-Saint-Esprit, Uzès et les Cévennes. Un mineur à qui Planque confiait la distribution de tracts le dénonça après son arrestation. Il fut donc arrêté par la police française le 28 août 1941. La perquisition à son domicile n’ayant rien donné, il fut néanmoins lourdement condamné le 29 octobre 1941 par la cour spéciale du tribunal militaire de Marseille (Bouches-du-Rhône). Il écopa de vingt ans de travaux forcés, sur la seule base du témoignage de son dénonciateur qui fut aussi condamné. Le Marseillais Pierre Doize le remplaça à la tête de l’organisation communiste clandestine du Gard. Comme sa femme fut aussi internée à Brens (Tarn), leurs deux jeunes enfants furent pris en charge par sa belle-soeur, Arlette Alvarez, puis par le pasteur Lhermier qui les cacha parmi les protestants du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire).

Paul Planque fut interné d’abord au fort Saint-Nicolas de Marseille puis à la prison de Saint-Étienne (Loire). Il put s’en évader dans la nuit du 25 au 26 septembre 1943 avec 31 autres détenus résistants qui furent libérés grâce à l’action de FTPF de la Loire. Clandestin, il se réfugia d’abord dans l’Allier, d’octobre à décembre 1943. Après avoir passé plusieurs jours dans le Gard, il gagna l’Aveyron où il put intégrer un maquis des FTPF. Dans ce département, il fut connu sous le pseudonyme d’« André Pagès ». Il y retrouva sa femme, Camélia, qui avait été libérée du camp de Brens (Tarn) où elle avait été internée par les autorités de Vichy et qui résidait dans une ferme près de Carmaux (Tarn), ville proche de l’Aveyron. D’abord réfugié à Naucelle (Aveyron), dans le Ségala rouergat, Paul Planque devint ensuite responsable de la CGT clandestine de Decazeville, grand centre minier et industriel de l’Aveyron où étaient implantés des FTPF « légaux » (Voir Garcia Henri, Delpech Gabriel) et des groupes francs de l’AS (Voir Pleinecassagne Martial). Le site Mémoire des hommes et Ange Alvarez (op. cit., 2007, p. 15) indiquent que Paul Planque fut membre du Front national. Ce ne put être le cas qu’à Decazeville.

Cette ville échappa partiellement au contrôle des forces allemandes et des collaborationnistes au point que, le 14 juillet 1944, un grand défilé patriotique y fut organisé par le chef du maquis d’Ols, Louis Odru, commissaire aux effectifs du maquis FTPF d’Ols (4201e compagnie des FTPF, Voir aussi Vittori François-Antoine). Y participèrent des maquisards de toutes obédiences.

Peu avant la Libération de Decazeville, une colonne allemande arriva dans la ville, venant de Rodez — chemin faisant, elle fut accroché à plusieurs reprises comme à Valady — afin de renforcer la garnison isolée au milieu de campagnes largement tenues par les maquis. Alors que des affrontements avaient lieu entre résistants et Allemands, Paul Planque utilisa l’échappatoire qu’il avait repérée à partir d’un hôtel qu’il avait fréquenté. La corniche du toit sur lequel il se trouvait au moment de sa fuite s’effondra. Dans sa chute, il fut grièvement blessé. Varéa dans son témoignage (op.cit.) indique qu’il fut immobilisé, blessé à la colonne vertébrale. De leur côté, Jean Costuméro (op.cit., p. 361) et Christian Font et Henri Moizet (op. cit., 2001, p. 347) ont écrit que Planque s’est fracassé le crâne en tentant d’escalader un mur. Quoiqu’il en soit, il dut gésir longuement sur le lieu de sa chute, un médecin pétainiste refusant de lui prodiguer les premiers soins. Transporté à l’hôpital de Decazeville, il y expira. Marceau Coursières qui fut responsable du PC clandestin dans le bassin houiller de Decazeville a donné aussi une version de l’accident qui causa la mort de Paul Planque. Ce dernier se trouvait non dans un hôtel mais "dans une pièce dans une vieille maison qui nous servait d’entrepôt et de cachette pour des camarades illégaux". Ce local "au bas de la côte de Miramont" abritait Paul Planque lorsque la colonne allemande arriva à Decazeville. Mais il y avait aussi quelques centaines d’affiches grand format "imprimées par la maison Artru rue de la gare". Marceau Coursières estime que Paul Planque ne se sentait pas en sécurité dans ce local. Un témoin, Panassié, lui indiqua qu’il aurait tenté de fuir par la cour, mais en "tentant d’escalader un mur très haut, il serait tombé sur le ciment et se serait fracassé le crâne". Les voisins entendaient des gémissements mais n’osaient pas sortir du fait de l’incursion de la colonne allemande dans la ville. Quand ils lui portèrent secours, il était trop tard. Ce témoignage ne fait aucune allusion à son transport à l’hôpital.

Après la Libération, sa femme rapatria son corps dans le Gard. Une chapelle ardente fut dressée à la mairie d’Alès puis il fut inhumé dans son village natal à Branoux.

Déclaré mort pour la France, son nom figure à Decazeville sur la plaque commémorative des victimes des Allemands tombés le 10 août 1944 dans la ville et dans des communes environnantes. Cette plaque est apposée précisément sur un mur de l’artère rebaptisée après la Libération « avenue du 10 août ». Il est également inscrit sur le monument aux morts d’Alès et sur la plaque commémorative destinée à célébrer la mémoire des morts de la Résistance intérieure, en France ou en déportation : « Aux Résistants d’Alès victimes de leur devoir ». Elle est apposée sur un mur d’une place désormais nommée place des Martyrs de la Résistance. Paul Planque est également honoré à Branoux-les-Taillades où son nom a été gravé sur la stèle commémorative des morts de la commune pendant la guerre, entre 1939 et 1945. Par contre, son nom a été oublié sur le monument-mémorial de Sainte-Radegonde (Aveyron) érigé en l’honneur des résistants ou victimes civiles des Allemands et de collaborationnistes tués dans l’Aveyron et des Aveyronnais résistants ou civils morts en déportation ou tués à l’extérieur du département.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article210632, notice PLANQUE Paul, Cyprien, Armand [alias « André PAGÈS » et « Jacques » dans la clandestinité en Aveyron] par André Balent, version mise en ligne le 16 janvier 2019, dernière modification le 24 mai 2022.

Par André Balent

SOURCES : Ange Alvarez, Mémoires de Résistance, Cévennes, Montpellier, Val d’Aran, Alès, Espace Sud Diffusion, 1994. — Ange Alvarez, PCF, OS, FN, FTPF. L’épopée patriotique des FTPF cévenols, Nîmes, Lacour, 2007, 121 p. [pp. 13-15, p. 25 ]. — Christian Font, Henri Moizet, Maquis et combats en Aveyron, Chronologie 1936-1945, Rodez & Toulouse, ONAC Aveyron, ANACR Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 2e édition, 2001, 412 p. [p. 347]— Fabrice Sugier, « Planque Paul » ; « Les Espagnols antifascistes dans la Résistance : l’exemple de la famille Alvarez » ; « La reconstruction d’un syndicalisme clandestin dans le bassin minier d’Alès », in Claude Émerique, Laurent Pichon, Fabrice Sugier, Monique Vézilier, La Résistance dans le Gard, Paris, Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI), 2009, CDROM avec un livret de présentation, 36 p. — Jean Costumero, De Decazeville au Val d’Aran. Dans les pas d’un guérillero espagnol combattant pour la France, s. l., Association guérilleros y Reconquista, 2011, 519 p. [p. 361], préface d’Henri Moizet. — Récit de Marceau Coursières communiqué par Henri Moizet, le 18 janvier 2019 : extrait d’un texte dactylographié rédigé par Marceau Coursières intitulé Contribution à la connaissance de l’histoire du département de l’Aveyron pour la période de 1939-1945, s.d., remis à la commission Histoire de l’ANACR de l’Aveyron. — MemorialGenWeb, consulté le 14 janvier 2019. — Site Mémoire des hommes consulté le 13 janvier 2019.

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