CUISSARD François [pseudonymes dans la résistance : Grenier, Lebrun, Rochefort, Sauge, Rossignol]

Par Maurice Moissonnier

Né le 4 juillet 1910 à Francheville (Rhône), mort le 22 décembre 1982 à Nice (Alpes-Maritimes) ; militant des Amis de l’URSS, du Parti communiste, combattant de la Résistance (lieutenant-colonel FTPF) ; responsable régional de France-URSS (1944-1947).

François Cuissard était d’extraction paysanne, fils de Jean-Baptiste et de Marie-Antoinette Castelli qui exploitaient une ferme à Francheville près de Lyon. Autodidacte, titulaire du seul certificat d’études, il fut successivement, en dehors des périodes où il fut permanent à France-URSS, employé de soierie et magasinier en papeterie à Lyon, représentant en confection en France, en Algérie et en Belgique. Il est retraité depuis 1974.
De formation catholique, il devint athée vers quinze ans, date à laquelle il commença à s’intéresser aux mouvements politiques. Il avait seize ans lorsqu’il donna son adhésion aux Amis de l’URSS et dix-sept quand il entra au Parti communiste en 1937. Cette adhésion au communisme, François Cuissard l’explique ainsi dans une lettre du 8 juillet 1977 : « Fils de paysans salariés (on les nommait « maîtres-valets ») dans la région lyonnaise, j’ai eu des parents qui se contentaient d’un titre ronflant : ils avaient l’impression de commander à quelqu’un et ne se rendaient pas très bien compte de l’exploitation dont ils étaient l’objet. Ce sont les injustices dont j’ai été le témoin et aussi les victoires populaires de 1936 qui ont fait de moi un communiste, et c’est tout. » À cela il faut cependant ajouter l’influence d’un beau-frère, travailleur à l’OTL (l’Office des transports en commun de Lyon). La formation théorique de François Cuissard fut seulement de deuxième main : aucun ouvrage de Marx et d’Engels, mais des écrits de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, sans compter la lecture de « Zola, Victor Hugo, Würmser, Aragon, Soria » 1936 fut donc pour lui l’année décisive : il découvrit le 14 juillet la fraternité de la victoire dont il a gardé encore en 1977 le vif souvenir, et aussi la joie de vacances passées en camping à Palavas-les Flots (Hérault). Ce fut aussi l’année de l’Espagne et, par devoir de solidarité, celle où il accueillit, avec sa première femme, une jeune Espagnole de sept ans.
Son activité militante prit de l’ampleur lorsque, de 1937 à 1939, il devint permanent des Amis de l’URSS, responsable de quatorze départements du Sud-Est. Dans ce travail, Fernand Grenier fut son principal éducateur politique - voir à ce propos le livre de souvenirs Ce Bonheur là publié par Fernand Grenier aux Éditions sociales en 1976 où l’auteur évoque le travail de Cuissard dans la région lyonnaise. Au moment du Pacte germano-soviétique, Cuissard participa à la campagne d’explication qui l’amena à faire des conférences quotidiennes - presque confidentielles, dans les communes du département du Rhône en particulier.
Il fut mobilisé au 299e régiment d’infanterie alpine stationné à Farges, dans l’Ain. À l’occasion d’une permission obtenue pour Noël 1939, les Amis de l’Union soviétique tinrent chez lui une réunion clandestine qui lui permit de reprendre ensuite contact avec Fernand Grenier, mobilisé dans une compagnie de travail du génie près de Grenoble. Ainsi fut-il amené à effectuer sa première action clandestine en répandant autour du campement de son unité des paquets de tracts du Parti communiste illégal, opération qui fit grand bruit.
Démobilisé au lendemain de la défaite, Cuissard fut mis en contact avec l’organisation du PC clandestin dès le mois d’octobre 1940 par l’intermédiaire d’une ouvrière du textile du Nord, Suzanne Cage* et d’un antifasciste italien Jean Sosso. Il fut chargé de reprendre contact avec les anciens militants des ASU à Lyon, Marseille, Nice, Grenoble, Toulon, etc. et, au cours de cette mission, alors qu’il séjournait à Digne chez une militante nommée Blanche Daumas, la gendarmerie fit irruption dans l’appartement pour y perquisitionner. À son retour à Lyon, il eut la présence d’esprit de ne pas rentrer directement chez lui et il apprit que son domicile, perquisitionné était sans doute surveillé. Il ne lui restait plus qu’à entrer dans une illégalité qui allait durer jusqu’en septembre 1944.

Dès le mois de novembre 1940, il participa donc avec « Léon » (de son vrai nom Révillon ancien secrétaire des ASU de Dardilly dans le Rhône) et de « Raoul » (de son vrai nom Besset, futur député) à l’impression de l’Humanité clandestine à Saint-Cyr-sur-Menthon, petit village de l’Ain, à mi-chemin entre Bourg et Mâcon. C’est avec le même Révillon qu’il alla en juin 1941 jeter des tracts à la sortie des usines Monet-Goyon à Mâcon, à l’occasion de l’entrée en guerre de l’URSS.

Au cours de l’hiver 1942-1943, Cuissard caché comme domestique agricole chez un vigneron de Fleurie (Rhône) fut chargé de constituer un groupe de FTPF (Francs-tireurs et partisans français) formé de « régulier », c’est-à-dire de militants qui poursuivaient leurs activités normales sans être dans l’illégalité totale. Cette responsabilité lui fut donnée à la suite du sabotage réussi d’un pylône de haute tension sur la rive gauche de la Saône non loin de Mâcon, sabotage qui priva de courant les usines de la ville pendant près d’une semaine. Avec son groupe, en mars 1943, pour marquer l’anniversaire de l’exécution de Pierre Semard par les nazis, il organisa, avec l’aide d’un de ses hommes qui n’était autre que le garde-barrière de Pontanevaux (Saône-et-Loire) nommé Ponceaux, un déraillement spectaculaire d’un train allemand.

Une telle efficacité, confirmée par de nombreuses opérations de moindre importance réalisées avec succès provoqua la rapide promotion de Cuissard qui fut chargé de la direction de l’interrégion qui regroupait l’Ain, le Jura, et la Saône-et-Loire à partir de juin 1943 puis en juillet 1943, la Savoie et la Haute-Savoie. Commandant du secteur Savoie, Haute-Savoie, Isère et Basses-Alpes puis commissaire aux opérations pour ces mêmes départements et pour ceux de l’Ain, du Jura, de Saône-et-Loire et du Rhône il prit finalement la tête d’une des trois subdivisions de la zone sud des FTPF à partir de janvier 1944. Alerté au dernier moment il échappa de peu, le 15 mai 1944 à la souricière établie grande rue de Saint-Clair à Lyon, ou l’État major FTP de la zone sud fut en partie capturé grâce à l’action de Iltis.

Il quitta en juillet la direction de la subdivision et devint commissaire aux opérations dans les départements de la Loire, de Haute-Loire, du Puy-de-Dôme, de l’Allier et du Cantal. Il intègre ici le trio de direction du Comité militaire interrégion A (CMIR), aux côtés de Jean Sicard, alias Fournier, Commissaire aux effectifs (CE) et Louis Porte alias Jourdan, commissaire technique. Il participa directement aux opérations qui accompagnèrent la libération de Saint-Étienne et de Lyon. À la fin de l’Occupation, en septembre 1944, il était lieutenant, colonel FTP sous le nom de Grenier après s’être fait appeler Lebrun, Rochefort, Rossignol, Sauge.

Revenu à une existence plus « normale », il divorça pour se remarier avec son agent de liaison Marie-Rose Castelli (qui s’est successivement appelée Odette, Danièle et Grignette), et il reprit son activité à l’association France-URSS comme permanent entre 1944 et 1947, puis comme co-responsable du centre culturel de l’association (1947-1950). Il exerça ensuite la profession de représentant, consacrant son temps libre aux activités de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR), du Secours populaire.

Membre du Parti communiste, il participait en outre aux manifestations de l’Amicale des vétérans du PCF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21200, notice CUISSARD François [pseudonymes dans la résistance : Grenier, Lebrun, Rochefort, Sauge, Rossignol] par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 4 février 2020.

Par Maurice Moissonnier

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 152626. Dossier François Cuissard (nc) .— Questionnaire biographique. — Souvenirs rédigés par F. Cuissard pour une publication. — Récits tirés du Réveil du lyonnais, bulletin des anciens FTP du Rhône.— Note de Jean-Pierre Besse

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