CROCI Lucien

Par Éric Belouet

Né le 15 novembre 1919 à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis), mort en déportation le 27 mars 1945 à Barth (Allemagne) [l’état civil mentionne par erreur Ravensbrück comme lieu de décès] ; ouvrier clicheur-galvanoplaste ; président de la fédération jociste de Paris-Est (1939), permanent de la JOC en région parisienne (1942) ; requis pour le STO à Berlin (1943), dirigeant clandestin d’action catholique.

Fils d’un tailleur de pierre, Lucien Croci et son frère Jacques (né en 1920) ne connurent pas leur père et furent élevés par leur mère, cartonnière, et leur grand-mère maternelle, blanchisseuse repasseuse, toutes deux catholiques pratiquantes irrégulières. Ils vécurent quelques mois à Saint-Benoît-du-Sault (Indre), puis à Argenton-sur-Creuse (Indre). Lucien Croci et son frère y fréquentèrent les Cœurs Vaillants puis les scouts, mais quittèrent rapidement ce dernier mouvement qui ne ne correspondait pas à leurs aspirations. La famille s’installa ensuite à Vincennes (Seine, Val-de-Marne), d’abord rue Diderot puis 8 rue Crébillon, où Lucien Croci fut scolarisé jusqu’au cours complémentaire. Il obtint le certificat d’études primaires puis effectua un pré-apprentissage (octobre 1932-septembre 1933) et un apprentissage (octobre 1933-1936) de clicheur-galvanoplaste à l’imprimerie de Vaugirard.

À l’âge de seize ans, il découvrit la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et lança en 1936, avec son frère, une section jociste à Vincennes. Celle-ci, après une année d’existence, groupait déjà 75 jeunes et fut représentée au congrès du Xe anniversaire de la JOC qui réunit 60 000 jocistes à Paris, les 17 et 18 juillet 1937. Devenu président de la fédération de Paris-Est en septembre 1939, Lucien Croci fut mobilisé peu de temps après et, la défaite venue, continua son temps d’armée dans les chantiers de jeunesse.

De retour à Vincennes le 10 février 1941, il reprit ses activités fédérales et, après une période de chômage, fut embauché à l’usine Kodak-Pathé de Vincennes, où il travailla en équipe 3x8 en qualité de standardiste. En avril 1942, Pierre Lacalmette, permanent de la JOC pour la Seine, la Seine-et-Oise et la Seine-et-Marne, lui demanda de quitter son emploi pour se consacrer uniquement au mouvement, dont le secrétariat en zone occupée s’était reconstitué progressivement à partir de l’été 1940. Lucien Croci devint ainsi dirigeant national de la JOC le 1er mai 1942 avant d’être requis en juin 1943 dans le cadre du STO. En raison de sa situation familiale, il avait la possibilité de ne pas partir en Allemagne, mais décida malgré tout de le faire pour partager la vie de ceux qui n’avaient pas ce choix. Cette attitude était en phase avec ce que préconisait alors une partie du mouvement jociste et correspondait, selon le témoignage de son frère, au désir de ne pas être un « planqué ».

Affecté à l’usine Schulze à Berlin, il contribua au lancement d’un mouvement d’action catholique, « Jeunesse qui réagit », regroupant essentiellement des jocistes et des scouts. Ce mouvement de jeunes travailleurs français, qui s’efforçait de mener une action « d’entraide, de défense de la dignité des travailleurs, de résistance au nazisme », connut une forte expansion puisqu’il touchait, moins d’un an après sa création, près d’un millier de jeunes groupés en 70 fédérations. À Berlin, le groupe comptait 500 personnes et décision fut prise, par mesure de prudence, de le décentraliser. Plusieurs secteurs furent ainsi créés et la direction du secteur Sud-Ouest de la ville fut confiée à Lucien Croci.

Le 7 juin 1944, les autorités allemandes découvrirent l’existence de cette organisation et la Gestapo procéda à plusieurs arrestations. Lucien Croci fut arrêté le 25 août 1944 pour activité catholique, déporté au camp de Sachsenhausen-Orianenburg le 23 septembre, puis au camp de Karlshagen sur l’île d’Üsedom (satellite de Ravensbrück), à l’embouchure de l’Oder, en mer Baltique, le 18 octobre avec un convoi de 500 détenus. Tombé malade, il fut transféré en février 1945, dans un convoi de 350 invalides, au camp de repos de Barth (numéro de détenu 10996). Il y mourut de faim et d’épuisement le 27 mars et fut enterré dans une fosse commune.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21120, notice CROCI Lucien par Éric Belouet, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 13 janvier 2022.

Par Éric Belouet

SOURCES : Arch. JOC, fichier des anciens permanents. — Yvan Daniel, Celui qui cherche : Lucien Croci, Bonne Presse, 1948, 127 p. — Jocistes dans la tourmente, Éd. du Témoignage chrétien et Éd. ouvrières, 1989. — Henri Bourdais, La JOC sous l’occupation allemande, Éditions de l’Atelier, 1995. — Wolfgang Knauft, Face à la Gestapo. Travailleurs chrétiens et prêtres du STO. Berlin 1943-1945, Le Cherche midi, 2007. — Notice DBMOF, par Éric Belouet. — Attestation rédigée par Pierre Pinault le 7 juin 1946. — Lettre de Jean Fabriol à Jacques Croci. — Témoignage de Jacques Croci, frère de l’intéressé. — État civil d’Aubervilliers.

ICONOGRAPHIE : Yvan Daniel, Celui qui cherche..., op. cit., couverture. — Jocistes dans la tourmente, op. cit., p. 80.

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