Par Daniel Grason
Né le 15 juillet 1923 à Radom dans la région de Mazovie (Pologne), mort à Auschwitz (Pologne) ; interprète ; résistant ; victime de l’antisémitisme.
Fils de Syloma et Eva née Elperin, Henri Goldsmidt arriva en France le 29 septembre 1937 par le poste frontière de Jeumont dans le Nord. Il était porteur d’un passeport polonais valable un an, délivré le 16 septembre 1937 à Varsovie (Pologne). Le gouvernement de Vichy promulgua le 3 octobre 1940 un statut des juifs qu’il aggrava le 2 juin 1941. Une ordonnance allemande du 29 mai 1942 était rendue publique le 1er juin, à compter du dimanche 7 juin 1942 le port de l’Étoile Jaune était rendue obligatoire. Henri Goldsmidt était titulaire de la 1ère partie du baccalauréat, il se fit recenser par le service juif de la Préfecture de police, mais ne porta pas l’Étoile Jaune.
En 1941 il a été arrêté pour trafic de tickets d’alimentation, le 7 juillet 1941 la 11e Chambre correctionnelle de Paris le condamna à un mois de prison et 200 francs d’amende pour infraction à la loi du 17 septembre 1940.
Il habita successivement 39 rue Descartes (Ve arr.), puis 28 rue de la Montagne Sainte-Geneviève dans le même arrondissement. En août 1941 par mesure de sécurité, il vécut chez son amie Denise Soleilbeau au 12 rue Olier à Paris (XVe arr.). Cette dernière disposait d’un autre logement au 5 rue Raffaëlli à Paris (XVIe arr.).
Du 15 juillet 1942 à la fin décembre de la même année, sous le nom de Gaston Ochin il fut interprète rétribué 2500 francs mensuel au Théâtre National du Palais de Chaillot. À la suite de mésentente avec le directeur, il était renvoyé. De janvier 1943 jusqu’à son interpellation, il travaillait sous la même fausse identité toujours comme interprète à la Compagnie Financière des Industries du Bois dont le siège était 157 boulevard Voltaire (XIe arr.), et les bureaux 62 avenue de Saxe (VIIe arr.).
Il a été interpellé le 8 mars 1944 par des policiers du commissariat du quartier d’Auteuil (XVIe arr.). Lors de la perquisition les policiers saisissaient à son domicile, des tracts édités par la IVème Internationale, une matraque, un revolver à barillet, marque Saint-Etienne (scellé n° 5), un revolver genre automatique marque unique n° 253059 (scellé n°6), un revolver à barillet sans marque calibre 6,35 mm (scellé n° 7), un revolver à barillet sans marque calibre 7,65 mm (scellé n° 8), deux chargeurs avec quinze balles, et un paquet contenant quatre balles, une mèche bickford, et du fulmi-coton (scellé n° 9).
Henri Goldsmidt détenait deux fausses cartes d’identité avec sa photographie au nom de Cellio et Ochin. Il a été inculpé le 20 mars 1944 pour « détention d’armes, reconstitution d’association dissoute et de fausses cartes d’identités. » Lors des actions, sur ses instructions son amie Denise Soleilbeau transportait les armes.
L’enquête d’inspecteurs des Renseignements généraux auprès de personnes qui furent en contact avec lui là où il travailla le décrivait « comme un jeune homme très intelligent et capable, un peu illuminé et chaud partisan des théories pacifistes. Toutefois, on n’apprend pas qu’il se soit livré à une propagande politique déterminée ni qu’il ait appartenu à un parti politique quelconque. »
Lors de son interrogatoire, il reconnaissait avoir accepté de distribuer des tracts du Parti communiste clandestin, mais « avoir refusé de faire partie des Francs- Tireurs Partisans. »
« Il est exact que j’ai été en contact successivement avec des éléments communistes et des trotskystes, je puis affirmer que je ne sers pas spécialement la cause de ses deux organisations. Toutefois, je me disposais à apporter une aide matérielle efficace aux éléments réfractaires du Service du travail obligatoire, sans distinction d’opinion politique. »
Concernant « l’hébergement que j’ai consenti à cinq personnes qui m’avaient sollicité, je précise que j’ai connu […] le nommé Clisci sous son véritable état civil, Joseph Clisci, juif roumain, que j’avais rencontré au quartier latin il y a trois ans environ avec lequel j’avais continué à entretenir des relations en tant qu’israélite. »
Il eut un contact avec un responsable des FTP par l’intermédiaire de trois membres de l’organisation. Celui-ci lui expliqua ce qu’il fallait entendre par Franc-Tireur et Partisan. Henri Goldsmidt déclara aux inspecteurs qui l’interrogeaient : « Je me suis de suite rendu compte que j’étais inapte au régime quasi-militaire de cette organisation et j’ai confirmé mon refus d’y adhérer. »
Un prénommé « Nicolas » le contacta se recommandant du responsable FTP pour qu’il entra au Front national, afin d’y déployer « une activité essentiellement propagandiste en faveur du Front national. » Il accepta en précisant aux policiers « je ne courais pas les mêmes risques que dans les FTP. » Lors de trois contacts avec « Nicolas », il réceptionna des tracts et les diffusa.
Lors de rencontres avec Benno Stenberg, un ancien étudiant en sciences politiques qu’il connaissait, il lui fit part de son récent engagement politique. Benno Stenberg ne partageait pas son engagement. Il « a critiqué avec véhémence mon appartenance […] en faisant ressortir l’action plus directe et mieux organisée de la IVe Internationale. J’ai refusé de militer en sa compagnie et au profit des trotskystes. » . Henri Goldsmidt donna toutefois son accord pour aider les réfractaires.
À la fin février 1944, il fut présenté à « Jean » pseudonyme d’Yvon Andrietti. Celui-ci lui proposa de participer au cambriolage de l’appartement de la Comtesse Viguier qui vivait rue de Bassano dans le XVIe arrondissement. Le mardi 29 février 1944 les deux hommes allèrent rue de Bassano, mais un gardien de la paix était de faction dans la rue, ils renoncèrent.
Lors de la perquisition de son domicile les policiers saisirent plusieurs numéros de La Vérité, organe du Parti Ouvrier Internationaliste affilié à la IVe Internationale. Les policiers y virent une contradiction avec ses déclarations. Henri Goldsmidt précisa que ces journaux lui avaient été remis par Benno Stenberg à titre d’information.
Interrogé sur ces fausses cartes d’identité, il répondit qu’en raison de son état de Juif, le véritable Gaston Ochin lui avait prêté son état civil. Il rencontra Ochin en 1941 à Pont Saint-Maxence au service civique rural. Depuis Gaston Ochin s’était engagé dans la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme. Il dédouana Denise Soleilbeau de tout engagement politique.
La saisie des armes à son domicile contredisait sa déclaration sur son refus de rejoindre les FTP. Il répondit que trois armes lui furent remises par Yvon Andrietti et un revolver à barillet calibre 7,65 mm par « Victor ». Les trois armes devaient servir au braquage de la comtesse Viguier rue de Bassano. « Vos réponses sont invraisemblables » estima un policier. Henri Goldsmidt répliqua avec candeur « c’est sur les refus d’Andrietti et de Victor de conserver leurs armes que j’ai offert de les prendre en garde jusqu’au prochain coup de main. »
Henri Goldsmidt a été inculpé pour détention d’armes, détention et diffusion de tracts communistes de la IVe Internationale, hébergement de FTP.
Il a été livré aux Autorités allemandes, interné le 15 mai 1944 au camp de Drancy matricule 22025. Il déposa quatre mille huit cents dix francs à l’administration du camp (reçu n° 4285 dans le carnet de fouilles n° 134).
Henri Goldsmidt était le 20 mai 1944 dans le convoi n° 74 au départ de Drancy à destination d’Auschwitz (Pologne). Mille deux cents femmes, hommes et enfants étaient dans ce transport, 904 furent gazés dès l’arrivée, 188 hommes et 108 femmes ont été sélectionnés, et connurent le même sort. Le 27 janvier 1945, l’armée soviétique libérait Auschwitz. De ce convoi, 108 hommes et 49 femmes étaient vivants.
Le nom d’Henri Goldsmidt a été gravé sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah 17, rue Geoffroy-l’Asnier à Paris (IVe arr.).
Le Brigadier-chef de gardiens de la paix, Roger R… qui interpella Henri Goldsmidt a été condamné la 31 octobre 1945 par la Cour de justice à cinq ans de travaux forcés, cinq ans d’interdiction de séjour et à la dégradation nationale pour « intelligence avec l’ennemi ». Le 23 décembre 1946, par décret une remise de six mois de travaux forcés lui était signifiée. Le 21 août 1950 la dégradation nationale était limitée à 15 ans et à la remise de l’interdiction de séjour. La révocation sans pension du 14 février 1943, fut rapportée le 25 avril 1952.
Par Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo. 1 W 321-84544 dossier Yvon Andrietti (transmis par Gilles Morin), rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 11 avril 1944, 77 W 801-263913, GA 1, GB 85, GB 153 (photo). – Bureau Résistance (pas de dossier). – Site internet CDJC.