CRESP Émile, Marie

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 15 juin 1877 à Brest (Finistère), mort le 18 avril 1950 à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine) ; employé de commerce puis chef égoutier (contrôleur technique des services de l’assainissement) ; militant socialiste SFIO, puis « néo-socialiste » avant de revenir au Parti SFIO ; maire de Montrouge de 1928 à 1944 ; conseiller général (1925-1944).

SOURCE : Docteur Bianquis, Montrouge 1934,

La famille d’Émile Cresp quitta la Bretagne pour s’installer à Montrouge dans les années 1880. Son père, Jean-Michel Cresp, était cuisinier et sa mère, née Jeanne Garin, sans profession. Émile Cresp, employé de commerce avant d’entrer comme égoutier à la Ville de Pais, participa activement à la vie associative locale. La biographie établie vers 1926 par les services du conseil général, à partir de renseignements fournis par l’intéressé, affirme : « M. Cresp n’a jamais marchandé son concours aux œuvres de prévoyance et de solidarité. Fondateur en 1903 de la Société philanthropique « La Solidarité républicaine », il est également vice-président de l’association d’hygiène sociale de la circonscription de Montrouge-Bourg-la-Reine, vice-président de la caisse des écoles et du patronage laïque municipal de Montrouge, président de la société de trompettes « L’Amicale de Montrouge », vice-président de la Symphonie artistique de Montrouge », (Le Conseil municipal : nos édiles, op. cit.) Il fonda également la section de Montrouge de la Ligue des droits de l’Homme. La notice ne précise pas la date de son adhésion à une organisation socialiste. Franc-maçon, il était membre du Grand orient.
Selon une note de son dossier d’instruction de la Libération, il aurait appartenu à la Loge « Les vrais experts », Orient de Paris, avec le 3e grade, étant initié le 27 octobre 1903. En 1904, il était secrétaire du syndicat des égoutiers.
Il se maria le 5 avril 1902 à Montrouge (Seine), à Blanche Ruin, née le 5 août 1885 à Paris (XXe arr.) et ils eurent deux fils, nés en 1905 et 1918.
Il accomplit trois années de service militaire légal, puis fut mobilisé durant la Grande guerre. Maréchal des logis, il fut combattant et décoré à ce titre de la Croix de guerre 14-18. Il devait par la suite être fait officier de la Légion d’honneur à titre civil.
Le 10 mai 1925, les électeurs de Montrouge envoyèrent siéger à l’hôtel de ville une liste à direction radicale, comprenant onze socialistes SFIO, douze socialistes indépendants et quatre radicaux-socialistes. Cresp, élu 8e sur 27, devint deuxième adjoint. À la fin de l’année 1925 une élection complémentaire renforça la position des socialistes : Cresp accéda au poste de premier adjoint. Le maire mourut le 26 juillet 1928. Cresp, déjà conseiller général depuis le 14 juillet 1925, était la personnalité la plus marquante du conseil. Son influence débordait les rangs socialistes et les édiles locaux l’élurent à la première magistrature municipale le 26 août 1928. Il conserva la mairie aux élections du 5 mai 1929 (1er sur 27) avec une liste comprenant quinze socialistes. Lors de la scission du Parti socialiste en 1933, Cresp qui s’était toujours rangé dans la tendance modérée animée par Pierre Renaudel, suivit les « néo-socialistes » dans leur dissidence, imité par plusieurs conseillers socialistes dont Léon Prat et Émile Trompe. Charles Bachert réussit cependant à maintenir une section socialiste active qui soutint une liste antifasciste (2 205 voix selon l’Humanité) contre la liste Cresp (4 354 voix, 1er sur 27) en mai 1935. Cresp manifestait une grande fierté de ses réalisations dans le domaine de l’urbanisme et du logement : construction d’un nouvel hôtel de ville, des premiers logements sociaux, de bains-douches - voir la liste de ses réalisations dans Le Conseil municipal : nos édiles, op. cit., édition en 1937.Édouard Depreux - qui dans ces Souvenirs d’un militant ne le ménagea pas - lui reconnaissait des qualités de gestionnaire : « Cresp était un curieux personnage. Il s’occupait sérieusement de sa commune, était assidu à sa mairie et rendait de nombreux services. Il était aussi orgueilleux qu’illettré [...]. Tout cela aurait eu peu d’importance si ses prétentions ne s’étaient accrues de jour en jour et s’il n’avait pas si mal supporté la supériorité morale et intellectuelle de Longuet (député socialiste de la circonscription), qu’il dénigrait systématiquement » (p. 90). Cresp contribua à l’échec de Jean Longuet aux élections législatives d’avril 1936 en lui opposant un « socialiste indépendant » : le député sortant fut devancé au premier tour par le candidat communiste. Réélu conseiller général en mai 1929, Cresp conserva son mandat en mai 1935 comme représentant de l’Union socialiste républicaine (USR). En octobre 1936, il demanda, et obtint, sa réintégration au Parti socialiste avec Gaston Guillaux et Louis Moutte. La gauche le fit élire vice-président, puis président du conseil général. Lors de son élection de juillet 1938 (74 voix contre 46 à Loyau), la salle cria « Vive le Front populaire » (Procès verbal de la séance du 2 juillet 1938). La Tribune républicaine y voyait « moins une opération politique qu’une manifestation de sympathie personnelle [...]. Il occupe à l’Assemblée départementale une situation privilégiée, en ce sens qu’il a su grouper autour de lui de nombreuses amitiés venant de tous les points de l’horizon politique. Les « gauches » du conseil général, en la désignant comme candidat, ne pouvaient donc faire meilleur choix et le succès remporté par le maire et conseiller général de Montrouge a été vivement applaudi, même par ceux qui ne partagent pas ses opinions. »
Le maire de Montrouge manifesta une hostilité virulente au Parti communiste à l’automne 1939. Ainsi, le 29 septembre, il refusa de siéger aux côtés des communistes à une réunion du bureau du Syndicat de l’Octroi des communes de la région parisienne (Arch. Dép. Seine, 10441/64/1 n° 24). Il était président du Conseil d’administration de l’association, Centre régional de préservation de l’enfance, de Montrouge et ses environs, président de l’Association Louis Pasteur, du Conseil d’administration de l’Association anonyme du Crédit immobilier de la région de Sceaux.
Il fit partie du conseil national institué par le maréchal Pétain et son nom figure sur le J.O. de l’État français du 24 janvier 1941. Pendant l’Occupation, il fut maintenu dans ses fonctions de maire de Montrouge (par arrêté de Darlan, le 9 mai 1941) et de conseiller général de Sceaux, prenant le titre de conseiller départemental de la Seine, par arrêté de Pucheu (16 décembre 1941). En décembre 1941, il signa l’Appel aux populations de Paris et du département de la Seine condamnant les attentats perpétués par les « ennemis de notre patrie » et demandant de donner son concours au préfet de Paris (BMO, 7 décembre 1941). La mairie, sauf deux pièces, était réquisitionnée par la Kommandantur. Selon Édouard Depreux : « Il n’opposa pas aux envahisseurs nazis une résistance farouche. La Kreis Kommandantur de Montrouge, qu’il fréquentait assidûment et apparemment sans gêne, était surnommée, en 1940, la Cresp Kommandantur ! J’ai rencontré une dernière fois Cresp à l’Hôtel de Ville de Paris, peu de temps après l’invasion de l’URSS par les armées hitlériennes. André Le Troquer était avec moi. Cresp a ironisé sur notre incorrigible naïveté d’intellectuels, ne sachant pas que l’URSS avait résisté moins longtemps que la Pologne - huit jours exactement - que si les Allemands ne le disaient pas, c’était pour ménager l’amour-propre des Soviétiques qu’ils allaient neutraliser, pour régler plus rapidement le sort de la Grande-Bretagne, que la guerre était donc pratiquement terminée [...] À la Libération, Cresp a eu de sérieux ennuis. Il a connu, en même temps que l’isolement jusque et y compris le jour de ses obsèques, la misère » (p. 94-95).
Il fut arrêté par la Gestapo en février 1944, pour avoir donné des cartes d’alimentation à des réfractaires. Détenu quelques jours, il subit également une perquisition de son domicile.
Membre du conseil national de Vichy, nommé à son insu selon lui, il fut écarté de la même façon quelques mois plus tard. Il ne siégea jamais au conseil.
Il fut incarcéré et détenu à Drancy le 28 août 1944, puis libéré le 9 novembre suivant. Devant les protestations, notamment de la municipalité de Montrouge, il fut de nouveau et aussitôt interné administrativement à Drancy, pour intelligence avec l’ennemi, et détenu à Fresnes le lendemain. Le maire de Montrouge, Marc Delauzun, qui menaçait de démissionner avec toute la délégation spéciale, l’accusait d’avoir été un membre fondateur de la LVF. Son affaire se termina par une ordonnance de classement le 24 juillet 1945. Son avocat était Henri Gamonet. Il fut établi qu’il n’avait pas appartenu à un parti collaborateur et n’avait pas dénoncé de Français de manière directe ou indirecte.
Marié le 5 avril 1902 à Montrouge avec Blanche Ruin, une originaire du XXe arr. de Paris (née en 1885), journalière, il avait deux fils : Jean, né en 1905 à Montrouge, patron paveur, et Raymond, né en 1918 à Gentilly. Il était officier de la légion d’honneur.
Émile Cresp et sa femme reposent au cimetière de Montrouge.
Dans les années 1980, le nom d’Émile Cresp à été donné à la place située devant l’Hôtel de ville.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21086, notice CRESP Émile, Marie par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 6 mars 2019.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCE : Docteur Bianquis, Montrouge 1934,
Le beffroi de Montrouge en 1943, avec la Croix Gammée.
Communiqué par Christophe Gastard.

SOURCES : Arch. Dép. Seine, DM3 et Versement 10441/64/1 n° 24. — Arch. Com. Montrouge. — Archives départementales des Hauts-de-Seine, série D.O. — Le Conseil municipal : nos édiles, op. cit — .Comptes rendus des congrès fédéraux de la Seine de 1926 et 1937. — Édouard Depreux, Souvenirs d’un militant, 1972. — Élisabeth Coulouvrat, La vie politique à Montrouge, 1900-1939, mémoire de maîtrise, Paris I, 1978. — Christophe Gastard, Montrouge pendant l’entre-deux-guerres, mémoire de Maîtrise, Université Paris 7 - Denis Diderot, 2002. — Docteur Bianquis, Montrouge 1934, , La Platinogravure, 1934, publication à la gloire de Cresp avant les élections municipales de 1935. — Notes de Christophe Gastard.

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