DEVRED Louis

Par Daniel Grason

Né le 7 août 1895 à Lallaing arrondissement de Douai (Nord), disparu en déportation à Sachsenhausen (Allemagne) ; ouvrier mécanicien, ferrailleur, chauffeur de taxi, marchand de vins, volailler ; officier de réserve ; militant communiste de Vanves (Seine, Hauts-de-Seine) ; volontaire en Espagne républicaine ; résistant.

Fils d’Ernest, ouvrier, et d’Alphonsine née Lenoir, Louis Devred, patriote s’engagea le 6 octobre 1914 pour la durée de la guerre. Le 18 juin 1916, il épousa Augustine Leroux en mairie d’Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine). Il a été démobilisé comme officier de réserve. Le couple Devred habita 18 rue du Château à Vanves (Seine, Hauts-de-Seine), puis dans la même ville au 149 rue de Paris, puis au 161 de la même rue.
En 1920, membre de la Société colombophile d’Issy-les-Moulineaux, il sollicita auprès du Préfet de police l’autorisation « à élever et à entraîner des pigeons-voyageurs. Il prévoyait d’installer son colombier 52 rue Henri-Martin à Vanves. Le préfet ordonna une enquête pour vérifier « si rien ne [s’opposait] au point de vue de l’hygiène à l’ouverture de ce colombier. »
Chaque année, la police remplissait une notice individuelle au moment du renouvellement de la demande. En décembre 1930, il y eut une enquête complémentaire avec un questionnaire d’une dizaine de questions que devait remplir le commissariat de Vanves dont « Patriotisme Attitude au point de vue national. Il y a quelques années fréquentait les milieux communistes qu’il a abandonnés. Actuellement il ne parait pas avoir des idées antipatriotiques. »
Le commissariat lui refusa l’autorisation d’ouvrir un colombier de pigeons voyageurs, il fut motivé « en raison de [son] attitude politique. » La Société l’avant-garde Colombophile intervint en sa faveur. Le Ministère de l’intérieur approuva la décision du préfet. Ce dernier fut chargé d’en informer la Société colombophile. Louis Devred a été invité à se séparer de ses pigeons.
Louis Devred avait été membre du 5e rayon de la Région parisienne du Parti communiste, qu’il quitta en 1927. Divorcé depuis 1928, il était père d’un fils prénommé Louis, âgé de dix ans.
En novembre 1934, il devint gérant de la publication mensuelle Ye St Wiata (A travers l’Univers) dont le siège était à la Maison des Syndicats 12 avenue Mathurin-Moreau à Paris (XIXe arr.), le journal resta à l’état de projet. En 1935 une note de la Sûreté du 18 juin signalait qu’il avait distribué des tracts lors du conseil de révision des conscrits de Vanves. Deux femmes avaient été appréhendées. Jeanne Dain, couturière, membre de l’Union des Femmes contre la Guerre et la Misère et Simone Monin, ménagère sans travail. Les deux femmes furent consignées au Poste de police de Vanves, et relaxées dans la soirée.
Selon la police, l’instigateur était Louis Devred dont le débit de vins était au 163 rue de Paris à Vanves, siège de l’organisation communiste. Une note de la police précisait, Devred « se sert de son taxi pour faire sa propagande. Le radiateur est surmonté d’une étoile rouge. » Il a été condamné le 28 juin 1935 à 15 jours de prison et 100 francs d’amende pour « diffamation par voie d’affiches. » Le jugement fut confirmé en appel.
Officier de réserve, Louis Devred s’engagea dans les Brigades internationales, il fut commandant militaire du 2e bataillon et a été blessé d’une balle dans la poitrine.
Hospitalisé à Valence, nommé responsable militaire de l’hôpital, il écrivit le 20 janvier 1937 à André Marty : « Depuis mon arrivée à Valence dans cette ville dépourvue de toute organisation, mais munie d’une organisation secrète pour faire déserter vos camarades de la colonne internationale – et si elle arrive pas à les faire déserter ils font tout ce qu’ils peuvent pour les faire rentrer à la FAI [Fédération anarchiste ibérique] – c’est ainsi que nous voyons nos camarades se faire racoler par cette graine d’anar. Il est à croire que tout si prêt [prête] depuis l’attaque sur Teruel est [et] notre évacuation sur Valence, il nous a tout manqué pour satisfaire au besoin de propreté et de nourriture et depuis cette date la ville de Valence déborde de nos gens de la colonne qui viennent de tous les coins d’Espagne sans aucun contrôle dans les gares par nous. Seuls les camarades espagnols font ce contrôle plutôt énergiquement pensant [posant] un temps [tas] de questions sur la nourriture sur le prêt. Ils commencent donc dès la descente du train à démoraliser nos camarades, c’est ainsi que nous constatons tous les jours des déserteurs – je t’en signale deux aujourd’hui – Boix et Breman, et d’autres blessés des autres hôpitaux qui passent à la FAI [Fédération anarchiste ibérique]. Devant un tel danger, s’il m’est possible de faire une proposition, la voici : elle serait de grouper cent hommes disciplinés pour organiser des gardes mixtes dans les gares et des patrouilles mixtes en ville surtout la nuit, sans oublier la journée, pour obliger [contrôler] la permission de tous les traînards en ville, ensuite faire passer un ordre dans tous les hôpitaux, provenant de la Base, parce que nos camarades blessés ou bien [les] malades ne puissent circuler dans la ville après 21 heures sauf permission spéciale de spectacle ; si ces conditions sont jugées bonnes, qu’elles soient transmises par le Comité de Base. »
« Je fais cette proposition en tant que délégué militaire de l’hôpital Provincial de Valence, car ici [il] nous est impossible de faire une telle proposition à nos camarades sans avoir un ordre signé. »
« Une autre question. Beaucoup de nos camarades surtout de la 13e Brigade n’ont pas leur carte de milicien, c’est une chose qu’ils réclament tous les jours. Nous sommes à cet hôpital deux cents-vingt. »
« Reçois, camarade Marty, mon salut communiste. »
« L. Devred. »
Rentré en France, il devint secrétaire de la section communiste de Vanves et candidat à une élection municipale partielle.
Le 1er mai 1937, il sollicita l’autorisation d’ouvrir un colombier de pigeons voyageurs.
Un rapport du commissariat de Vanves du 7 juillet 1937 mentionnait qu’il s’était « fait particulièrement remarqué par ses idées politiques, qui sont très avancées ; partisan très sincère, a fait partie de la Brigade internationale sur le front espagnol. »
Le 9 octobre 1941, Louis Devred a été interpellé par le contre-espionnage militaire allemand l’Abwehr dans le cadre de l’opération Porto. Deux cents quarante-quatre résistants appartenant pour la plupart au réseau Hector furent arrêtés. Les circonstances dans lesquelles Louis Devred a été membre de ce réseau sont inconnues.
Incarcéré dans le quartier allemand de la prison de Fresnes, Louis Devred, était en décembre 1941 dans le convoi de 212 hommes et 19 femmes classés « NN » Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard) ce qui signifiait destiné à disparaître sans laisser de traces. L’expression avait été empruntée par Hitler au livret de l’Or du Rhin de Richard Wagner. Après avoir été incarcéré le 15 décembre 1941 à la prison de Hagen en Wesphalie, Louis Devred a été transféré au camp de concentration de Sachsenhausen à trente-cinq kilomètres de Berlin, il y disparut à une date inconnue. Le camp a été libéré le 22 avril 1945 par un détachement de la 47ème armée Soviétique.
Son fils Louis, Alphonse entrepris en 1963 et 1964 des démarches auprès du ministère des Anciens combattants pour que son père soit reconnu comme déporté politique. Les demandes qu’il formula n’aboutirent pas.
Le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre attesta que Louis Devred interné à la prison de Hagen le 9 août 1942, se trouvait au camp d’Orianenbourg (Matricule 40.460 Bloc 53) le 20 septembre 1942, date à laquelle il aurait écrit à sa famille.
Le 27 août 1971 le Comité international de la Croix-Rouge à Arolsen en République fédérale d’Allemagne – Mission Française auprès du Service international de recherches (SIR), écrivit : « Selon une liste en notre possession, Devred Louis, de nationalité française, a reçu, à une date indéterminée, pendant la guerre, un colis du Comité International de la Croix-Rouge à Genève, au bloc 53 du camp de concentration de Sachsenhausen, N° de détenu 46460.
La reconstitution des séries matriculaires nous a permis d’établir que le numéro de détenu 46460 du camp de concentration de Sachsenhausen a été attribué vers le 15 août 1942. »
La carte de déporté politique, a été attribuée à titre posthume à Louis Devred le 12 avril 1965 (n° 110131137).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article211515, notice DEVRED Louis par Daniel Grason, version mise en ligne le 20 mars 2021, dernière modification le 22 mars 2021.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. 1 W 178-49400 (Devred Louis père et fils Louis, Alphonse). – Arch. de Moscou 880/12, 545-6-1159 (BDIC Nanterre). – Bureau Résistance (pas de dossier). – Dossier Caen 21 P 252328 et 634575 (transmis par Stéphane Robine le 10 mars 2021) – L’Aube nouvelle, 9 janvier 1937. – État civil AD Nord 1Mi EC 326 R 002, acte n° 80. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. — L’Aube nouvelle, 9 janvier 1937.

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